Elle plongea dans l’eau glacée pour ne plus rien ressentir.
Une fois engloutie par les profondeurs bleues, elle ne sentait plus que son âme flotter à côté d’elle. Tout son être était imprégné d’eau, imprégné de lui. Lui qu’elle avait laissé à l’aube de son lit défait, dormir encore un peu après la nuit veillée. Elle aimait se réveiller en premier et contempler ses traits limpides, ses courbes assoupies. Elle aimait se baigner sous le ciel orangé du matin. C’était toujours le même rituel qu’elle ne se lassait pas de recommencer ; l’odeur des pins, le chemin humide pour atteindre la rivière, les roches encore fraîches de rosé… Et puis ensuite le vide, les sens brouillés par le silence sombre qui caressait son corps. À nouveau elle sentait sa peau se froisser par le froid, elle percevait sa respiration se calmer. Au bruit des eaux, c’est tout son être qu’elle redécouvrait. À nouveau, elle appréhendait son reflet à l’orée du courant. Elle aimait ce corps mouillé, ce corps entier, ce corps dont elle était la seule souveraine.
Elle se tourna sur le dos, les paupières closent, éblouies par le premier soleil du jour. Les membres engourdis, elle se laissa bercer par les flots et se mit à rêver. Elle rêva de passions immaculées, d’amour candide, d’une fureur délirante d’innocence. Elle rêva des choses simples des beaux jours. Brusquement, le courant s’accéléra, éveillant une colère venue des tréfonds de son âme. Elle se mit à haïr celui qui volait son unité ces nuits de désirs. Elle se sentait blessée, trompée par celle qu’il voulait qu’elle soit. Happée par les ondées, elle voulut se noyer pour ne plus rien ressentir.
En sortant de l’eau, elle repensa au doux visage qu’elle avait abandonné avant le jour. Elle se souvenait de ses courbes endormies, ses traits limpides qu’elle ne reverrait pas.
Mélina Rard – Photo de la semaine