Photo par @mithrilmaker sur Twiter : San Francisco à 10h30 du matin le 9 septembre dernier.

Comme chaque année en été, des incendies records saccagent la Californie et l’ouest américain. La saison des feux se mute petit à petit en obstacle insurmontable partout dans le monde, toujours plus destructrice et toujours plus crainte. Pourtant, à l’image d’un Bolsonaro dans son Brésil tout aussi ravagé par les flammes, Donald Trump nous livre un argumentaire très dangereux au sujet de ces feux climatiques. Retour sur la situation actuelle aux Etats-Unis, et le rôle qu’y a à jouer son président climato sceptique. 

Le constat

Un peu plus d’un million d’hectares sont partis en cendres en Californie, 400 000 pour l’Oregon, soit le double de ce qui brûle normalement chaque année : “ces méga feux sont sans précédents dans l’histoire de l’Etat” selon sa gouverneure démocrate Kate Brown. Même constat pour l’Etat de Washington à peu de choses près : 200 000 hectares sont touchés. Cette année encore, on peut le dire : les méga feux de l’ouest américain sont sans précédents.

Que ce soit grâce aux données satellites qu’on a à disposition ou aux témoignages des pompiers américains forts de leur expérience déjà bien entamée en terme de feux de forêt, le constat est le même.  Les populations doivent les subir, impuissantes, et certaines petites villes sont tout simplement rayées de la carte. La fumée générée par ces brasiers a couvert des portions gigantesques de ciel d’un voile orange surréaliste. Cette fumée, elle a été visible jusqu’au ciel des européens, pourtant séparés du lieu des hostilités par un océan et un continent. 

L’augmentation préoccupante du nombre et de l’ampleur des catastrophes naturelles

Plus de 20 000 hectares ont brûlé au total donc, record battu, mais pas encore achevé : la saison des feux se termine en théorie en novembre seulement, et les combattants des flammes ne s’en sortent toujours pas. Pour Darrell Roberts, chef de bataillon, ces incendies remettent en question les techniques traditionnelles de lutte contre les incendies, qui sont aujourd’hui poussées à leur extrême limite.

La sécheresse chronique due au manque de pluies est en nette augmentation ces dernières années, et les risques en sont amplifiés par les températures elles aussi en hausse dans les régions concernées. Les méga feux sont devenus plus puissants, et évoluent plus rapidement que les techniques et équipements utilisés pour les combattre. Qu’est ce qu’on disait sur le réchauffement climatique, déjà ?

“Le nombre et l’ampleur des catastrophes naturelles augmentera sensiblement en même temps que l’augmentation de la température terrestre”

Chaque année est une nouvelle preuve de la véracité de ce dogme, et semble même montrer une accélération dangereuse du processus depuis ces derniers temps. En 2015, une centaine de feux de forêt étaient recensés en Californie sur l’ensemble de l’année. En 2020, nous en sommes déjà à plus de 230. L’observatoire permanent des catastrophes et risques naturels a quant à lui recensé 1100 catastrophes en 2017 dans le monde contre 599 seulement en 2002, presque le double en seulement 15 ans. Bien sûr, on pouvait mieux les identifier qu’en 2002 et ces résultats sont donc à prendre avec des pincettes, mais ils restent parlants.

Sécheresses en Afrique de l’Est, inondations en Asie du Sud… Ces catastrophes naturelles touchent en général les populations les plus pauvres. La Californie, en revanche, fait partie des endroits les plus riches et influents du globe, et a le pouvoir de devenir une vraie vitrine du phénomène actuellement en cours. La pression suffocante que peut nous mettre à tous le réchauffement climatique n’est pas quelque chose de lointain, et concerne absolument tout le monde. 

And america burn again

Pourtant, le président des Etats Unis d’Amérique continue à nier une quelconque implication du réchauffement climatique là dedans, si tant est qu’il existe. Pour lui, l’explication à l’existence de ces brasiers toujours plus gigantesques vient de la mauvaise gestion forestière de ces États (contrôlés par des démocrates, en passant). Après s’être servi du cas des méga feux comme sorte d’argument de campagne, il a simplement répondu à Gavin Newsom, gouverneur de Californie “ça va se refroidir, vous verrez” lorsque celui-ci lui lance que les feux de forêts sont aggravés par le réchauffement climatique, lors d’un échange. “Il ne s’agit pas de gestion forestière ou de ratissage. Tous ceux qui vivent en Californie se sentent insultés par cette affirmation” réagissait plus tard sur CNN Eric Barcetti, le maire de Los Angeles, avant d’ajouter que “ce gouvernement se met la tête dans le sable sur la question environnementale”.

Un homme de 84 ans essayant de sauver sa maison près de Vacaville, en Californie.

Et ce, depuis déjà un moment. Le mandat de Donald Trump a parfois semblé mener une lutte contre la protection de l’environnement. Des réglementations à tout va et une réduction drastique de certaines grandes zones protégées comme le cas emblématique du Bear Ears National Monument, qui s’était vu amputé de 85% de sa superficie au profit de l’exploitation minière et forestière intensive. 

La facture s’alourdit

Revenons en maintenant aux catastrophes naturelles : quel est leur coût, aux Etats-Unis et dans le reste du monde ? Un rapport du Bureau des Nations Unies pour la Réduction des Risques de Catastrophe a tenté de répondre à cette question, et les résultats sont édifiants. Les pertes économiques liées aux désastres climatiques entre 1878 et 1997 dans le monde étaient de 895 milliards de dollars, contre 2,25 trillions de dollars de 1998 à 2017, soit une augmentation de 151%, ou une multiplication par trois. En plus de démontrer une augmentation évidente des dégâts liés aux catastrophes naturelles, ce rapport montre que ce sont les Etats-Unis qui sont les plus impactés. De 1998 à 2017, leurs pertes économiques s’élevaient à près de 945 milliards de dollars, soit presque autant que leur budget en santé et médecine en 2016. 

Les incendies actuellement en cours semblent cela dit emmener avec eux une vraie envie de faire bouger les choses en matière d’environnement, pour les gouverneurs des Etats concernés.

« Je penserai à ces incendies et à leurs impacts sur nos populations quand nous prendrons nos prochaines décisions pour battre le changement climatique »

Voila ce qu’a déclaré récemment le gouverneur de l’Etat de Washington Jay Inslee. Du côté de la Californie, une mesure prometteuse a même déjà vu le jour, même si son échéance à long terme réduit son impact. A partir de 2035, aucune voiture neuve vendue là bas ne pourra être équipée d’un moteur essence ou diesel, autrement dit, seules les voitures électrique ou roulant à l’hydrogène et d’autres alternatives pourront être vendues neuves. “Durant de trop longues décennies, nous avons laissé les voitures polluer l’air que nos enfants et nos familles respirent”, a déclaré son gouverneur Gavin Newsom.

Les feux climatiques qui ravagent la côte ouest des Etats Unis ne sont pas prêts de se terminer, la saison des feux se termine traditionnellement dans plus d’un mois et la sécheresse ne devrait à priori pas se dissiper d’ici là. Les vents de Santa Ana, courants chauds et secs d’automne venant du Nevada devraient quant à eux bientôt bientôt apparaître dans les zones concernées, et propager plus encore les flammes. Le déni du président américain quant à la cause climatique de ces incendies toujours plus puissants semble surréaliste, et nous rappelle les enjeux de la prochaine élection présidentielle qui aura lieu là bas dans quelques semaines. 

Romain Bouvier.