La chaleur, dans le premier roman de Victor Jestin, c’est tout autant l’urgence climatique qui fait relever les baromètres que la météo heureuse qui fait plaisir aux campeurs. 

La chaleur est omniprésente dans le roman, s’inscrivant comme un personnage à part entière, qui guette toujours, comme si elle était omnisciente. La chaleur a énormément à dire et à faire lire chez Victor Jestin. 

Léonard, le narrateur, a 17 ans et traîne dans ce camping, où tout le monde doit être enthousiaste où le bonheur est obligatoire et normalement compris dans la formule all inclusive, comme dans dans tous les campings. Profondément désabusé, Léonard l’est aussi parce que le roman s’ouvre sur la vision d’un autre garçon, Oscar, qui meurt, pendant une soirée au camping, en s’étranglant avec les cordes d’une balançoire. Leonard assiste à la scène sans bouger, puis enterre le corps sur la plage. 

Pendant la majeure partie du roman il se sent profondément étranger à l’injonction au bonheur, celle que représente son jeune âge, et cette période de l’année dans un tel lieu. Léonard s’exclu de la fête dans son ensemble. Il ne se débarrasse de son secret qu’avec Luce, une fille du camping, proche d’Oscar, dont il tombe amoureux. 

La chaleur, c’est ce secret qui pèse sur le narrateur. Le roman dure le temps de 2 nuits et 1 jour, ce qui concentre les choses. La chaleur qui fait s’endormir n’importe quand, avec une influence sur la temporalité.

D’ailleurs, est-ce vraiment Oscar qu’il regarde mourir sans bouger au début du roman, et est-ce bien l’adolescent qu’il enterre peu profond sur la dune ? 

La chaleur concentre notamment la tension qui pèse sur le deuxièmes tiers du roman. Les personnages, et notamment le narrateur transpirent abondamment.

J’ai été gagné par la force d’un personnage comme Louis, l’ami du narrateur, dans ses chaleurs sexuels qui donne à ce bref roman une force du dialogue inestimable, avec un monologue qui fera date et école, à propos de sa première fois ratée, avec Zoé, une fille du camping. J’ai été gagné par la force des tournures, et le cynisme qui habite le narrateur, longtemps définitif sur les pratiques sociologiques du camping.  

« Depuis quelques étés déjà, la chaleur ne cessait de s’intensifier. Chaque année elle surgissait plus tôt, cette fois dès février, et on l’avait accueillie sans crainte, trop heureux de finir l’hiver, on avait dressé les terrasses des bars sans présager du pire. La vraie brûlure, on ne la sentait pas venir. Je me demandais à compter de quel degré ça serait trop. Tout se renverserait. On fuirait ce camping comme on saute d’un appartement en flammes et le lapin resterait seul à danser. » page 33

Au moment d’être amoureux de Luce, Léonard accepte les règles du camping, il intègre la civilisation estivale provisoire : 

« J’avais bien intégré le système, j’en profitais avec les autres. Les odeurs de chichis et le bruit fée jet ski ne m’écœuraient plus. La chaleur était légère, elle m’enivrait et me faisait suer de plaisir. » page 83 ce passage voit le roman basculer 

La chaleur comme témoin constante de toutes les maladresses de l’adolescent Léonard, qui devient, en n’étant plus. 


La chaleur, de Victor Jestin sort le 28 août chez Flammarion, 144 pages, 15€. Victor Jestin a 25 ans, il a passé son enfance à Nantes et vit aujourd’hui à Paris. La chaleur est son premier roman.

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Arthur Guillaumot