< Tous les articles Littérature Grace / Nouvelle Par Arthur Guillaumot 28 avril 2019 02h36, lattitude inconnue, longitude pareil, 17ème vague, énième tempête. J’étais à une soirée et là, une fille que je connais à peine me dit : “Je me balade dans les rues l’été, il fait chaud, c’est la nuit, je transpire. Partout sur mon corps, la moiteur. Les boîtes dégueulent leur musique sur les boulevards. Je préfère les rues piétonnes. Je marche en équilibre sur le trottoir. La ville que je fréquente est une ville qui a eu des chevaliers célèbres à une autre époque. C’est dans cette ville que j’ai marché pour la première fois sans que maman ne me tienne. Par les deux mains au dessus de la tête comme font les adultes de l’espèce humaine quand ils décident que leurs petits doivent user leurs baskets en solitaire. Après j’ai perdu mes dents de lait dans cette ville aussi. J’ai cru à la petite souris. J’ai cru au père Noël. J’ai cru en l’électricité. J’ai cru que maman était heureuse. J’ai cru au système scolaire. Toujours dans la même ville et toujours dans le même appartement. 22 rue des fleurs. Il y a de quoi devenir folle. Maman dit que je suis cinglée et que je la rends cinglée. Pareil pour mes profs. Tout le monde est cinglé de toutes façons. Rien que dans la ville, je connais 20 000 personnes qui se vantent d’avoir des problèmes. Pas mal de gens rêvent d’avoir des sujets inédits de déprime. Moi je m’en fout complètement. Je suis au courant que le film ne dure pas très longtemps et encore je n’ai pas prévu de rester après l’entracte. Je ne suis pas là pour m’attarder. J’ai pour moi le goût des fulgurances, des éclats inédits. J’ai pour moi les soirs sans nuits et les nuits sans matins, les promesses à ne pas tenir. J’ai pour moi les annulations de dernière minute, j’ai pour moi la pluie qui s’invite. L’autre jour j’étais énervée dans une rue, j’ai enlevé une chaussure et je l’ai envoyé dans un appartement qui avait une fenêtre ouverte. Il y a eu un bruit de verre qui casse. Un mec est sorti sur son balcon. C’était une espèce de quarantenaire bedonnant et torse nu et très poilu du torse. – Eh mais t’es folle, pourquoi tu fais ça ? Il a dit Il m’a renvoyé la chaussure. J’ai montré mon intention de la relancer. – Eh nan, s’il te plaît, ne la relance pas. Tu ne veux pas monter plutôt ? J’ai renvoyé la chaussure. Comme il n’était pas très mobile, il a été touché au visage et la chaussure est retombée toute seule dans mes mains. – Aïe mais tu m’as fait mal putain. Soit tu montes, soit je descends. J’ai enlevé la deuxième chaussure. J’ai attaché les lacets ensemble pour porter les chaussures autour de mon cou. Je trouve ça stylé. Comme je partais, le mec du balcon me traitait de pute. Et je suis rentrée chez moi pieds nus c’était vraiment bien. C’était pas loin du matin. Je croisais tous les gens qui se lèvent tôt pour acheter du pain en pensant que ça va sauver leur mariage, tout le monde regardait mes pieds nus, mes pieds blancs, mes pieds nus. Je sors tous les soirs. L’été c’est fait pour ça. Maman travaille de nuit. Parce que c’est mieux payé. Et c’est important d’être bien payé. Alors elle a de grands traits noirs sous les yeux. C’est toujours mieux que si c’était un homme qui lui avait colorié les yeux, comme ça arrive souvent. Ces enfoirés débordent souvent. Je n’ai pas de père. Je connais beaucoup de gens qui n’ont pas de père. Les pères sont au bar, ou au cimetière, ou avec une femme plus jeune. J’aime ma mère. Je n’ai pas besoin de père avec un tel modèle féminin. Elle fait de son mieux pour m’élever. Pas comme l’école, qui ne s’est pas donnée trop de mal, pas trop de peine. Ma mère m’a tout appris. Elle fait de la veille pour un média semi-national, alors elle s’y connaît dans beaucoup de domaines. Quand ma mère me dit de lire un livre, je sais que c’est pour qu’il fasse de moi quelqu’un de meilleur. J’ai reçu une éducation stricte. Nous n’avons pas la télévision. Longtemps, elle ne voulait pas que j’ai un téléphone portable. Elle vient d’une ancienne famille de la noblesse française. C’est le genre de truc qu’elle raconte assez souvent. Elle est plutôt fière d’appartenir à la noblesse déchue. Elle aime l’idée d’être déchue. Quand elle entend quelqu’un dire “perdant magnifique” à la radio, elle dit “comme moi”. Voilà, maman. Nous vivons toutes les deux, dans un appartement qui ressemble à un bateau, au 22 rue des fleurs, dans une ville maudite par des milliers de sorcière sur des bûchers de la grande place. Maman la baronne, laisse la route libre, dans la nuit escortée de réverbères. Moi, héritière d’un titre qui n’existe pas, je tranche les têtes, je tire à l’arc, je crache et je crie, je ne monte pas à cheval en amazone, je marche pieds nus, je casse des trucs, je lis de la poésie, je brûle. Je passe dans les rues où maman m’achetait des jouets en bois, où elle s’endettait pour une glace à l’italienne. Je ne sais pas ce que je vais faire comme travail moi dans la vie comme travail après le bac et le reste. Au lycée, tous ont l’air assez sûrs d’eux, et ils ont aussi l’air de petits cafards avec des sacs à dos et des habits démodables. La fête est un moment absolument déconnecté du temps, de ma ville, de la réalité. Les langueurs sont éternelles. La modernité semble garantie par le prix du verre. Les créanciers du jour se désintègrent la nuit. Les chiens de garde du soleil brûlant dorment avec leur femme et se demandent comment ne plus être cocu. Les garçons de mon âge sont encore dans la période de leur vie où ils doivent décider qui ils veulent être. Alors que les mecs de 27 ont l’âge de savoir qu’ils ne seront jamais personne. J’aime leur façon de l’assumer. Il y a quelques mecs qui ne sont pas totalement personne. Certains sont presque quelqu’un. Les pires sont ceux qui sont quelqu’un. Je m’affiche avec eux dans des soirées d’anciens des écoles de commerce ou des cercles de jeunes médecins, de jeunes cadres politiques. Dans ces soirées, tous parlent de politique, d’un parti qu’ils n’ont pas encore trahi. Tous parlent de livre qu’ils n’ont pas lu, mais qui coûtent cher, qui trônent dans la bibliothèque. Il y a peu de femmes à leurs soirées, mais ils parlent beaucoup d’elles. Ils parlent beaucoup de sexe, ils transpirent, ils ont des auréoles sur leurs chemises bleu, leurs chemises blanches. L’un qui a baisé une stagiaire dans son cabinet d’avocat et qui s’est fait surprendre par une secrétaire. Tout le monde rigole bruyamment. Un autre a baisé une milf dans une soirée de maison d’édition, dans les toilettes. Tout le monde rigole bruyamment. Un autre a des photos d’une gamine de 14 ans entrain de se toucher, c’est elle qui lui a envoyé ça. Tout le monde rigole bruyamment. L’élite. Ils racontent des anecdotes. Ils se moquent de ceux qui ne réussirent pas aussi bien qu’eux. Ils font bien attention à ne pas dire que leur vie n’est pas si marrante que ça. Ils raccrocheront un jour pour élever des chèvres. Ils vanteront la vie à l’air pur. Mais ils contaminent l’air qui passent dans leurs narines. Réussir leur vie c’est toute leur vie. Ils ne savent pas ce que ça veut dire vivre, ils cherchent définition dans un tableur excel. Tout compte fait je préfère ceux qui sont personne et qui le savent. Être personne c’est pouvoir être tout le monde. Un mec en chemise blanche avec les manches remontées s’assied à côté de moi. Il passe son bras au dessus de ma tête. Il a une forte odeur corporelle. Il pue la bière. Il a du aller à un after-work avec ses collègues vu qu’on est vendredi. – Devine combien je gagne, il me dit – Je préfèrerai savoir combien tu perds – Ah, alors t’es spirituelle, c’est bien, ça m’excite les filles qui ont de l’esprit, tu connais Marc-Aurèle ? J’adore Marc-Aurèle. Si tu passes chez moi après je te file une édition vraiment classe je crois que j’ai payé ça 100 balles. Sacré Marc-Aurèle. – Je connais pas un mec comme toi qui a pas lu Marc-Aurèle, vous l’étudiez en cours. À mon avis vous aviez tous la même prof dans votre prépa. Elle doit pas refaire ses programmes. – Ah ouais ? C’est quoi un mec comme moi ? – Le genre qui arrive en te proposant de deviner combien il gagne. Tu vois ? – Fais pas la maligne, si t’es ici c’est que tu aimes notre argent, tu bois notre vin et tout, tu sais très bien c’est quoi le plan – Nan, je vous regarde, et ça m’assoiffe, la médiocrité – Eh Phil, c’est toi qui l’a ramené celle là, c’est quoi cette pute ?! – Oh, Marc, calmos, qu’est ce qu’il se passe ? Il dit, Phil, avec qui je suis arrivée. – Elle dit qu’on est médiocres – Eh, t’inquiète mon pote tu sais que c’est pas vrai, de toutes façons elle allait partir, hein que t’allais partir ? – Oui Mais je m’arrange toujours pour être invitée dans ce genre de soirée. En fait, je m’en sers comme apéritif dinatoire. En fait, je m’en sers pour connaître mes ennemis. Je prends mon quota de fruits et de légumes pour la semaine, et je pars. Presque tout le temps je pars au moment où ils faisaient le calcul de leurs points. Un moment de hautes mathématiques pour ces futurs-directeurs-de-quelque-chose-de- prestigieux. Des jeunes loups mâles qui rêvent de devenir le chef de la meute et qui ont les dents longues, comme diraient les magazines spécialisés dans le business. Le genre de magazines qui traînent dans les salles d’embarquement des aéroports. J’imagine. À vrai dire, je n’ai jamais pris l’avion. Et mon dentiste se fout des business-man. Ils donnent un score aux filles avec qui ils couchent. Une fille bourrée vaut moins de points. Une fille laide aussi. Une fille bourrée mais jolie selon leurs critères vaut plus de points qu’une fille laide et sobre. Parfois ils ajoutent un bonus pour les filles avec des noms rares. C’est donc à ce moment que je pars. Ils protestent toujours un peu. Ils sont excités de raconter ça devant des filles. Certaines restent et regardent partir celles qui partent. Parfois je suis restée. Mais voilà, je viens de raconter comment je m’étais fait virer par Phil et Marc ce soir-là. L’air de la rue. Il a le goût du propre, j’oublie toutes les pollutions dont parle la radio. Les Beatles chantent une autre époque dans mes oreilles. Il y a encore mon parfum sur mon tee-shirt. J’adore ce moment de la soirée. Il n’est pas trop tard, elle n’a pas eu un beau début, mais il y a encore pas mal d’espoir. En fait il y a toujours de l’espoir non ? Je veux dire, quoi de plus fort que l’énergie du désespoir. Celle dont on se sentait incapable. Qui arrive comme un inespéré renfort à cheval dans une bataille finale. L’espoir je l’ai perdu il y a longtemps mais l’énergie du désespoir m’habite encore. Aux terrasses des restaurants, les gens n’ont pas fini de se faire la cour. Ce soir ils feront l’amour, celui de l’été. Celui de la plus belle sueur, du désir et des fleurs, des rythmes de battements du cœur, des draps balancés au large, des bras qui s’inventent des rivages. Des dents qui croquent les couleurs de l’autre corps, des lèvres qui savent qu’il n’y a pas de roses assez vifs, des cœurs qui savent qu’il n’y a de rose que le sang sur les épines. Mais qui s’en balancent. Comme on balance un téléphone portable, devenu dans ce moment d’éternité, inutile et gênant. Les fenêtres seront ouvertes et feront flotter les rideaux comme des étendards. Les volets claqueront doucement, la pluie arrive. Avec son odeur de bitume sec, de terre mouillée, se sable collant. Elle lavera tout. Le matin, le soleil qui se lève sur le jour qui filtre par la rue, et les marchands d’oranges qui gueulent en bas. Je marche sous les réverbères parce que j’avais la vague envie que ça ressemble à un film. Il y a des chats, dans les rues la nuit. La journée on ne voit pas de chats dans les rues. Ils font le mur, eux aussi. D’ailleurs, ils ne sont pas tous gris, comme on le dit. Il faut juste savoir les regarder. Leur inventer des rayures et leur faire la politesse de les maquiller de couleurs. Mais en fait, on voit très bien. L’œil s’adapte à toutes les obscurités. Et puis le corps tout entier a la mémoire des dangers venus des pénombres. Je marche dans la rue. Je transpire et c’est l’alcool qui monte à mes yeux dans des vapeurs et des délires qui me font fixer des astres qui ponctuent le ciel. Les constellations me préviendront si jamais le matin arrive par surprise. J’ai toutes les lunes entassées dans mes poches, gardées précieusement, quelques révérences aux arbres, en cas de soleil trop fort, quelques mustangs en fougue pour contourner la ville par les crêtes la nuit. C’est ce que je fais. Je contourne le jour, je contourne la ville. J’esquive les ombres trop fades. Je dérive par les voies interdites, juste par goût de la solitude. Je suis comme je suis, je suis comme je fuis. J’ai pour moi le goût des chemins tortueux et j’ai pour moi le goût des méandres. J’ai pour moi les tous les boulevards déserts, remontés à contre-courant. J’aime bien ensuite, rejoindre une soirée où sont mes amis artistes. Ils ont pour eux l’envie d’un monde différent et la conscience de la mort. Ils volent à la nuit ses oranges à l’étalage. Eux aussi, ils contournent les grandes légions du jour. Au matin, leurs yeux noirs voient ce que quelques fois l’homme a cru voir. J’aime être avec eux. Certains sont peintres. Il y a des sculpteurs, d’autres font de la musique, il y a des écrivains, des adorateurs du cinéma. Il y a ceux qui font de la vie une discipline artistique. C’est confortable, les fauteuils moelleux, la douceur des lumières. Il y a les discussions quand le matin se fait pressant, quand les lueurs viennent mordre les églises. Il y a eu des fêtes partout. Les sportifs qui célèbrent les victoires de leurs exploits, pas encore célèbres. Des défaites à fêter aussi, par les rues de la grande ville. Ce n’est que le petit matin. Je suis repartie, pari perdu contre la nuit, le jour se lève et se frotte les yeux contre les nuages de brumes. L’air frais, garantie qu’on vit quelque chose de spécial, quelque chose de mieux que sous la couette. Les habits froissés de la veille. Les cafés ouverts. La nuit vaincue, pour aujourd’hui, voit les généraux du jour accoudés sur des comptoirs, ou se presser dans la rue, fixant les cadrans. Tout se remplit et reprend ses couleurs, enfilant les habits de la veille. Il y a un moment comme ça le matin. C’est la nuit, il n’y a presque personne dehors, et puis 10 minutes plus tard, l’animation bat son plein, sans qu’on sache ce qui s’est passé. Rien, sans doute. Ou alors quelque chose du fond de l’instinct a fait se lever tout le monde en même temps. Peut-être que tout le monde se cale sur le voisin, pour se rassurer. Des tours de garde pour alimenter le feu. En plus c’est un jour de marché. Il y a déjà foule. Il y a des cohortes de chariots. Cela s’est produit en quelques instants. Fulgurants, les déambulants des étales, qui cherchent la meilleur salade possible. Maintenant impossible que je me couche tout de suite. Besoin d’un café, d’un thé, quelque chose de chaud. La nuit a quand même été fraîche, sur la fin. Je suis allée au grand café de la place, celui où tout le monde va, parce que c’est en face du manège, parce que c’est à la sortie du lycée, parce que les serveurs sont rapides et ne demandent pas comment ça va. J’ai commandé et je suis allée au toilettes. Leur couloir est immense, j’y pense tout le temps. Je me dis qu’il y a de l’espace perdu. Je n’ai pas tout de suite remarqué qu’il me suivait. J’ai d’abord entendu la porte se refermer une seconde fois après moi. Après j’ai entendu ses pas. J’ai fait pipi. Je suis sortie, il était là. J’ai voulu me laver les mains, il est venu derrière moi. Il ne s’est rien passé. J’ai pensé à ce couloir tellement long. J’ai pensé que les gens n’ont pas envie de faire pipi le matin. Le néon des toilettes ne grésillait pas, c’était dans le café sur la grand’place. Le café était vraiment immonde. J’ai reçu un texto : « Je suis vraiment désolé pour le début de soirée. Je ne suis pas comme ça. J’avais bu. Si ça te dit viens prendre le petit-déjeuner chez moi, il y a des fruits. Marc. » J’ai dit oui, parce que je voulais voir comment il allait justifier son attitude. Je voulais voir ce qu’il était capable de dire, peut-être même que je voulais voir s’il était sincère. Il m’a envoyé l’adresse. Je connaissais, pour y être passée pour une soirée. Ce gosse habitait un palace, vraiment, un palace. Je suis monté, il y avait un tapis rouge dans l’escalier, vraiment un palace. La porte était ouverte, il m’a demandé si je voulais du thé, du café, ou quoi que ce soit qu’il puisse inventer juste pour moi. Avec nos tasses, devant sa fenêtre, les yeux explosés de fatigue. Il a posé sa tasse. Il a essayé de m’embrasser. Je l’ai repoussé, ça a renversé ma tasse, sur moi, ça m’a brûlé. J’étais tétanisée, par la brûlure, par lui. Il m’a serré, il a dit que j’étais cruelle. Je ne me souviens pas de son visage. Je me souviens d’un hoquet, qui venait de lui, je me souviens d’un râle, comme un raclement. Il y a eu ses ongles contre la peau de mon ventre. J’ai vu ses ongles sales, ses ongles s’enfonçaient. Il puait le déodorant, le tabac, légèrement l’urine, les odeurs de la nuit de fête. Il y avait quand-même la puanteur des hormones. Surement que ses hormones puaient un mélange acide de satisfaction et d’adrénaline, supplément médiocrité. Il n’a pas réussit à mettre sa queue. Parce que j’avais un pantalon et que dans les films qu’il avait dû voir pour s’entraîner à ça, les filles portaient des jupes. J’ai pensé à ça. C’est absurde. Alors il a juste frotté sa queue contre moi. Chaude, légèrement humide, courte. Il a jouit en vraiment pas longtemps. Vraiment pas longtemps. Une éternité de quelques dizaines de secondes. Sur le mur, comme une trace. Comme un type qui vient juste de pisser, fier de sa bite, soulagé, et qui ne se lave pas les mains. J’ai couru, en profitant de son relâchement. L’escalier avait toujours un tapis rouge. L’escalier faisait la taille de ma fêlure. Dehors il pleuvait. J’ai marché longtemps, par des rues que je connaissais par cœur et que je comptais comme mes alliées. J’ai pour moi la pluie qui me lave. J’ai pour moi la pluie forte et battante, qui rugit tout contre le pavé. J’ai pour moi la pluie forte et éternelle, qui ruisselle en légions, en mers rebelles. J’ai pour moi la pluie. Je te raconte ça parce qu’on m’a dit que tu es écrivain.” – Et après ? Tu as porté plainte ? – Je l’ai dit à maman, je savais que ça allait lui faire du mal. On est allées ensemble à la police. C’est long, la justice. – Pourquoi tu me racontes ça, à moi ? – Parce qu’il faut le dire. – Je vais l’écrire. En 2017, 94 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de viols et/ou de tentatives de viol sur une année. En 2017, 1 femme majeure victime de viol sur 10 déclare avoir déposé plainte. Dans 91% des cas, les femmes victimes de viols et de tentatives de viol connaissent l’agresseur. Dans près de la moitié des cas (47%), l’agresseur est le conjoint ou l’ex-conjoint. Sur 1 an au cours des 12 mois précédant l’enquête, plus d’un demi-million de femmes (553 000) ont été victimes d’agressions sexuelles autres que le viol (11% attouchements du sexe, 89% attouchements des seins/fesses ou baisers imposés). Chiffres du haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Création visuelle originale : Chloé Hereau, instagram : chloehereau Nouvelle : Arthur Guillaumot À lire aussi Littérature Une trajectoire exemplaire de Nagui Zinet — Rentrée littéraire 15 Août 2024 Une trajectoire exemplaire est le premier roman parfait : une main dans le slip, l’autre autour d’une bière et les yeux rivés sur une cavale dans un thriller. 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