Charles Bukowski, Ecrire au 20ème – série d’été

Charles Bukowski est un écrivain, romancier, nouvelliste et poète américain. Il est né en 1920 en Allemagne et il est mort en 1994 à Los Angeles, sa ville de cœur, de corps et de vie, qu’il n’a eu de cesse de dépeindre et dédicacer. Il se fait connaître tard, quand il jette autour de 50 ans son job de postier pour se concentrer sur l’écriture et une vie encore plus rabelaisienne.  

Ses sujets ? Sa vie, ce qu’il vit, ce qu’il voit, ce qu’il boit, les femmes avec lesquelles il couche quand il n’est pas trop ivre. Les rues de la cité des anges, les courses de chevaux, son autre obsession. 

L’œuvre de Charles Bukowski, notamment ses romans et ses nouvelles, semble donc tantôt misogyne, tantôt propos de lendemains de soirées. En réalité, comme Gainsbourg, Bukowski est un laid de jeunesse devenu Don Juan tard. Il venge, en vulgarisant l’amour et le sexe, un jeune Bukowski acnéique et rejeté. L’alcool est plus encore chez lui que chez n’importe qui un désinhibant. Il fait le show, comme lors de son passage en France en 1978, dans l’émission télévisée de Bernard Pivot, quittant le plateau totalement ivre, il menace l’équipe technique. 

58ème secondes de la vidéo, marrez-vous

Ses Nouvelles de vieux dégueulasses comme elles se nomment, sont Au sud de nulle part des plaisanteries vengeresses, des champs de courses au lit, en passant par le magasin de spiritueux.


Pour de vrai, Charles Bukowski est un sentimental. En témoigne cet extrait clé de son roman majeur, Women, oui, Women :

« En beaucoup de domaines, j’étais un sentimental :
des chaussures de femmes sous le lit ; une épingle à cheveux abandonnée sur la commode ; leur façon de dire : “Je vais faire pipi…” les rubans qu’elles mettent dans leurs cheveux ; descendre le boulevard avec elles, à une heure et demi de l’après-midi, deux personnes marchant ensemble, simplement ; les longues nuits de beuverie, de tabagie, de discussions ; les scènes ; penser au suicide ; partager un repas en se sentant bien ; les plaisanteries ; les rires absurdes ; sentir les miracles dans l’air ; ensemble dans une voiture en stationnement ; comparer les amours d’antan à trois heures du matin ; s’entendre dire qu’on ronfle, écouter ronfler ; les mères ; les filles ; les fils ; les chats ; les chiens ; parfois la mort, le divorce, mais toujours continuer, s’accrocher ; lire seul le journal dans une buvette et sentir une nausée te retourner l’estomac, parce que maintenant elle est mariée avec un dentiste ayant un Q.I de 95 ; les courses de chevaux, les parcs, les pique-niques dans les parcs ; même la prison ; ses amis sinistres, tes amis sinistres ; ton goût pour la gnôle, son goût pour la danse ; ta drague, sa drague ; ses pilules, tes baises en douce, et elle qui fait pareil ; dormir ensemble… »

Women, Charles Bukowski, 1978


Bukowski se lit avec du recul, et alors on peut prendre la pleine mesure de la drôlerie : 

« C’est ça le problème avec la gnôle, songeai-je en me servant un verre. S’il se passe un truc moche, on boit pour essayer d’oublier ; s’il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter, et s’il ne se passe rien, on boit pour qu’il se passe quelque chose. »

Toujours dans Women


Mais Charles Bukowski est avant tout, et c’est ainsi qu’il se définit lui-même, un poète. Il publie près de 40 recueils, et donne des lectures alcoolisées qui font sa légende : 

« ou un vieux type dans une pièce misérable
avec une photographie de M.Monroe.

Il y a dans ce monde une solitude si grande
que vous pouvez la prendre
à bras le corps.

Des gens claqués
mutilés
aussi bien par l’amour que par son manque.

des gens qui justement ne s’aiment
pas les uns les autres
les uns sur les autres.

Les riches n’aiment pas les riches
les pauvres n’aiment pas les pauvres.

nous crevons tous de peur.

Notre système éducatif nous enseigne
que nous pouvons tous être
de gros cons de gagneurs.

mais il ne nous apprend rien
sur les caniveaux
ou les suicides.

Ou la panique d’un individu
souffrant chez lui
seul

insensible
coupé de tout
avec plus personne pour lui parler

et qui prend soin d’une plante. »

extrait d’un poème de son recueil majeur, L’amour est un chien de l’enfer, 1977


Arthur – Culture collective

Processed with VSCO with e6 preset

Laisser un commentaire