La voyageuse – Métro Polis

Couverture : Apostrophe M

Paris, la vie qui court et moi au milieu de tout. Discrète dans un coin du métro, je m’imagine la vie des autres. Ceux qui n’ont pas de prénom, pas de sourire souvent, mais qui transportent des sentiments, et des objets qui attirent l’attention. A quoi pensent-ils ? Que font-ils lorsqu’ils descendent de la rame ? Sont-ils heureux ?

Chaque semaine, j’écris sur la vie de ces gens dont je ne sais rien, et confie le pinceau à l’illustrateur Apostrophe M.


Souffrance. C’est le premier mot auquel j’ai pensé en voyant cette femme, au loin. Elle est arrivée sur le quai de Châtelet avec deux énormes valises, et un sac à dos noir. Elle haletait, déjà. Un homme a tenté de l’aider, mais elle a refusé d’un geste de la main. Je comprends, je fais souvent pareil.

Le RER est arrivé. RER B, un seul niveau, et beaucoup de corps, de jambes et de bras qui s’entassent, qui se mélangent, qui créent cette masse difforme qui effraie.

Elle est montée, une valise après l’autre, puis une jambe après l’autre dans cette rame qui semblait plus vieille que les autres. Puis, on l’a poussée, dans un coin. Elle a commencé à pleurer des larmes discrètes que je suis la seule à avoir vu.

Une main sur le front puis sur les tempes, pour stopper la migraine. Une respiration qui tente de ralentir.

J’ai tout ressenti.

Sa douleur à la jambe.
Le poids de son sac à dos.
La sueur dans sa nuque.
Les rides sur son front.
Et ses yeux qui se ferment pour penser à autre chose.

Je lui ai demandé si ça allait. “Oh, ça va, merci.” Mensonge. Mais surtout l’envie de se faire toute petite et ne pas en parler.

Une station, deux stations, trois stations. Et à chaque fois, cette masse de monde qui rentre et qui sort. En écrasant cette femme. En donnant des coups de pieds dans sa valise.

Mais ça va, c’est ce qu’elle m’a dit. Et je n’ai pas voulu insister. Puis, un homme est rentré, s’est frotté contre mes fesses alors j’ai dû me soucier d’autres choses.

J’ai baissé les yeux, comme on le fait toutes.

Puis j’ai vu cette femme, au loin, marcher hors du train, avec ses deux valises qui semblaient plus lourdes qu’avant. Avec sa veste claire au milieu des gens gris. Et la vie a repris son cours, sans que je sache où elle allait, sans que je sache où j’allais moi-même.


Pauline Gauer & Marvin Gomis

Laisser un commentaire