Rose pâle / train de nuit – Chronique du wagon bar

En ces temps de grève, la direction de Arthur Guiomo Industrie décline toute responsabilité si l’idée d’un train qui roule vous fait rager. 

Paris 20h23 – 21h57 Dijon

Elle dit des choses qui peuvent vouloir dire n’importe quoi, elle dit tous les mots dans une langue que je ne comprends pas. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà entendu cette langue dans ma vie. Il fallait ce train, ce wagon, elle qui téléphone, sur un vieux téléphone. Un téléphone à clapet, rose pâle. 

Les trains de nuit sont mystérieux. Ceux du matin sont ceux qui rangent la nuit, qui terminent les valses, où le corps, las de la nuit, tangue et s’éteint entre les gares des petites agglomérations qui trompent la campagne. Les trains du soir sont des trains de conquête. Des trains qui mettent leurs beaux habits. Les trains de nuit, et leur voyageur n’ont que des dimanches. 

Elle qui parle, à son téléphone rose à clapet, ça me fait penser à tous les possibles du monde. Qu’on peut toujours partir après tout, toujours se battre, toujours réinventer le matin d’après. Elle parle dans une langue que je ne comprends pas, mais ça pourrait devenir ma langue, parce que je suis jeune et que je connais par coeur les horaires des trains de nuit. 

Et d’ailleurs si la compagnie des chemins de fer remettait en route les trains de nuit, je dormirai toujours dedans. Je n’aurai pas un foutu appartement et je déjeunerai dans des gares désertes. Avec des gens qui ne parlent pas ma langue et qui sont donc tous mes frères d’ailleurs. Celui possible. Toujours en mouvement, à la recherche. 

Elle parle, dans une langue imaginaire peut-être, à son téléphone rose à clapet. C’est peut-être l coup de fil le plus important de sa vie. C’est peut-être juste pour résilier son abonnement à la salle de sport. Peut-être juste pour dire qu’on a 5 minutes de retard. 

Moi je prends des notes, comme tout le temps. C’est une hygiène. Ne jamais croire qu’on va s’en souvenir. Par coeur les moments, non pas par coeur les moments, par coeur les sensations mais ça ne s’écrit pas et je suis incapable de vous raconter comment c’est un café dans un train de nuit, à 5h, avec un type qui parle à son reflet, le reflet du wagon-bar.


Arthur Guiomo

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