A la fois discrète et exubérante, la flore a su prendre au fil des années une place toute aussi envahissante dans les cultures du monde. Aux XVe et XVIe siècles, à l’âge des grandes découvertes, la pensée humaniste prône la vulgarisation et la popularisation des savoirs, développant le dessin naturaliste. Les connaissances en botanique deviennent accessibles au plus grand nombre. Un dialogue entre art et science illustré par des artistes peintres et diffusé dans des livres imprimés à l’aide des techniques nouvelles.
Cette végétation, à la fois symbolique et décorative, devient représentation de grâce et de mystère. Elle est illustrée dans les œuvres contemporaines au point d’en devenir un matériau à part entière. Pour autant, chaque culture semble percevoir dans les fleurs un potentiel singulier : souvent maîtrisée dans l’art occidental, la flore est symbole de célébration et de liberté dans les cultures orientales.
Ce mois-ci dans Triptyque, nous aborderons la flore synonyme de genèse, avec les Cerisiers en Fleurs de Damien Hirst, la célébration de l’innocence au travers de l’oeuvre Flower Ball de Takashi Murakami, et le déclin de The Beauty of Decay, une installation de Rebecca Louise Law.
Les œuvres de Takashi Murakami sont le fruit de l’union des techniques traditionnelles japonaises et de la culture populaire plus fantastique. Né à Tokyo en 1962, Murakami est probablement l’un des artistes japonais les plus influents des dernières décennies. L’usage de techniques peu conventionnelles, entraînant un certain rejet du réalisme et de la religion, l’a entraîné ces dernières années sur le devant de la scène Néo-pop japonaise, aussi appelée Superflat.
Sa marque de fabrique est celle de petites fleurs colorées aux visages d’emojis souriants. Avec douze pétales et plusieurs couleurs pour exprimer des sentiments distincts, ces personnages célèbrent la joie et l’innocence. Takashi Murakami s’inspire de la sous-culture japonaise des Otaku, un terme qui caractérise de jeunes personnes consacrant leur vie et leur temps à la culture pop.
Parmi ses œuvres, Flower Ball est celle qui a fait chavirer le cœur des spectateurs. Cette grande fleur tridimensionnelle et saturée, réalisée par Murakami en 2002, marque une époque dans la peinture contemporaine, intriguant le monde sur le sens que l’artiste a voulu lui donner.

Depuis sa première exposition en 1991, Damien Hirst n’a jamais cessé de créer. L’artiste britannique, né en 1965, consacre sa vie à la sculpture, l’installation, la peinture et le dessin. Ses œuvres sont les représentations de la vie et de la mort, entre excès et fragilité.
Après trois années de travail et de recherche, Damien Hirst achève sa série Cerisiers en Fleurs en novembre 2020, laissant derrière lui 107 tableaux inspirés des paysages impressionnistes traditionnels et populaires. Un retour de l’artiste en solo. dans son atelier.
“La pandémie m’a permis de vivre avec mes peintures et de prendre le temps de les contempler, jusqu’à ce que je sois certain qu’elles étaient toutes terminées.”
Finalement, ce ne sont pas moins de 30 tableaux grandeur nature qui seront présentés à la Fondation Cartier en janvier 2022. Cette date marque la première exposition de l’artiste en France. Pour l’occasion, Damien Hirst s’exprime sur la jouissance de cette expérience, entraînant sa perte totale dans les couleurs et les matières de l’atelier. Grâce à ces toiles couronnées de fleurs subtiles et fragiles, l’artiste s’est éloigné du minimalisme dont il était habitué pour revenir au geste pictural, plus spontané.
“Les Cerisiers en Fleurs parlent de beauté, de vie et de mort. Elles [les toiles] sont excessives – presque vulgaires. Comme Jackson Pollock abîmé par l’amour. Elles sont ornementales mais peintes d’après nature. Elles évoquent le désir et la manière dont on appréhende les choses qui nous entourent et ce qu’on en fait, mais elles montrent aussi l’incroyable et éphémère beauté d’un arbre en fleurs dans un ciel sans nuages.” – Damien Hirst, Fondation Cartier
Damien Hirst, Cerisiers en Fleurs
La Galerie Chandran, à San Francisco, accueillait en 2016 l’installation éphémère de Rebecca Louise Law, une artiste britannique. The Beauty of Decay – La Beauté de la Décomposition, sublime titre de cette œuvre aux 8000 fleurs suspendues au plafond.
The Beauty of Decay est une étude artistique de la succession d’événements dans le cycle de vie d’une fleur, de son éclosion au séchage, en passant par la décomposition et le flétrissement. Cet enchevêtrement de fils de cuivre et de végétation signe la première exposition solo de l’artiste aux Etats-Unis.
“Mon art porte sur l’interaction entre l’homme et la nature. Je prends des fleurs, je contrôle leur environnement, je modifie leurs propriétés et je permets au spectateur de réévaluer leur valeur” – Rebecca Louise Law
Une verrière florale colossale au-dessus des spectateurs qui déambulent dans la pièce, les invitant à se questionner sur la vie et son éphémérité. Une fois l’exposition terminée, les fleurs séchées ont été renvoyées au Studio de Rebecca Louise Law, à Londres, pour de futurs projets.
Pauline Gauer