Websérie : Le masque et la brume, quand les artistes luttent contre la pollution de Pékin

2020, et une envie de nouer des collaborations de long terme avec des équipes indépendantes, jeunes et passionnées par la culture sous toutes ses formes. Cet article est publié dans le cadre d’une collaboration journalistique entre Première Pluie et Samouraï Coop, une société de production coopérative innovante et décentralisée que j’ai intégré en février dernier. Elle rassemble des profils variés et complémentaires autour de la réalisation de contenus audiovisuels, de médias innovants, et de créations originales. Chaque semaine, je publierai un article culturel spécial, à retrouver sur Samouraï News et sur Première Pluie.


 

Juin 2020. Le monde se déconfine, encore fiévreux de cette pandémie qui dure toujours. Les rues sont bondées de gens qui portent des masques et d’autres qui devraient en porter. Des silhouettes aux visages de tissus multicolores. Tout le monde en parle, tout le monde en cherche. Le masque devient la priorité dans les transports en commun et l’étrange mode de l’été 2020. De toutes les formes, de toutes les tailles, de toutes les marques : il est devenu un accessoire indispensable à la vie en société.

Bien que le port du masque chirurgical dans la rue soit un phénomène nouveau pour la majorité des populations, il est très utilisé dans les villes polluées comme Pékin, la capitale de la Chine. En effet, la ville possède une concentration en particules fines si élevée que lors des pics de pollution, son taux grimpe jusqu’à 200 par mètre cube d’air, un chiffre huit fois plus élevé que le niveau recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

En Chine, la pollution entraîne près d’un million de décès par an. Et respirer l’air de Pékin pendant une journée, équivaut à fumer 40 cigarettes. Si les niveaux de particules fines sont trop élevés, les écoles ferment, les activités en plein air sont annulées et les gens se réfugient chez eux, près d’un purificateur d’air. La ville devient souffrante, grise et brumeuse.

Depuis janvier 2020, France Télévisions, sur sa plateforme Francetv Slash, propose une websérie documentaire de sept épisodes d’environ sept minutes : Le Masque et la brume. Réalisée par Marc Cortès et Pierre-Philippe Berson, la série suit le quotidien de sept personnes victimes de la pollution de Pékin, qui ont fait de ce problème environnemental leur métier ou leur art.

Avec ces images sincères et esthétiques, cette narration novatrice et une construction des épisodes au travers de la musique, le documentaire nous livre des morceaux de vies, des problématiques urgentes et des créations passionnées. Nous rencontrons d’abord Mengqi, un musicien et inventeur d’instruments pékinois qui, comme de nombreuses personnes en Chine, souffre d’une rhinite chronique. Ses insuffisances respiratoires le poussent à faire des sacrifices dans sa vie sociale, et à porter un masque chirurgical lors de ses concerts dans des salles polluées.

Dans un second épisode, Joseph, photographe urbain, nous emmène sur des rooftops depuis lesquels il capture des images du Pékin moderne, pollué, brumeux. Son masque lui sert d’accessoire pour se créer un personnage : celui de ninja qui explore les toits de la mégapole.

 

Plus tard, nous découvrons Matt, un artiste contemporain anglais qui a créé un “vélo à poumons”, une technologie artistique qui purifie l’air lorsqu’il pédale, et le transfert directement dans son masque.

Mais les masques ne sont pas que protecteurs : beaucoup de jeunes pékinois se les sont appropriés pour en faire une tendance. C’est le cas de Wang, un artiste à la renommée internationale qui réalise des masques protecteurs avec des baskets de marque. De véritables oeuvres d’art en cuir et tissu coloré.

Le cinquième épisode raconte l’histoire de Kong Ning, une artiste contemporaine spécialisée dans les performances et la peinture. Son engagement, c’est celui de la protection de l’environnement et de la vie humaine. A travers son art, elle dénonce les non-actions du gouvernement pour diminuer la pollution, et la société actuelle de surconsommation qui ne prend pas conscience de l’impact de ses actes sur l’écosystème.

Plus tard, nous découvrons la compagnie Air Visual, fondée par Yann, un français installé à Pékin depuis quelques années. L’entreprise a créé une carte pour visualiser la pollution dans le monde en temps réel. Depuis, elle développe des purificateurs d’air ainsi que des capteurs qui détectent la pollution.

Dans le dernier épisode, nous retrouvons Liu Bolin, un artiste contemporain qui disparaît dans les paysages pour exprimer son art. Il réalise des photographies engagées dans lesquelles il se camoufle avec de la peinture pour dénoncer la destruction de l’environnement.

Le masque et la brume, un documentaire surprenant sur le Pékin de l’intérieur, où la pollution détruit des vies et en abîme d’autres, où cette situation environnementale inspire les plus grands artistes à dénoncer l’absence d’action du gouvernement. Une websérie moderne, vivante et enrichissante.

Un documentaire à retrouver sur Francetv Slash 


Pauline Gauer

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