Épileptiques et gymnophobes avertis, le nouveau film du réalisateur des Enfants Sauvages, Bertrand Mandico, est sulfureux, audacieux, très coloré sans être pourtant classieux. After Blue est sorti le 16 février dans les salles obscures. 

After Blue, c’est une proposition de cinéma qui va chercher en vous des émotions bien enfouies. Il va vous répugner, parfois vous intriguer, parfois vous émouvoir, mais en tout cas, c’est sûr qu’il ne vous laissera pas indifférent. Le film vous propose un voyage dans After Blue, une planète sur laquelle les humains ont dû se réfugier face à la décadence de la Planète Terre. Sauf que sur cette planète n’ont survécu que les femmes, et on suit la jeune Roxy, jouée par Paula Luna. Un jour, elle a la merveilleuse idée de déterrer du sable Kate Bush, individu maléfique interprétée par Agata Busek. Sauf que Kate Bush s’avère être une criminelle. À sa sortie, elle va semer la terreur dans la communauté. Alors sous ordre du village, Roxy accompagnée de sa mère, Zora, campée par Elina Löwensohn, doivent la retrouver et la ramener, vivante ou morte. 

Un objet de cinéma très unique…

Un voyage dans le film de genre qui désempare, qui se réapproprie les codes du cinéma, pour nous sortir un OVNI, un UFO (c’est d’ailleurs le nom de la boîte de production). Ce film rejoint une idée du film dit “de genre”, catégorisé comme ceci, car il crée un genre à lui-même. After Blue est impressionnant car c’est un film qui à la fois ne ressemble à aucun autre, et pourtant crée des échos à bien des univers. Le film est un mélange absolument hypnotisant de SF, transposée dans une atmosphère digne du western. On y utilise des costumes qui rappellent le far-west. Des plans américains sont aussi intégrés ; ce sont des plans où le cadre s’arrête un peu sous la taille (là où était les pistolets) caractéristiques des films des années 60. Tout ceci sur un fond de chasse aux sorcières à la mode Moyen-Âgeuse. After Blue, c’est un voyage dans le temps et dans le genre, pour un œuvre qui s’émancipe de tout ancrage temporel ou géographique par cette planète lointaine. 

… pour une œuvre très organique 

Ce voyage initiatique est marqué par le sensuel et l’exposition des corps. Les actrices sont souvent dénudées, le rapport à la nature est très présent. Le réalisateur et ses films sont d’ailleurs reconnus pour leur utilisation des couleurs. Malgré cet esthétisme onirique, le film reste dans le naturel et l’organique. Il use du contraste et reprend les symboliques bien connues quand on parle de couleur. Les couleurs chaudes représentent la sensualité, la pâleur et le blanc caractérisent la candeur. L’utilisation du vert est aussi symptomatique. Le vert, c’est tout un héritage du mal, du maladif au cinéma. Il fait grande apparition dans un des premiers films en Technicolor, Le Magicien d’Oz de Victor Flemming, avec la Méchante Fée de l’Ouest et sa peau verte. Couleur verte reprise par Hitchcock dans Sueurs Froides, à l’apparition du fantôme de Madeleine. Le vert et sa symbolique du mal sont repris ici par Mandico. Son film, très esthétisé, est filmé en pellicule ce qui donne une nouvelle fois un effet très particulier d’écart entre modernité et ancienneté, mais donne aussi plus de vibrations aux couleurs. 

Une exploration du désir du mal. 

Le rapport au mal est omniprésent. Roxy est un individu candide qui n’a jamais connu la vie sur Terre est ses horreurs comme ses parents. Et la communauté d’After Blue repose sur une chose, l’anéantissement de tout mal. Tout élément dissident doit être éliminé à la racine. C’est une communauté qui veut ne pas reproduire les erreurs de son passé. Sauf qu’en faisant cela, elle enfouit le désir primaire des hommes à faire le mal. On est tous quelque peu attirés par le mal, car il est mystérieux et énigmatique. Le film raconte la découverte de Roxy de cette attraction primitive via la sensualité qu’elle exprime avec le personnage de Kate Bush. Notre héroïne, au teint pâle à la Blanche-Neige va se salir. Car la réalisation montre le sale, et n’en a pas peur. Le sous-titre du film est d’ailleurs “Paradis Sale”. L’œuvre de Mandico nous reconnecte avec notre mal intérieur inéluctable. Il montre que plus on essaie de le chasser, plus on le désirera. 

After Blue de Bertrand Mandico, vous l’aurez compris, est haut en couleurs, important de voir pour élargir son horizon cinématographique à des œuvres plus particulières, plus uniques, dont c’est certain, vous vous rappellerez.

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Paul Dufour