Il regardait la mer couler en dessous de ses pieds, l’eau glisser de ses lèvres salées.
Le bateau l’avait mené jusque là, sans qu’il ne dise rien. Il s’était laissé faire, persuadé qu’il était en sécurité, ici, sur les flots. Ça faisait longtemps qu’il n’était pas revenu, trop longtemps pour reconnaître les côtes rocailleuses. Il essayait de se souvenir, il essayait de se rappeler un son, une courbe, ou même un mot, qu’il aurait prononcé là, alors qu’il était encore jeune. Il ferma les yeux pour se calmer, et respira l’embrun rosé qui se dégageait des vagues.
Il se réveilla sur la terre battue. Le vent balayait l’étendue d’herbe verte et soufflait ses cheveux blancs. Les vestiges d’un phare au loin, rouge, le ramenèrent à ses esprits. Il se trouvait seul sur cette île désolée, comme toujours il l’avait été, puisque personne n’avait voulu le suivre, ou n’avait voulu de lui, il ne savait plus trop. Toutes ces années, il avait travaillé dur pour construire ce bout de terre qu’il chérissait tant. Il n’avait qu’elle à aimer, et puis la mer. Et voilà qu’elle s’était déchaînée contre lui. Terrifiée à l’idée de le perdre, elle avait englouti ses derniers souvenirs.
Debout au milieu des ruines vermeilles, il regardait la mer couler en dessous de ses pieds, sur le sable humide des jours de pluie. Il sentait l’eau glisser de ses lèvres salées … impression de déjà-vu, sensation étrangère, vision nocturne … L’horizon l’appelait ailleurs.
Mélina Rard – Photo de la semaine