Portrait extrait du podcast L’averse, disponible sur les plateformes de streaming
Les précarités étudiantes sont une réalité. Elles touchent des milliers de jeunes et depuis le premier confinement, la situation ne cesse d’empirer. Nous avons échangé avec Ulysse Guttmann-Faure, président et cofondateur de l’Association CO’P1 Solidarités Etudiantes, créée en septembre 2020.
“Le premier confinement avait touché les étudiants extrêmement durement. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose : aider les étudiants matériellement, concrètement pour leur permettre de se nourrir. On entendait beaucoup d’étudiants sauter des repas ou faire des choix qu’ils ne devraient pas avoir à faire : choisir entre changer de masques ou bien se nourrir, entre changer de protections périodiques ou bien se nourrir, voire même entre bien se laver ou bien se nourrir.”
Avant le coronavirus, on estimait que 20% des 2,7 millions d’étudiants de France vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Mais depuis près d’un an, la situation a explosé : 74% des jeunes estiment avoir rencontré des difficultés financières depuis le premier confinement. Une situation qui inquiète parents et étudiants.
“Typiquement, nous quand on s’est lancés, il y avait beaucoup d’étudiants qui venaient parce que les aides n’étaient pas suffisantes. Puis, on a eu des personnes qui sont venues parce qu’elles avaient perdu leur emploi, leur petit boulot que ce soit dans les commerces, les restaurants ou même le babysitting. Et on a même tout dernièrement des étudiants qui viennent parce que leurs parents ont perdu leur emploi, ce qui crée une souffrance encore plus dure. Pour le parent, il va y avoir un sentiment de honte très fort de ne pas pouvoir aider son enfant. Et pour l’enfant, il va découvrir cette précarité et il va se sentir coupable d’être un poids pour la famille.”
© Association Co’p1-Solidarités Étudiantes
Il y a cinq mois, ils étaient quatre. Aujourd’hui, quasiment trois cents jeunes sont bénévoles dans l’association. CO’P1, c’est par les étudiants, pour les étudiants. Et finalement, c’est un cercle vertueux qui s’est créé, les étudiants sont aidés par des associations, puis reconnaissants, deviennent bénévoles à CO’P1 pour prêter main forte à leur manière.
“Nous, concrètement à Co’P1, on va d’abord organiser des distributions gratuites de paniers alimentaires et de biens de première nécessité. On va avoir des colis conséquents qui se veulent le plus équilibrés possibles, qui font un peu plus de sept kilos. Dedans, il y a toujours une base de fruits d’un ou deux kilos, puis des conserves ou des produits frais donnés par nos partenaires. Et puis on va avoir à côté tous les biens de première nécessité : des masques, des protections périodiques parce que la précarité menstruelle c’est une réalité, et des produits d’hygiène comme du shampoing ou du dentifrice.”
Chaque semaine, ce sont cinq cents paniers alimentaires qui sont distribués aux étudiants de l’Ile-de-France, avec l’aide d’associations solidaires et de cagnottes en ligne. Mais aussi, CO’P1 a mis en place des aides immatérielles, avec un pôle suivi accompagnement personnalisé. Le but : aider l’étudiant dans ses démarches et recherches d’emplois, et lui faire connaître des dispositifs d’aides financières et de soutien psychologique.
Dans les médias, tout le monde parle de CO’P1 et des précarités qui touchent ces jeunes, si bien que le gouvernement a fini par réagir et mettre en place un système de repas à 1€ pour les étudiants. Mais pour Ulysse, ce n’est pas vraiment une solution durable.
“Ce qui est certain, c’est que CO’P1 n’aurait jamais dû avoir à exister. On aurait jamais dû avoir à distribuer ces paniers alimentaires à un si grand nombre de personnes. Maintenant, sur les actions notamment du gouvernement, elles vont dans le bon sens. Les repas à 1€, c’est forcément un bon premier pas pour endiguer le phénomène de précarité qui se développe. Maintenant, c’est pas assez parce qu’il y a des étudiants qui n’ont pas 60€ par mois pour pouvoir se nourrir, parce que tous les CROUS n’ont pas réouverts, parce que ce n’est pas forcément agréable de ne pas pouvoir choisir quoi manger. Donc ça va dans le bon sens, mais ce n’est pas suffisant. Ce sera suffisant le jour où il y aura une vraie réponse durable, avec des emplois à pourvoir pour les étudiants et des aides de l’Etat.”
Après cinq mois d’actions, Ulysse et l’équipe de CO’P1 Solidarités Etudiantes continuent de se démener pour aider les étudiants en difficulté. Ils envisagent de proposer encore plus de paniers alimentaires chaque semaine, bien que leur souhait le plus cher soit que les étudiants n’aient plus vraiment besoin de leur aide pour vivre bien.
Merci à Ulysse Guttmann-Faure pour cet échange.
Retrouvez les actions de CO’P1 Solidarités Etudiantes ici.
Pauline Gauer