En ce moment, c’est vrai que j’écoute peu de musique. Enfin, peu de musique pour me faire plaisir. J’écoute toujours tout ce qui sort. J’écris sur la musique beaucoup. Mais presque plus jamais pour me faire plaisir. Plus de la musique pour le coeur. Là je venais d’arriver dans le train. Encore eu du mal à l’avoir. Tous les muscles tendus et encore aux abois comme un ours. Je me suis assis sur ces sièges inconfortables de wagon bar. Il n’y avait personne dans le wagon, même pas de barman. J’ai écouté les Beatles.
Je me suis dit que je crevais de ne pas être irlandais. Et d’avoir grandi dans un pavillon comme ceux de cette banlieue de Dublin. Des pavillons avec de la pelouse devant. Des arbres qui se ressemblent tous sur le bords des rues. Des boîtes aux lettres de couleurs avec dedans des bulletins d’enfants heureux. Des ronds-points inutiles. Des rendez-vous devant les cafés, avec des amis de longue date, tous en uniforme. Et on aurait enlevé nos cravates pour faire les beaux devant les filles de St Patrick.
J’avais envie de pleurer de ne pas être né à Manchester. J’aurai voulu faire du rugby et sortir dans les bars avec mes amis du rugby. Et qu’il y ait de grandes bagarres dans les pubs. Que mes cheveux soient tout le temps en bataille. Qu’on lise tous des poèmes vers nos 17 ans. Je serai arrivé tout le temps en retard au lycée avec la lèvre qui saigne en plein hiver. Là avec la lèvre qui saigne j’aurai su quoi faire. Comme par exemple aller écrire longtemps dans un hôtel en hiver à Margate.
J’ai pensé tristement à ma vie sans une enfance à Glasgow ou même dans les Highlands. A une maison, le genre de grosse maison en pierre qui fait du feu. Un papa qui rentre tous les soirs dans une grosse bagnole. Le genre de bagnoles qui rendent les familles heureuses dans les publicités. Ah avec maman et des dizaines de milliers de frères et soeurs devant la BBC avec des conneries de chocolats chauds. Toute l’année l’hiver. Becky qui dit qu’elle est amoureuse de moi et on apprend le nom des fleurs.
Dans ce train grande vitesse moisi, je voyais les villages défiler par la fenêtre. Cette lumière du débit d’hiver, qui faisait de son mieux pour rappeler à l’univers que la peinture flamande existe. J’avais la rage. Pendant ce voyage les beatles se la jouaient tranquillement dans mes oreilles. Seul dans ce train qui roulait vers je ne sais pas où et qui en plus roulait juste pour rouler. J’avais ce costume bleu que je porte parfois. Il est confortable comme un après-midi en haute mer.
On est arrivés dans une ville je ne sais pas laquelle mais je n’y avais pas grandi non plus. J’ai pensé à la face pas si moche de mon enfance. J’ai pensé à tous les chemins qui mènent là où on va. Plus de batterie dans mon téléphone.
J’ai pensé à tous les gens qui pensent que je suis cinglé. Je ne suis pas en fuite, je suis à la poursuite. ne vous déplaise.
Arthur