C’était un jour férié.
Ces jours lascifs, où les rues sont vidées des passants pressés parce qu’ils sont rentrés chez eux pour profiter de leur congé. Ils ont fait la grâce mâtiné en se disant qu’il était bon de ne pas travailler un jour de pleine semaine. Puis ils ont déjeuné avec leur famille, leur moitié ou leurs enfants en pensant déjà à demain, quand ils devront reprendre le métro pour aller au boulot.
Pour moi, ce jour avait été différent. Avec les copains de la fac, on avait fêté la veille la fin d’une année terminée. C’était ces soirées dont on ne se rappelle plus vraiment, ces soirées floues de désirs inavoués, inassouvis. On était rentrées tard dans la matinée déjà férié, il faisait encore bleu dans le ciel, et les oiseaux chantaient déjà.
Quand je m’étais réveillée, la pluie avait remplacé la mélodie des carillons. Il était déjà trop tard pour profiter. Une journée perdue. Une journée pour rien. Il fallait que je range mon appartement, alors comme je n’avais que ça à faire je décide de le faire de fond en comble. J’ai emmené ma couette à la laverie. Il pleuvait encore dehors. J’aurais du prendre un sac. Ma couette était déjà mouillée, je me suis dit que ça ferait un pré lavage. Une copine m’a rejoint, elle n’avait rien à faire non plus. Elle avait ramené des briquettes de jus de fruit, alors on est restées assises devant les machines avec notre jus, à regarder le linge tourner dans un tourbillon de paillettes. Nos conversations n’allaient jamais très loin, trop fatiguées pour être intelligentes. Pour passer le temps, on a cherché la liste de toutes les peurs possibles. On se serait cru dans un mauvais film d’auteur, ceux dans lesquels les discussions n’ont aucun sens.
A un moment, un homme d’une trentaine d’années est entré pour récupérer son linge, il nous regardait comme si nous étions étrangères à ce monde. Et c’est peut être ça qu’on était après tout. Ça expliquerait notre incapacité à nous formater à ce beau jour férié, comme tout le monde, aller au parc, rire, plier ses vêtements au carré…
Le sèche linge nous appelait d’un son strident, la couette était cuite, toute chaude. J’avais toujours pas de sac, il pleuvait toujours. On est partie toutes les deux dans un sens opposé. Il était déjà 18h, il fallait rentrer pour préparer le lendemain. La couette était toute propre, et l’appartement aussi. On avait passé ce jour férié, à laver les paillettes de la veille.
Mélina Rard – Photo de la semaine