Le foulard et la pomme – Métro Polis saison 2

Couverture : Apostrophe M


Suite à l’exposition Métro Polis réalisée en mars dernier, Pauline Gauer et Marvin Gomis signent ensemble pour une nouvelle saison. Cette fois-ci, tout débute par un arrêt mondial de la vie courante. Et Métro Polis sans métro, c’est difficile à imaginer. Alors, Métro Polis se réinvente pour un temps, par des mots et des images sous le signe de la vie pendant le coronavirus, dans la rue ou devant les supermarchés. Soyons forts.


La foule. La vie reprend. Les bars rouvrent et les métros circulent de nouveau. Un magma de monde qui tourne au même rythme autour de moi, mes pieds collés contre le sol. Il fait chaud, et c’est bientôt l’été.

C’est difficile de prendre le métro une nouvelle fois. D’apprendre à marcher, s’asseoir et être polie, encore. Je crois que l’on perd ses habitudes, que l’on s’adapte à la vie sans sociabilité et sans rien d’ouvert dehors. Les grilles des rues sont restées fermées trop longtemps pour que la population n’en soit pas impactée. Les parcs sont devenus forêts et les gens qui habitaient dehors sont toujours dehors.

D’ailleurs, je sors du métro et je vois quelqu’un qui est assis par terre. Une dame vêtue de rouge s’est abaissée à son niveau pour lui donner quelques fruits. Elle ne porte qu’un gant et dans une de ses mains, elle tient deux sacs plastique remplis de pommes à la couleur éclatante. Coucher de soleil en été.

Surprenante cette femme, à la fois invisible et rayonnante.
Elle se lève et reprend sa route. Un peu perdue, sûrement émue.

Par dessus un masque noir, elle remet son fouloir vermillon. Quelques pas hésitants et elle se fait bousculer par un homme un peu trop pressé. Ses pommes manquent de tomber. L’homme s’excuse sans vraiment s’excuser et les deux individus reprennent leur course.

Pendant quelques temps, je suis la femme au foulard rouge sur la longueur de l’avenue. Nous prenons la même direction, sûrement vers le métro. Elle marche lentement, et tout semble être une surprise autour d’elle. Comme si elle découvrait l’endroit, sur les trottoirs du 13ème arrondissement de Paris.

Ciel presque bleu, plutôt gris, des épiceries grandes ouvertes et des voitures qui klaxonnent. C’est la ville qui semble s’éterniser.

La femme continue sa route dans une autre rue et moi, je marche toujours tout droit. D’un bref mouvement de tête, je la regarde s’en aller. Déjà, elle s’est abaissée devant une autre silhouette assise par terre. Et déjà, elle plonge sa main dans son sac aux milles merveilles. Moment intime que personne n’a sans doute remarqué.


Pauline Gauer & Marvin Gomis

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