“L’enfer c’est les autres.” Cette petite citation qu’on rêve tous de tweeter quand on passe un mauvais lundi. Elle est issue d’une pièce de théâtre, vous le saviez ? Vieux souvenir de cours ? La pièce, c’est Huis Clos, de Jean-Paul Sartre, pièce créée en 1944, symbole de l’existentialisme, qui veut que l’être humain se définisse par ses actions.  

Huis clos est la pièce qui illustre la pensée de Sartre sur l’intersubjectivité, le rapport à autrui, qu’il développait notamment dans son essai L’Être et le Néant. 

La pièce est un Huis Clos – ça ne s’invente pas – et met en scène trois personnages. Tout se passe en enfer, et tout ressemble à la vie. Les trois personnages viennent de mourir, ne se connaissent pas, ne se ressemblent pas et ne se supportent pas. 

On meurt toujours trop tôt – ou trop tard. Et cependant, la vie est à, terminée ; le trait est tiré, il faut faire la somme. Tu n’es rien d’autre que ta vie.

Huis Clos

Il y a Garcin, le premier arrivé, journaliste, fusillé pour son pacifisme. Il se prend pour un héros. C’est en fait plutôt un calculateur perfide. Inès arrive ensuite, lesbienne, elle s’est suicidée par le gaz. Estelle est l’épouse d’un homme riche, elle est morte d’une pneumonie. Elle trompait son mari et s’est rendue coupable d’un infanticide. C’est une grande menteuse.

La pièce où se retrouve les trois protagonistes est un salon, qui symbolise l’Enfer. Il n’y a pas d’objet du quotidien, et les personnages n’ont plus besoin de dormir. Ils peuvent juste vivre. 

Chacun des trois personnages jugent les autres, lui collent une étiquette : lâche, lesbienne, mondaine. C’est la dépendance du regard d’autrui pour se définir. D’ailleurs, Garcin, dès son arrivée, dépend des réponses du valet.

Ainsi, au cours des conversations, les trois personnages comprennent que pour chacun le rôle des deux autres est d’être un bourreau pour soi. 

Le bourreau, c’est chacun de nous pour les deux autres.

Huis Clos

Jean-Paul Sartre admet cependant lui-même que la célèbre sentence (L’enfer c’est les autres) a été mal interprétée. L’enfer, ce n’est pas les autres. Sartre dit que l’on peut tout à fait avoir de bons rapports avec les autres, évidemment. 

Pour Sartre, les autres sont ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes, et pour la connaissance de nous. On se juge par le jugement des autres. Si au final on pense du mal de soi, cette perception dépend du regard des autres, et alors on vit un enfer intime. Sartre, comme un expert de la confiance en soi, dit même déjà qu’une quantité de gens sont en enfer parce qu’ils dépendent trop du regard d’autrui. 

Tous ces regards qui me mangent… Ha ! Vous n’êtes que deux ? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. Alors, c’est ça l’enfer. Je n’aurais jamais cru… Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril… Ah ! Quelle plaisanterie. Pas de besoin de gril : l’enfer c’est les autres. 

Huis Clos

C’est un thème récurrent chez Jean-Paul Sartre, l’angoisse devant l’immense et ce qui n’a pas de sens. Pour y faire face, l’homme peut utiliser sa liberté. Dans Huis Clos, les protagonistes en sont privés et sont les esclaves de leurs choix passés. Se contemplant et contemplant les autres, ils souffrent. En fait, Sartre invite à vivre pleinement sa vie, plutôt qu’à la subir, pour ne pas la contempler avec nausée à la fin.

Et vous, vous ferez quoi après le confinement ?


Arthur Guillaumot