Je me souviens de cette petite fille. Les paysages défilaient, basculaient de villes en campagnes, de campagnes en montagnes tandis qu’elle s’amusait à compter les nuages. Avec sa main, elle essayait de tenir les comptes mais la tâche s’avérera plus difficile que prévue – ses doigts n’étaient pas assez nombreux. Elle avait cette pépite dans les yeux qui s’éteint chez les adultes. Son regard souriait et la lumière d’un soleil fatigué baignait son visage. Elle riait, elle parlait avec son ami transparent sans se soucier de ce qui l’entourait, sans voile et sans retenue. Elle était elle, pour de vrai, elle ne cachait rien à personne. Je me souviens de la pureté qu’elle dégageait, aveuglante naïveté.
Alors que le wagon s’enfonçait dans les profondeurs des forêts, une brume fine assombrit le ciel couleur de bleu. Les yeux de la petite fille s’éteignirent en même temps. La pépite du début n’était plus là. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui arrivait. Son sourire quelque secondes avant avait disparu, son ami aussi. Elle ne comptait plus les nuages, elle ne faisait que les regarder se rapprocher, noirs et je voyais un voile se tisser dans son regard. J’entendais aussi ses larmes pleuvoir sur le toit alors que les décors passaient encore plus vite.
Un haut parleur trop bruyant criait mon arrêt, je reconnaissait les montagnes de mon enfance. Elle me regardait pour la première fois du voyage en me disant juste deux mots : « Souviens toi ».
Mélina Rard – Photo de la semaine