Hier je faisais le tri dans mes anciennes images. Une fois toutes classées par date et par lieu – on me dit souvent que je suis un brin maniaque, c’est vrai – j’en suis arrivée à analyser mes propres habitudes photographiques. Tous ces regards qui pesaient sur moi, ça m’oppressait presque. Je peux le dire, au moins 2/3 des images étaient prise de manière à ce que le (ou les) modèle(s) regarde l’objectif, et donc par conséquent celui qui va tomber nez à nez avec eux. C’était flagrant. Comme un geste inconscient à répétition.
En histoire de l’art on appelle ça un admoniteur. J’ai appris ce terme il y a quelques semaines dans mon cours d’art moderne. Dans les peintures Renaissance on voit souvent un personnage qui semble décrocher de son groupe, comme absent de la scène. Il regarde en face de lui, le spectateur, il l’apostrophe et l’invite dans le tableau. C’est lui l’admoniteur. Dans la religion, l’admoniteur c’est celui qui guide le novice. Alberti dira alors que l’admoniteur c’est celui qui guide le spectateur à travers l’image.
Bon je suis pas là pour faire un cours de linguistique ou d’étymologie. Et puis je suis bien loin de vouloir me comparer au grand peintre et philosophe qu’est Alberti, surtout quand on se souvient que mon geste est inconscient… Mais la coïncidence est drôle et il me tenait à cœur de la soulever. Le regard, c’est toujours quelque chose qui me passionne chez les gens. Il est révélateur de tous. Ainsi, l’instinctif de mes prises de vue est en fait que la traduction de ma vision des choses.
Mélina Rard – Photo de la semaine