
ELOI, c’est quatre lettres, comme un château fort, ou un coeur en miettes. Depuis ses débuts supersoniques, jtm de ouf où elle reprenait Wejdene, puis son Soleil Mort, tout est allé vite et fort. Pourtant rien ne l’a empêché de fabriquer sa musique à elle, aux ascendantes pop-poétiques, avec des éclairs techno et des rifs éléctriques. Et la musique d’ELOI sonne souvent comme une promesse.
Arthur : Blast, ton dernier ep, qui vient de sortir, est construit sur des dualités, comme La tristesse / La musique, Metal / Kid, Château / Fort. Toi, quelles dualités t’habitent ?
ELOI : Je pense qu’il y a différents degrés de lecture. J’essaye d’avoir différentes voix potentielles sur lesquelles je peux m’amuser. Je pense que ce n’est pas une dualité conscient. Mon projet est construit sur la multiplicité plutôt que sur la dualité. Pour ce qui des noms, c’était aussi pour la D.A, c’est une réflexion de typologie. Les choses s’imposent elles-mêmes. C’est juste naturel, ça émerge comme ça doit être. Parfois il ne faut pas sur-intellectualiser les choix.
Avec la spontanéité comme ligne directrice ?
C’est comme ça que je fonctionne et que je travaille. Je crois que c’est la meilleure façon d’avoir un projet qui reste honnête. Il y a toujours plusieurs phases de travail, la spontanéité est très importante au début. Ensuite, il faut évidemment réfléchir et construire autour. La création émerge autour d’expériences. C’est interdépendant de ce qu’il se passe dans ta vie.
Il y a des expériences de ta vie que tu as tout de suite analysées comme intéressantes pour ton projet musical ?
Non ! Quand-même, je ne réfléchis pas comme ça. Pour moi, la musique a une fonction introspective, elle répare des choses. Je ne me dis pas “ça va être bien pour la musique” je me dis plutôt “la musique va m’aider à aller mieux”.
Ça va mieux, projet après projet ?
Sur les sujets que j’aborde, oui. Mais il y a toujours de nouvelles situations. Je ne crois pas au fait de faire une thérapie de tout avec la musique. Le plaisir que j’ai à faire de la musique, il a une grande place dans ma vie, en miroir avec des situations qui ne sont pas forcément agréables.
Dernier Orage, le nom de ton premier album, c’était une promesse que tu te faisais à toi-même ?
Oui. Grave. Bien vu. Je trainais ces morceaux très lourds depuis longtemps et j’avais envie de donner à ce premier album une fonction de soulagement. C’était pour clore un moment.
Tu utilises le mot “trainer”. C’était lourd ?
Oui. Ça prenait vraiment de la place, et je n’arrivais pas à faire autre chose. C’est aussi pour ça que j’ai fait Blast assez rapidement ensuite. J’avais peur de m’être trompée sur la fonction de soulagement, mais j’avais raison ! (rires)
Dernier Orage, c’était les fragilités, Blast., c’est les forces ?
C’était la continuité logique. Et puis Dernier orage évoque des thématiques plus anciennes, c’est plus adolescent. Le chemin fait sens pour moi. C’est important de se construire une estime de soi quand on a beaucoup puisé dans la vulnérabilité.
Qu’est-ce que tu as découvert sur toi en faisant de la musique ?
J’arrive à lire des moments de ma vie avec plus de recul. Ça m’apporte cette clarté.
C’est un réflexe dans ta vie de passer par des phases de création pour comprendre des choses qui t’arrivent ?
Oui, mais parce que c’est bourratif, j’ai besoin d’en faire tout le temps. Dans Blast, je suis un peu plus narrative. Et même dans le second degré par moment, ce qui donne plus de liberté. Mais de base, quand j’ai commencé la musique, et ça a duré 5 ans, je faisais juste de la musique tout le temps, et je racontais tout ce qu’il se passait dans ma vie.
C’est important de se construire une estime de soi quand on a beaucoup puisé dans la vulnérabilité.
La scène, c’est quel endroit pour toi ?
C’est un endroit performatif, qui permet de donner à la musique un sens très différent. Un endroit de rencontres aussi ! Un endroit de transfert.
Qu’est-ce que tu as fait pour la première fois sur Blast. ?
Les textes second degré c’était un peu touchy pour moi. J’ai mis du temps à réussir à le faire. Playstation et Odyss_X sont concernés par cet exercice. Il y a aussi des premières fois sur le live. Pour la première fois, je travaille avec un directeur musical. Je bosse avec Krampf, qui était un gars de Casual Gabberz. C’est très cool.
Il y a certains de tes morceaux qui ont vécu, disons, plus loin que les autres. Je pense bien sûr à jtm de ouf (cover de Je t’aime de ouf, de Wejdene, ndlr). Est-ce que tu as eu peur qu’ils te définissent au yeux de certaines personnes ?
Oui. Grave. Après, c’est le principe des covers, qui ont le potentiel de toucher plus de gens. J’ai été rassurée quand Soleil Mort a eu à peu près le même nombre d’écoutes. Mais oui, c’est quand même un truc qui tourne un peu dans la tête. Pyrale, le projet avec jtm de ouf et Soleil Mort était un projet très court. Impossible d’avoir une image de la musique de quelqu’un avec trois titres, de mon point de vue. Ce qui prend du temps, c’est de construire un vrai public avec tout ce qui est arrivé ensuite.
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Vous pouvez retrouver ELOI sur Instagram.
Elle sera à La Cartonnerie à Reims le 29 avril.
Interview : Arthur Guillaumot, réalisation et montage : Diego Zébina, ingé son : Mathilde Petit
Interview réalisée avant son concert à La Souris Verte à Épinal, le 22 mars 2025.