< Tous les articles Interviews Musique Julien Granel : « J’aime l’histoire que raconte cet ep » / Interview Par Arthur Guillaumot 26 juin 2020 Pour doubler vos chances de gagner un vinyle de Bagarre Bagarre, rendez-vous quelque part dans l’interview. Dans la grande fête, celle des pas de danse, et des nuits qui provoquent le matin, Julien Granel est celui qui ramène le plus de couleurs. Astre d’énergie, jamais en rade, toujours en partance, il livre un premier ep, Bagarre Bagarre, qui déroule les années qui viennent de passer, aussi droit que file la route. Des souvenirs macadams, et des moments précieux, sur des airs dansants comme jamais, qui font une belle histoire, sans faire exprès, la sienne, qui commence tout juste, à l’heure de la Bagarre Bagarre. Vraie discussion. Julien, les chansons qui sont sur cet ep, elles témoignent de ta vie, chronologiquement, et avec des vraies interrogations. Sur La piscine, il y a cette question : “Si on se connait mais qu’on se reconnaît plus, comment on se reconnaît si on se connaît plus ?” Est-ce qu’il y a eu des moments où ça a été ton ressenti ? Bizarrement, ces moments dans ma vie datent plus du moment avant que je commence la tournée d’Angèle. C’était plus un moment où il y avait une sorte d’incertitude sur “est-ce que je sors un ep ou je continue d’envoyer des morceaux.” Il y a eu ce questionnement de savoir si je prenais la bonne direction. Une vraie remise en question, je me disais que je me connaissais, et qu’il fallait que je comprenne ce qui me mettait sur la bonne voie. C’est comme ça qu’est venu ce morceau, qui parle de se regarder dans un reflet houleux tu vois, qui triture ce que tu vois de toi habituellement. D’où ce refrain, ça fait un peu question existentielle, mais c’était vraiment ça. C’est la force de cet ep, il y a des vrais thèmes, des vrais moments, le tout enrobé dans des prods très éclairées, qui donnent envie de jeter des fruits sur les gens. Aha. J’aime bien l’image d’envoyer des fruits sur les gens. Mais c’est ça en fait. J’ai toujours été touché par les morceaux introspectifs ou nostalgiques. Je trouve qu’il y a quelque chose de très beau dans la nostalgie. Je me souviens qu’on en parlait la dernière fois quand on parlait de la première pluie, de la fin de l’été. Et moi quand je pense à des souvenirs et que je suis nostalgique, j’ai envie de danser. J’ai envie de célébrer ça et de me dire que c’était des bons moments. J’aime bien ce mélange de quelque chose d’ultra dansant, avec une vraie intensité dans le discours. « Moi quand je pense à des souvenirs et que je suis nostalgique, j’ai envie de danser. » Est-ce que ça t’a aidé, toi, sur un plan personnel, sur ce premier ep, de fixer tes incertitudes et tes doutes ? Je pense à un morceau comme Bagarre Bagarre qui remonte même loin dans ta vie à toi. Oui. C’est clair que c’est des sujets dont j’avais jamais parlé. Je m’étais toujours dit que ça intéresserait pas forcément les gens que je partage des choses si précises de ma vie. Et finalement, cette chanson, c’est un moment où je me suis retrouvé avec mon ordi, en commençant une instru. Comme elle était violente, j’avais cette idée un peu de bagarre. Et la bagarre, pour moi, c’était mon adolescence. À ne pas être habillé comme les autres. À ressentir une sorte de différence, et des moqueries et des trucs que je trouvais absurdes. C’était ça la bagarre, et puis tu vois, j’étais dans un lycée dans une petit ville. Je précise que j’ai rien contre les rugbymens, mais il y avait beaucoup de rugbymens, avec ce truc de testostérone. Et souvent je voyais des bagarres. En soirée et partout, il y avait tout le temps une bagarre. Moi je trouvais ça absurde et ça me donnait encore plus envie d’être différent de ça. Ce morceau c’était un peu la synthèse de tout ça. De cette idée de pousser les choses au max en se moquant du regard des autres. Photo : Jade Roche Grave. Et tu t’es fait rattraper par une nécessité. Qui aurait cru que tu allais parler d’un truc aussi précis ? Et finalement je pense que beaucoup de gens vont se reconnaître et s’identifier. C’est clair. En fait c’est ça. Quand je faisais de la musique, chez moi, c’était plus un échappatoire pour fuir tout ce que j’aimais pas. Du coup j’avais tendance à rejeter tous les trucs qui pouvaient me mettre en bad. Bizarrement Bagarre Bagarre il a été libérateur. C’est à partir de ce morceau que j’en ai fait d’autres comme La Piscine par exemple. Tous les morceaux se sont enchaînés comme ça, un peu naturellement. « J’aimais bien cette idée de dire “Salut, c’est moi, préparez-vous pour la bagarre, mais la bagarre gentille.” » C’est le premier moment où je l’ai joué en live sur la tournée d’Angèle, où j’ai commencé mon set avec ce morceau, que je me suis dit qu’il s’était passé quelque chose de spécial avec les gens. Et j’aimais l’idée d’ouvrir le set avec ce morceau. “Salut, c’est moi, préparez-vous pour la bagarre, mais la bagarre gentille.” Tu fais de la musique pour qui toi justement ? Comment tu imagines les gens qui s’ambiancent sur ta musique ? Déjà, avant toute chose, je fais de la musique pour moi. Au final ça peut paraître égoïste, mais c’est mon propre kiff. Pour moi la première étape elle est là. Je me pose pas de question sur qui écoute justement, ni de comment ça va sortir stylistiquement. « Pour moi c’est ça la force de la musique. De parler à tout le monde. C’est là que ça existe vraiment. » Une fois que ça sort, j’aime bien l’idée que ça puisse parler à tout le monde. Sur la tournée d’Angèle, c’est beau, dans la même salle il y a des gens de tous les âges. Je discutais avec les gens tout le temps à la fin des concerts. Et j’ai eu plein de gens différents, même des grands-parents qui me disaient qu’ils avaient kiffés. Pour moi c’est ça la force de la musique. De parler à tout le monde. Pour moi, c’est le moment où ça existe. Ce moment de partage et d’échange. « La première fois que j’ai joué Bagarre Bagarre, j’ai ressenti quelque chose et j’ai compris que ça serait l’ouverture du projet et le titre de l’ep. Quand j’ai joué ça à Bercy, ça résonnait en moi. » Et au final, c’était le meilleur test pour les chansons de passer direct par le live. Il y en a que tu as jeté justement après les avoir jouées sur scène ? Ah c’est intéressant. Pas que j’ai jetées, mais ça m’a aidé dans la sélection. Sur l’ep, il y a Où étais-tu ? que j’ai jamais joué en concert parce que je l’ai fait entre temps. La Piscine, je le jouais en concert, mais là c’est une nouvelle version, avec une nouvelle approche. Je ne me suis pas basé sur le live. Il n’y a pas de règle. Le live c’est surtout un test pour moi et mes sensations. La première fois que j’ai joué Bagarre Bagarre, j’ai ressenti quelque chose et j’ai compris que ça serait l’ouverture du projet et le titre de l’ep. C’était des émotions fortes. Et ça m’a donné un attachement au morceau. Quand j’ai joué ça à Bercy, ça résonnait en moi. C’était plutôt ça. Qu’est-ce que tu as fait pour la première fois sur ce projet, qu’est-ce que tu as tenté ? Déjà tout simplement proposer un enchaînement de 5 titres. La définition d’un ep, mais pour moi c’était nouveau. Parce que je lâchais tout le temps mes morceaux un par un. En développant un univers pour chaque morceau. Et c’est moins contraignant en terme de cohérence. Grave. Et tu peux aller à fond dans le délire sur un morceau. Tu te poses pas la question de la cohérence, au contraire, c’est bien de surprendre les gens. Mais là c’était nouveau pour moi de me dire que pour la première fois, je lâchais un cd qui allait exister en vinyle. Pour gagner un vinyle de Bagarre Bagarre avec Première Pluie, répondez à cette question en nous envoyant un message privé sur les réseaux sociaux ou par mail à : premierepluiecollectif@gmail.com : Quelle est la planète la plus proche du soleil ? Je me souviens de notre dernières conversation, où tu disais justement à quel point la dimension physique était importante à tes yeux. Exactement. Donc ça, déjà, gros kiff. Première fois que je réfléchissais à faire un objet matériel. Et première fois que je composais une tracklist, avec laquelle je me présentais un peu. Parce qu’une tracklist c’est un peu une présentation avec le public. Donc c’était la première fois que je me demandais ce que j’allais raconter sur 5 titres, quelle allait être la trame, est-ce que j’ai abordé assez de sujets, est-ce que j’en dis trop ? Grands questionnements. « J’aime l’histoire que raconte cet ep. » Et au final ça s’est fait assez naturellement. Et c’est quand j’ai fait la tracklist que j’ai inconsciemment reconstitué la trame de ce que ça racontait. Et au final, je me rends compte que ça raconte une histoire, dans l’ordre. C’était ma première appréhension, et ça n’a posé aucun problème finalement. J’aime l’histoire que raconte cet ep. Cette histoire qui nous emmène du lycée, avec Bagarre Bagarre, à la grande scène de Bercy avec Danse encore. C’est exactement ça. C’est une petite histoire en condensée. Bagarre Bagarre, c’est le truc de prendre des droites dans l’esprit et de se dire qu’il y a un plein de problèmes, notamment d’ouverture d’esprit. Le morceau suivant, Les nuits est ultra libérateur. Pour moi il représente la période après mes 18 ans, où j’ai commencé à être lâché dans la vie avec mes potes. Avec ce truc “Les nuits sont toutes les mêmes, toujours les mêmes bars, toujours les mêmes soirées, toujours les mêmes histoires.” Avec ce truc de foncer tout droit, de perdre des gens en route. Avec les couplets évocateurs “Je t’ai fait de la peine encore, tout jeter dans le décor, j’ai pas su te dire ce que j’avais sur le coeur.” C’est foncer et voir ce qu’il se passe. Après il y a La Piscine avec cette idée du reflet houleux, de se perdre et de ne plus se reconnaître. Ensuite Où étais-tu est plutôt une histoire de reflet heureux, en mode c’est bon j’ai trouvé qui je suis. Et de se dire à soi même “Où étais-tu passé tout ce temps ?”. Une révélation. Et pour terminer il y a l’euphorie de Danse encore, et la joie de danser avec des gens que je ne connais pas. Elle s’est bien passée cette jeunesse finalement ! Franchement oui, c’est clair. Une fois que je prends du recul c’est évident. C’est drôle parce que pour moi dans la pop c’était compliqué de raconter une histoire hyper personnelle. Pour moi ça se rapprochait plus du rap. Un truc très frontal. Stylistiquement j’avais l’impression que c’était compliqué de faire ça dans la pop. Et je voulais ce truc du rap. Donc avec un morceau comme Bagarre Bagarre, j’avais l’impression de mixer des sincérités, entre pop, électro, et cette idée de parler vraiment aux gens. Et c’est cette ligne que j’ai gardé pour l’ep. Et c’est quand j’arrive au bout que je me rends compte que ça raconte une histoire. C’était pas prévu de base. Et en fait j’adore ce que ça raconte, parce que c’est hyper chronologique en plus. « J’adore l’idée que chacun puisse voir dans cet ep un moment hyper précis de sa vie. » Et puis pour toi c’était peut-être aussi une façon de compiler des moments our ne pas les perdre, on le disait, ces dernières années étaient denses C’est clair. Pour moi, quand j’écoute l’ép, j’ai plein de souvenirs différents qui reviennent. C’est cool parce que je passe par plein d’émotions. Et même si l’histoire est personnelle, je pense que tout le monde peut le rattacher à des moments précis de sa vie. Ça reste des étapes clés par lesquelles on passe tous. J’adore l’idée que chacun puisse y voir un moment hyper précis de sa vie. Ce que je ne pensait pas réussir à faire en racontant des choses aussi intimes. J’avais peur que ça soit impudique. Et pourtant, les premiers retours que j’ai sur le morceau Bagarre Bagarre, ils sont hyper touchants. Elles ressemblent à quoi les chansons qui ne sont pas sur cet ep ? Ou que tu as jeté pour privilégier la cohérence dont on parlait ? Je pense que ce n’est pas par manque de cohérence. C’est juste que si elles avaient été dessus, l’ep serait devenu un album. Parce que c’était vraiment la suite du coup. Et bizarrement, ça allait bien dans cette idée de chronologie, pour moi c’était vraiment la suite. Donc il fallait que je m’arrête à un moment. « Là, c’est le début de quelque chose de nouveau, cet ep marque le début de la suite. » Je me suis dit qu’on se s’était pas encore rencontrés. Qu’il fallait d’abord qu’on se rencontre avec un ep. Et qu’après on déciderait de la suite. Mais voilà pour moi, cette suite irait sur un album. Et cet ep, c’est un moment de ma vie, et c’est bien si on ferme cette parenthèse maintenant. Parce que là c’est le début de quelque chose de nouveau. Cet ep marque le début de la suite. Alors les morceaux que j’ai commencé, ils auront leur place sur l’album. Photo : Jade Roche Qu’est ce que tu trouves rock, dans l’art, dans la vie et tout ? Tout dépend. Mais ce qui me fait le plus kiffer, c’est les albums qui vont prendre des choix en sens contraire de l’industrie musicale. Je pense à des projets comme La Femme. Je trouve que c’est eux les vrais punks de 2020. Ils font de la surf-music pop française très cool mais c’est eux les nouveaux punks. Moi cette approche là elle me fait bien kiffer. Sinon à l’international, je pense à Tyler, The Creator, dont je suis ultra fan. Justement il propose des albums où il casse tous les codes des albums. Tu écoutes un morceau et tu bascules sur un autre. Il y a une liberté totale. Dans l’art, ça me fait kiffer. Et dernièrement, en France, il y a des gens qui font ça très bien, mes coups de coeur, ces derniers jours, c’est la mixtape de Victor Solf, qui s’appelle 12 Monkeys. C’est ultra instrinctif. Je pense aussi au morceau Le Soleil & La Lune de Bonnie Banane qui vient de sortir et qui est produit par Varnish la Piscine et qui pour moi est le plus ricain des producteurs français dans l’approche. Sur ces deux projets qui viennent de sortir, je vois un effort de liberté totale. Et comme pour toi, il y a un truc hybride. Tout le monde fait son truc sans genrer la musique. Oui c’est vraiment l’idée. C’est hyper important. Enfin, Julien, dernière question, que tu connais déjà pour y avoir déjà répondue par le passé. Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? Je me souviens que j’avais répondu que ça m’évoquait la fin de l’été. Avec de la nostalgie des souvenirs. Là avec l’actualité que j’ai, ça prend un autre sens. Pour moi, la première pluie, là, ça va être la sortie de l’ep. Et ça va pas être une pluie triste, ça va être une pluie de la joie. Comme si tu faisais une danse de la joie et qu’il se mettait à pleuvoir sur toi. Pour moi la première pluie là c’est vraiment la sortie de l’ep, et je danse en slip sous la pluie parce que je suis content. Interview par Arthur Guillaumot / Photos Jade Roche À partir de lundi, vous pourrez gagner un Vinyle de cet ep, sur les réseaux sociaux de Première Pluie. Insta : @premierepluie / twi : @premiere_pluie / fb : @premierepluie en partageant cette interview et suivant Première Pluie. Bagarre Bagarre est disponible partout : L’ep est sorti chez Cinq 7, pour Wagram music. À lire aussi Interviews Musique Léon Phal : « La scène est un espace de travail et de jeu » / Interview 11 Oct 2024 Le saxophoniste Léon Phal est en ce moment le nom le plus alléchant de la nouvelle scène nu jazz. Avec ses compères Zacharie Ksyk à la trompette, Gauthier Toux aux claviers, Rémi Bouyssière à la contrebasse et Arthur Alard à la batterie, ils défendent un jazz infusé de sonorités multiples et dansantes. Son nouvel ep No Interviews Musique Arthur Teboul : « Ce que j’ai travaillé depuis longtemps, c’est être dans chaque mot » / Interview 10 Oct 2024 Le boss des mots — recueils de poèmes en solo ou en face de la vie, superbes chansons avec son groupe Feu! Chatterton — s’est associé avec le pianiste de jazz Baptiste Trotignon. Un combo gagnant qui vient de livrer un album de reprises de standards de grandes chansons. 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