J’ai toujours trouvé ça beau comme les âmes s’emmêlent, se tissent et se défont. Dans la photographie c’est ça qui me plait ; capter cet infime moment de complicité qui se crée, ce lien spécial entre l’objet de mon imagination, le modèle, et moi même. En Guadeloupe, la population locale ne veut pas être prise en photo par peur qu’on lui vole son âme. Ils ont peur de ce lien qui se crée. Il y a donc bien une forme de spiritualité dans la photographie, si on veut bien la voir. On joue avec elle, la façonne, et lui donne une forme pleine, visible.
C’est un échange bref, entre l’autre et le photographe, enrichissant à chaque fois. J’aime bien apprendre de l’autre, j’aime bien cette rencontre. Ça peut paraître intrusif, ça ne l’est en fait pas du tout. A chaque fois je suis étonnée de constater à quel point l’autre se livre. Il y a une confiance qui s’installe, doucement, comme un voile qui se brise, un mur qui s’effondre.
Alors, seulement à ce moment j’arrive à comprendre ce que je cherche. C’est le beau. Beaucoup cherchent le message, le sens fort, engagé. J’admire ceux là. Mais j’ai compris il y a peu, que ce que je cherche moi, dans l’image achevée, c’est le beau. Le beau de l’autre, celui qui diffère en chacun. Celui qui brille dans ses yeux. Le beau qui, peut importe le temps qui passe, ne s’évaporera pas.
Mélina Rard – Photo de la semaine