Photo souvenir – Photo de la semaine

« Photographier des inconnus, en inventer l’histoire…» Mélange des regards et des sens, lui à la photo moi, Mélina, aux mots, dans le cadre de la Photo de la semaine, on vous propose avec Axel Benaben une collaboration entre image et écriture.


C’était sur le marché en Turquie. Il venait de pleuvoir mais le soleil pointait déjà ses rayons chauds, l’odeur d’humide venait se mélanger à celles des étales, ça grouillait de senteur, ça grouillait de corps, et de cris qui l’empêchaient de penser. Il se trouvait au milieu de cette foule comme il se serait perdu dans sa ville, images étrangères à ses yeux, il leur souriait comme pour saluer le monde. Il regardait ces visages défiler sans s’arrêter, chacun différent, pourtant en eux il se voyait, se retrouvait.

Depuis des heures qu’il était là, ou peut être quelques minutes il ne savait plus, il avait oublié qu’il s’était rendu dehors dans le seul but de photographier cette vie qu’il ne connaissait pas, pour la partager ensuite à ceux qui ne la connaissaient pas non plus. Mais il s’ennuyait déjà de ces clichés sans fin, à la beauté plastique et artificielle. Il avait marché de rue en rue, laissant ses pas le guider comme il le faisait parfois chez lui, laissant les passants l’amener là où il devait se trouver. Ce qu’il voulait c’était capter ces odeurs enivrantes, ces regards et ces cris, entêtantes vibrations qui lui donnaient mal à la tête mais le faisaient vivre.

Il y avait cet homme qui le fixait. Loin derrière les montagnes d’oranges, il ne voyait que ses yeux, fatigués par le temps. Il riait tout en le regardant, il ne pu s’empêcher de lui rendre son sourire, bien qu’il ne su jamais s’il était sincère ou bien s’il se moquait de son visage étranger. Il continua à le suivre des yeux alors qu’il s’en allait, sa canne à la main, portée d’une façon trop étrange pour qu’elle ne soit efficace, il campa à ses lèvres sèches une cigarette, sans l’allumer. Il porta à lui son appareil pour ne pas l’oublier, et l’homme avait déjà disparu, happé par le vacarme alentour, il avait perdu ses yeux, mais la pellicule elle s’en souvenait.


Photo : Axel Benaben / Texte : Mélina Rard 

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