Couverture : Apostrophe M
Suite à l’exposition Métro Polis réalisée en mars dernier, Pauline Gauer et Marvin Gomis signent ensemble pour une nouvelle saison. Cette fois-ci, tout débute par un arrêt mondial de la vie courante. Et Métro Polis sans métro, c’est difficile à imaginer. Alors, Métro Polis se réinvente pour un temps, par des mots et des images sous le signe de la vie pendant le coronavirus, dans la rue ou devant les supermarchés. Soyons forts.
Il est encore tôt lorsque je descends l’escalier de l’appartement Avenue d’Italie. Le soleil se reflète dans les vitrines des magasins qui ouvrent à peine, et seules quelques silhouettes déambulent sur les trottoirs tout juste nettoyés.
C’est le matin et ça se sent. Il y a l’odeur du café et celle des cigarettes. Les rideaux nous dévoilent peu à peu le monde qui se lève. Et moi, je suis déjà là, au milieu de cette nouvelle naissance, à placer un pied devant l’autre, puis relever la tête.
Devant moi, un homme. Je le remarque vite car il arbore un ensemble de jogging en velours rose. Une silhouette élancée à la chevelure d’un blond presque immaculé, qui promène deux petits chiens blancs. Il semble tout droit venu d’un dessin animé. Son visage à peine réveillé paraît mépriser le monde et toutes les petites choses embêtantes des mardis matins. Sublime personnage.
Les chiens, eux, ne comprennent pas vraiment où ils se trouvent. Ils reniflent le sol, les arbres, les fleurs et les gens. Ils trébuchent contre des racines d’un arbre qui tente de vaincre le trottoir. Deux petits nuages sur le macadam grisonnant.
L’homme s’arrête un instant pendant que ses chiens continuent leur route, jusqu’à être violemment ralentis par leur laisse. Je me demande ce que ça fait, d’être attaché de la sorte.
L’homme vient de recevoir un message.
Il est tôt pour les bonnes nouvelles.
Il est tard pour les mauvaises.
Il esquisse un sourire. Alors inconsciemment, je souris aussi. Les souvenirs des soirs de printemps où le monde entier n’était pas enfermé chez lui, à boire en regardant la télévision. Peut-être que l’homme aux chiens va rejoindre quelqu’un. Lui sauter dans les bras ou lui faire un check du coude à cause de la pandémie.
Les chiens aboient, et ça me tire de mes pensées. J’avais nagé loin loin loin, vers l’horizon. Et soudain le rappel à la réalité des rues de Paris bondées et presque vides à la fois. Ils venaient d’apercevoir un grand berger allemand au coin d’une rue. En regardant ce spectacle anodin, j’ai emprunté une rue perpendiculaire à l’avenue. C’est de cette manière que j’ai quitté l’homme et ses chiens, avec la lueur d’espoir qu’il reçoive d’autres jolies nouvelles.
Pauline Gauer & Marvin Gomis