Cette semaine dans Triptyque, l’art est humide. Il a l’odeur du printemps et des journées grises, celle du pétrichor. Cette odeur à la fois particulière et agréable qui se dégage du sol après la pluie. Le terme pétrichor a été inventé en 1964 par deux géologues australiens pour nommer le liquide huileux sécrété par certaines plantes, puis absorbé par les sols et roches argileux pendant les périodes sèches.
Le pétrichor, du grec petros – pierre – et ichor, – le sang des dieux -, est aujourd’hui généralisé comme l’odeur de la terre après la pluie. Et des artistes s’en sont inspirés.
Entre 2015 et 2018, l’artiste Anaïs Tondeur, connue pour ses œuvres liant les sciences naturelles, l’anthropologie et la fabrication de fiction, s’est alliée à l’anthropologue Germain Meulemans, pour un nouveau projet participatif, incluant habitants de Montreuil, jardiniers, réfugiés, chercheurs, écrivains et étudiants sur les traces du pétrichor.
Pendant trois ans, Anaïs Tondeur a mené l’enquête dans les terres de Montreuil, en banlieue parisienne, afin de prélever des échantillons de sol, de boue et de plantes. Ces échantillons ont ensuite été distillés pour en extraire leur essence – l’odeur de la terre après la pluie.
En 2018, l’artiste a créé Pétrichor, l’odeur des terres de Montreuil, une installation publique dans laquelle les spectateurs pouvaient suivre le processus de création de ce “pétrichor”, de la collecte d’échantillons à la distillation finale dans une mise en scène artistique.
En 2019, l’artiste française Isis Bi-M, née à Paris en 1955, présentait Pétrichor, une œuvre en aquagravure aux nuances de gris, plus sombre que les autres. Des vagues qui oscillent pour illustrer l’odeur incroyable qui se dégage après l’orage.
Ses peintures souvent abstraites expriment une large palette d’émotions intrigantes, entre naïveté enfantine et maturité de l’âge.
Thomas McCarthy est né en 1954 en Irlande. Il est poète, romancier et critique littéraire. Son art traite de la politique, de l’amour et de la mémoire du sud de l’Irlande, dont il est nostalgique.
En 2008, en plein effondrement économique de l’Irlande, Thomas fait part de ses lamentations et ses protestations dans Pandemonium, un recueil de poèmes. L’artiste dresse le tableau de la côte sud-ouest de l’Irlande, “où le soleil se couche à l’ouest pour mourir”. Il parle de corruption, d’une Irlande moderne assaillie par un pandémonium – la capitale de l’enfer – financier et moral.
Dans Pandemonium, Thomas McCarthy publie Petrichor, un poème plus court que les autres.
Petrichor
(anglais)
Our kitten turns to deliver its encomium,
Purring as if a lump of tabby quartz
Propelled it so. It shares this petrichor
With the last bumblebees seeking glamour.
Wet stones release their chatoyant gaze
As I shake Molly’s cocktail shaker.
Here is quartered lime after unexpected rain:
We have lost our house, but earth is warm
Beneath your cherished tintinnabulation.
(français)
Notre chaton se tourne pour livrer son éloge,
Ronronnement comme un morceau de quartz tigré
Il l’a propulsé ainsi. Il partage ce pétrichor
Avec les derniers bourdons en quête de glamour.
Les pierres humides libèrent leur regard chatoyant
Alors que je secoue le shaker de Molly.
Voici du citron vert coupé en quatre après une pluie inattendue :
Nous avons perdu notre maison, mais la terre est chaude
Sous votre cher tintinnabulement.
Pauline Gauer