Entre la sortie de son premier album, Breakup Songs en juin, et les dates qui se sont enchaînées, Silly Boy Blue a colorié l’été. La lauréate du Prix du Printemps de Bourges 2019 a posé sa valise pour une belle soirée à Bon Moment. Petit instant suspendu, pour discuter avec elle, sur un bateau.

Tu viens de sortir ton premier album, comment tu le vis, ce moment où il existe librement, enfin ?

Au début je ne le vivais pas très bien, parce que c’était trop bizarre. Le premier jour, il y a des gens qui disent « ahh moi ma chanson préférée, c’est celle-là, et moi c’est celle-là ». Moi je me disais « c’est mes chansons, rendez-moi mes chansons ». En fait, tu lâches un peu tes bébés dans la nature. Mais maintenant je suis trop contente, je l’attends depuis que j’ai 13 ans, du coup c’est trop cool.

Tu fais de la musique pour qui ?

Pour pas mal de personnes différentes, j’en fais pour moi beaucoup, c’est mon moyen de m’exprimer, je ne sais pas le faire autrement. Je le fais aussi pour les gens plus jeunes qui ont besoin de musique pour se comprendre eux-mêmes et comprendre ce qu’ils ressentent. Je fais aussi parfois de la musique pour mes proches, pour qu’ils comprennent ce que j’ai dans la tête. Et pour toutes celles et ceux qui voudront l’écouter.

La mélancolie est mon journal intime.

Tu décris ta musique comme de la pop mélancolique, de quoi es-tu nostalgique en général ?

De tout ! De tout ce qui passe. Les tous petits moments sont déjà teintés de mélancolie, parce que mon cerveau me dit : « ça va bientôt être fini, donc tu vas être mélancolique ». Mais moi j’aime beaucoup la mélancolie parce que ça veut dire que quelque chose t’a marqué pour que tu y repenses après, et ça, ça me plait en fait. Je chéris à fond la mélancolie, pour moi c’est comme un grand journal intime, ce n’est pas forcément triste ou malheureux, ça peut être très très beau.

Dans beaucoup d’interviews, tu dis que tu ne te trouves pas légitime, tu te sens comme une fraude, pour toi, il vient d’où ce syndrome de l’imposteur ?

Il vient du fait d’être une femme. On doit toujours se justifier de pourquoi on est là, et je l’ai beaucoup intériorisé. Il vient aussi du fait que j’ai toujours été la plus jeune. J’ai sauté une classe, donc je devais toujours faire mes preuves, et montrer que je n’étais pas une erreur. C’était un gros combat de tous les jours. Mais ça a aussi été un moteur, ça m’a donné envie d’avancer.

J’ai toujours dû faire mes preuves.

Comment on gère aussi bien la scène quand on est aussi sensible que toi ?

(rires) Il y a deux choses : « fake it until you make it », quand j’ai fait Taratata par exemple, toute mon équipe me disait : « c’est trop bien, t’étais trop à l’aise » alors qu’au fond j’avais l’impression que j’étais en train de mourir tellement j’avais peur. Et sinon, toute l’énergie du stress, j’essaye de la convertir dans de l’énergie sur scène, et on se débrouille comme ça. J’aime énormément la scène.

Pour toi, c’est quoi les conditions les plus adéquates pour écrire un morceau : plutôt dans une zone de confort ou, au contraire, changer d’air pour être inspirée ?

J’aime bien être chez moi, j’aime bien que ça soit la nuit, j’ai presque toujours bossé comme ça. J’écris aussi de temps en temps dans les chambres d’hôtels, j’aime beaucoup aussi cette ambiance, de perdre un peu tes repères et tout ça. Mais quoiqu’il arrive c’est quasiment toujours la nuit.

Tu préfèrerais faire de la musique triste dans un monde heureux ou de la musique heureuse dans un monde triste ?

Un monde heureux ! Moi j’ai ce truc un peu d’éponge, donc si tout le monde est heureux autour de moi et que je suis triste, ça ne me dérange pas, parce que je sais que je vais pouvoir absorber un peu leur bonheur.

C’est quoi pour toi la première pluie ?

Pour moi la première pluie, c’est la toute petite pluie du matin, de quand tu rentres trop tard, ou que tu pars trop tôt de chez toi. C’est la première pluie du matin, tu sais que ce n’est pas de la grosse pluie, que ça ne va pas être chiant, mais que c’est juste l’indicateur qu’il est trop tôt ou trop tard.

C’est quoi un bon moment ?

C’est juste un moment dont tu sais que tu t’en rappelleras dans les mauvais moments justement. Les bons moments ça se chérit, je les prends comme des petits bouts de choses que je garde en moi pour les moments qui seront plus compliqués après, c’est eux qui vont me permettre de tenir.

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Interview : Marie Tissot / Photos Sarah Yasmin Junker // Discussion réalisée dans le cadre du festival Bon Moment à Nancy, été 2021, porté par L’Autre Canal, également dispo ici sur Splash, leur blog.

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