Cet été, on a pris le temps de téléphoner à Kemmler, rappeur marseillais de 28 ans et auteur de l’album “Rose” sorti en juin dernier, qui nous en a livré un peu plus sur sa vie !
Salut Kemmler, ça va ? T’es à Marseille en ce moment ?
Écoute ça va super et toi ? Oui oui, je suis à Marseille là.
Ok, c’est cool, nous aussi ça va ! On aurait préféré t’avoir en interview vidéo mais bon, c’était un peu compliqué !
Oui c’est clair, et puis je bouge pas mal en ce moment aussi donc on fait avec !
Je vais te poser une question assez basique je suis désolée, mais je crois qu’il faut quand même passer par là. On aimerait savoir quand tu as commencé le rap, et pourquoi ?
Alors j’ai commencé dans les ateliers d’écriture, au collège. Tu sais entre midi et deux, il y avait une pratique un petit peu dans le début des années 2000. Marseille c’était assez fréquent, il y avait beaucoup d’ateliers d’écriture qui se montaient, surtout hip-hop. Et il y a un gars qui est venu nous proposer ça dans mon collège. On était entre potes et on s’ennuyait un peu, on a testé et puis après c’est resté quoi.
Et depuis tu n’as jamais arrêté alors ?
Oui voilà, depuis 2004. J’étais en 3ème.
Tu viens de Marseille. Est-ce que tu fais en sorte qu’il y ait un peu de Marseille dans tes chansons ?
Pas forcément en fait. Je cherche pas forcément à représenter ma ville. J’ai envie qu’un gars qui se trouve à Strasbourg, en Belgique ou en Suisse, il se ressente autant dans mes textes qu’un gars qui vient de Marseille. C’est pour ça que j’essaie de repousser les frontières de ma musique. Je veux pas que ça s’arrête seulement à là où je vis. Et puis après, Marseille c’est une ville que je connais tellement, je pense que je serais pas objectif en parlant de ma ville, quoi.
Oui, et puis il y en a déjà plein qui représentent un peu leur ville.
Et qui le font sûrement mieux que moi, tu vois. Donc je pense que c’est pas mon rôle en fait.
Tu représentes sûrement plus ta musique que ta ville ?
Complétement, ouais.
T’as sorti ton nouvel album cette année, qui s’appelle « Rose ». Pourquoi tu as choisi ce nom ?
Déjà au niveau de la pochette, tu vois il n’y a pas ma tête, on a juste fait un carré rose. On s’est dit que les clips me représentaient assez, et que c’était quand même logique qu’il y ait ma tête dans les clips, c’était logique. Mais après, moi je voulais que les gens écoutent vraiment ma musique et ne s’arrêtent pas à un visage sur une pochette ou quoique ce soit, tu vois. Je voulais vraiment que ça interpelle et qu’on parle de ma musique seulement. On a réfléchi à quelque chose qui pouvait le plus représenter une musique sans que ce soit un visage, et on s’est dit qu’une couleur c’était vraiment la chose à faire. Et on a pensé que c’était le rose qui représentait le plus ma musique, parce que je parle beaucoup de femmes, d’amour. Et puis il y a aussi ce filtre rose un peu pastel sur Instagram, qui gomme un peu les erreurs. Et je pense que c’était ce qui représentait le plus l’album, au niveau du titre comme au niveau de la pochette. Aujourd’hui je ne regrette pas, je pense que le choix était bon.
Oui ! Et puis ça change un petit peu aussi le fait de se dire qu’un rappeur utilise la couleur rose, qui est très féminine, pour définir son travail.
Oui c’est vrai, ça sort un peu du lot. Et j’étais content de ça.
C’est bien aussi parce que nous, les gens du sud, je crois que c’est la seule couleur qu’on ne sait pas bien prononcer.
Ahah, ouais carrément ! Mais c’est bien, comme ça chacun a son interprétation du « rause » ou du « rose » tu vois !
Je pense que tu parles beaucoup de tes vraies histoires dans tes chansons, ou du moins ça semble très sincère. Qu’est-ce que tu voulais vraiment partager avec cet album ? Qu’est-ce que tu voulais faire ressortir ?
J’avais vraiment envie de parler de moi ou de mes expériences, en exagérant parfois certains trucs. J’avais pas envie déjà qu’on puisse déceler le vrai du faux. J’aime bien le fait que les gens se demandent si l’histoire est vraie ou pas, et laisser ce truc là un peu en interrogation. Et aussi, j’ai envie que les gens se ressentent dans certaines histoires. Il y en a qui sont juste admiratifs du côté de l’histoire qui est un peu du côté amoureux, et d’autres qui se ressentent dedans en se disant « Putain c’est exactement ce que j’ai vécu ! Est-ce que lui aussi c’est son histoire ? ». Et ça je trouve ça vraiment intéressant. De toute façon, chacun ressent un son d’une manière différente. Certains de mes sons sont complètement autobiographiques, d’autres un petit peu moins ou exagérés. Mais en tout cas c’est ma perception de la chose, que ce soit une histoire vraie ou pas.
Avec une chanson comme “Moi aussi”, on voit que tu essaies vraiment de parler à tout le monde. D’ailleurs tu dis même : “Est-ce que t’as aimé ce morceau et tu t’es ressenti dedans ? Possible.” On voit que c’est important pour toi.
Oui voilà. J’essaie de toucher toutes les personnes, peu importe ce qu’elles sont et peu importe ce qu’elles vivent.
Tu pourrais nous donner le nom de la chanson, pas forcément que tu aimes le plus, mais qui te représente le plus ?
Je pense que c’est “J’avoue”. C’est plus ma carrière, et même ma vie depuis 15 ans. C’est celle qui représente le plus ma vie de tous les jours, jusqu’à la sortie de mon album en tout cas.
Quand est-ce que tu écris ?
Disons que j’ai plusieurs alternatives. Avant, je cherchais des prods sur YouTube, je me posais chez moi, dans le noir, il faisait nuit et c’était cool. Aujourd’hui, je bosse plutôt en studio, avec des compositeurs et des beatmakers sur place. Et ce que je fais souvent, c’est commencer à écrire des paroles quand on a trouvé un début de prod. Et tout se fait un petit peu en même temps. On est beaucoup dans la post prod, à faire en sorte que la musique fasse ressortir les paroles, et inversement.
A mon avis, c’est aussi ce qui fait que ton travail aujourd’hui est plus en accord avec ce que tu veux vraiment renvoyer. C’est important pour toi de dévoiler et mettre sur la table tes émotions dans tes chansons ?
Oui c’est important je pense. En tout cas, en tant qu’auditeur je pense que c’est ce qui me touche le plus quand j’écoute un artiste, peu importe son style musical. J’ai envie que les gens aient ces mêmes pensées et puissent se dire “OK, là le chanteur est en train de me parler”. C’est plus touchant que quelqu’un qui fait juste des punchlines par exemple, même si j’adore le faire aussi. Mais dans ce cas, ça devient un peu moins intime.
Aujourd’hui, tu gagnes ta vie avec la musique ?
Oui maintenant j’arrive à gagner ma vie avec mes chansons. J’écris aussi pour d’autres.
Si tu n’avais pas pu vivre de ça, tu penses que tu aurais fait un métier tout autre ?
J’ai toujours dit ça, et même avant quand je gagnais pas ma vie avec la musique, que si je ne pouvais pas vivre de ça, je finirais malheureux professionnellement jusqu’à la fin de mes jours. J’ai pas d’autres passions dont je pourrais vivre tu vois. Je suis passionné par le cinéma, par le football, mais je n’ai ni les qualités pour être footballeur ni pour être acteur.
Maintenant que c’est ton métier, et que tu connais un petit peu mieux le monde de la musique, il y a des choses que tu aimes et que tu n’aimes pas dans ce milieu ?
Il y a plusieurs choses que je n’aime pas. Première chose, c’est le communautarisme musical, dans le sens de faire partager ou de promouvoir uniquement les sons des gens de ton quartier. Je trouve ça vraiment à l’ancienne en fait, ça me gave. Après j’aime pas l’hypocrisie entre les artistes. C’est difficile de trouver des artistes où vraiment il va y avoir des partages sans intérêt. J’en connais, et sans te mentir je pense que je suis vraiment comme ça aussi. Quand j’ai un coup de cœur pour quelqu’un, j’aime bien que les gens le découvrent. Je vais pas avoir une mentalité de jalousie ou quoi. Et puis, ce que j’aime dans la musique c’est le processus de création. De bosser un titre pendant des mois et d’arriver à le faire découvrir au public, et qu’il kiffe. C’est une sensation tellement intense.
En ce moment, tu prépares des projets ?
Oui, en ce moment j’écris pas mal pour d’autres, de grosses personnalités de la musique française. Et à côté, j’ai quelques petits projets. On est en train de bosser des sons pour des playlists qui nous ont contactés. On a repris le tournage pour le clip de “Dansé”. Je commence aussi un peu à réfléchir à un nouvel album, à un angle de vue.
Tu penses que le prochain album restera un peu dans la continuité de celui-là, ou justement tu comptes faire quelque chose de totalement différent, comme a pu le faire Orelsan par exemple ?
Déjà j’aime bien un peu espacer les albums. J’ai pas envie de sortir un album tous les trois ou six mois, parce qu’au final je vais avoir l’impression de dire encore les mêmes choses.
Il faut que ta vie change aussi un peu je pense, pour avoir de nouvelles inspirations, une nouvelle approche.
Exactement, il faut que ma vie avance. Je découvre des nouveaux trucs et j’ai envie de parler d’autres. Donc là je réfléchis, il y a toujours quelques trucs qui m’inspirent à droite à gauche. J’essaie de les noter, et de me demander s’il y a des sujets qui pourraient être intéressants à aborder, parce que ça me parle. Je suis dans une période de réflexion et j’ai pas envie de pondre la même chose à nouveau. En tout cas, je ne pense pas que ma musique tend à changer, peut-être à un peu évoluer, mais ma manière de voir les choses reste intacte. Je pense que c’est aussi pour ça qu’aujourd’hui on fait appel à moi pour d’autres trucs, pour ma manière d’écrire et de voir la vie.
J’ai une dernière question, que l’on pose à tous les gens qu’on interview. Première Pluie c’est le nom de notre collectif, qu’est-ce que ça t’évoque ?
Première Pluie pour moi c’est inspirant. Ça pourrait même être un titre de morceau. On dit : “Je ne suis pas né de la dernière pluie”, et j’aime bien le côté inversé. Je pense que ça pourrait être un putain de titre de morceau ouais !
Vas-y, on t’autorise à utiliser notre nom.
Ahah, je vais vous le prendre et en faire un tube. On bossera ensemble !
Pas de souci, on attend ça avec impatience alors ! Merci pour ton temps, c’était vraiment chouette en tout cas.
Ça m’a fait plaisir aussi, et puis j’aime bien quand les gens essayaient de construire, de monter des trucs. Si je peux aussi participer à ça à ma façon, c’est ce qui compte, et c’est avec plaisir !
Où le retrouver ?
Pauline Gauer – INTERVIOU
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