On dirait du rock ou de la pop ou de la poésie, c’est par le groupe Radio Elvis qui faisait paraître hier ce que j’appelle un album élégant : Ces Garçons-là. D’une écriture sobre, tranchée à l’américaine, à la John Fante on se dit. Avec des mélodies inclassables entre le classique et le moderne, entre l’invention et la réinvention. Ces garçons-là, c’est eux, des garçons de leur époque, qui disent aussi ce qu’ils vivent (New-York, Prières Perdues, sur le soir du Bataclan) ou qui ils sont sur Ces garçons-là.

11 chansons comme un bouquet de 11 fleurs dont pas 2 ne seraient vraiment semblables. Chacune ayant son charme, sa couleur, ses manières et son élégance propre. 

Longtemps que j’écoute Radio Elvis et pas mal de tickets de leurs concerts dans les poches, je vois cet album comme celui d’un aboutissement. Celui d’avoir su rendre justice aux adolescents qu’ils furent. L’utilisation sans fard du « je » est une nouveauté qui fonctionne. Il y avait eu un premier ep flinguant d’américanité littéraire, Juste avant la ruée. Un premier album en 2016, Les Conquêtes, qui était déjà une réinvention. Et Ces Garçons-Là, vraie réussite. 

Rainer Maria Rilke, dans ses Lettres à un jeune poète, conseille au jeune homme de faire une voyage en lui-même pour interroger sa nécessité viscérale d’être un artiste. Cet album est la réponse à cette question. La nécessité est palpable. 

« C’est la vie c’est comme ça/ça passera tu verras/Woh oh oh. » L’allbum s’ouvre très pop sur un morceau qui envoie ses grains de sables de désert dans les yeux pour rendre fou. Et si l’album sonne très différemment, ce n’est pas du côté de la pop qu’il va chercher, ou pas que. Radio Elvis c’est le rock de notre temps. Littéraire et bariolé, pop, justement. Si on sent toujours les fortes aspirations et inspirations à Noir Désir, c’est désormais plutôt du côté de l’écriture qu’ils en jouent. 

Les influences sur cet album sont diverses. Mais une ressort ici, Bashung bien-sûr. De plus en plus on voit les traits communs. 

Pierre Guénard utilise mieux que jamais sa voix pour grandir ses textes sublimes. Bijoux qui en un autre temps et en de moindres audaces n’auraient pas dépasser le silence presque religieux des pages d’un recueil de poésie. 

Ce n’est pas l’au-revoir/Ce dernier mot dans nos regards/Tout ne meurt pas en un soir/Non ce n’est pas ça l’au-revoir/Ce n’est qu’une fin du monde/Une longue maladie sans mémoire/Tout s’est écrit dans nos ombres/Nous n’avons pas voulu le voir/Tout ce qui nous fume est dans tout ce que nous fûmes. » sur Ce qui nous fume

« Des lèvres aussi rouges que celles/Que j’ai toujours eu en rêve/Il faudrait qu’on me pardonne/De payer pour être un homme, juste un homme/Maintenant j’attends qu’elle sonne/La solitude court les rues/La seule issue qu’on se donne/Si elle se tait je me tue » sur New York on pense forcément à Salinger : « New York c’est un endroit terrible. Quand quelqu’un se marre dans la rue ça s’entend à des kilomètres. On se sent tout seul et misérable. » dans l’attrape-cœurs. 

« A la magnifique heure/Où la nuit s’est courbée/J’ai accéptée les fleurs/Que tu m’as apporté/Les immortelles » sur Bouquet d’immortelles

« Et j’aurai tant donné/aux heures assassinées/à contempler le vide/quand la valse des cris/palpitait à mes tempes/dans la sueur et le sang » sur La sueur et la sang 

« C’est une guerre totale/D’amour et de désir/Ce qui se joue la nuit/L’enfant, le fruit, l’empire » « Nocturama/C’est l’invasion de nuit attendue/Nocturama/Et nos légions sont perdues » « Et notre amour vestige/N’aura plus d’autre forme/Que les secrets confiés/Aux cartes de l’empire » sur Nocturama qui a ma préférence, l’amour comme une conquête, d’empire antique.  

Ces Garçons-Là, qui donne son nom à l’album le clôture également et est une confession d’adolescent qui devient adulte en se découvrant, notamment par la sexualité. Et c’est d’ailleurs là que l’on pense le plus aux influences littéraires de Pierre Guénard, Fante, Salinger, la beat generation, Lowry. 

Radio Elvis, c’est les textes, la voix et la guitare de Pierre Guénard, la guitare et la basse et Manu Ralambo et la batterie de Colin Russeil. Aidés pour cet album par Pierrick Devin, qui travaillait sur l’album de Lomepal. Cet album s’appelle Ces Garçons-Là. Il est paru vendredi chez Pias. 


Arthur Guillaumot – Culture Collective