Oui, derniers mots. Derniers mots car une nouvelle fois, voici un événement qui n’aurait jamais dû prendre aucune ampleur, n’aurait dû être relayé par aucun média. Derniers mots c’est la série de Première Pluie qui conclut les événements insignifiants qui prennent des ampleurs énormes. Derniers mots c’est les mots qu’on a pas envie d’écrire, sur des sujets qui devraient avoir moins d’importance. 

Le climat en France entre les personnes racisées et l’état est inquiétant, et il faudrait être un pauvre climatosceptique abruti pour en douter. La lutte anti raciste est décrédibilisée à longueur de temps et la représentation médiatique inégale et honteuse. 

La colère est là, partout, même dans le cœur de ceux qui n’aiment que la paix et l’amour, qu’ils soient dictés par un Dieu ou par eux-mêmes. 

CONTEXTE

Nous sommes en 2021, et le ramadan commence en France.

En ce 13 Avril, vers 15h, Evian poste un tweet. Le tweet en question le voici :

Tweet tout à fait banal d’une marque, vous en conviendrez. Sûrement un tweet programmé, comme peuvent l’être la plupart des tweets sur le compte de grosses marques.

Or, ce tweet tombe le premier jour du ramadan. 

On rappelle que lors du ramadan, les musulmans qui respectent ce pillier de l’Islam ne mangent ni ne boivent durant les heures de soleil, puis se nourrissent de nuit et cette période dure 1 mois. 

Quelques heures après le premier tweet, Evian répond, un second :  

Alors que s’est-il passé pendant les 6 heures qui ont séparé les deux tweets ? Réponse en fin d’article.

Après ce second tweet, c’est le début d’un grand n’importe quoi orchestré et porté majoritairement par trois courants. 

Premièrement, on a la “fachosphère”.

Ces patriotes Twitter qui défendent une France de traditions, qui voient dans chaque kebab une menace sur le boeuf bourguignon, dans chaque rayon halal la disparition de leur saucisson et dans chaque femme voilée le grand remplacement en marche. Dans toutes les histoires, c’est eux qui ont la palme des plus susceptibles. 

Cette population va s’insurger à la lecture du tweet d’excuse. S’insurger car elle ne comprend absolument pas comment c’est possible que les musulmans imposent leur loi, fassent peur à nos entreprises françaises etc. ‘’Va-t-on avoir encore le droit de boire de l’eau pendant le ramadan ?”. En voilà une question intéressante qu’on peut retrouver dans les tweets de cette population !! 

Ce genre de discours, il n’est pas récent. On se souvient de Jean-François Copé qui en 2012 qui publiait ce tweet, sans jamais donner de justification, peut-être par une malheureuse expérience, alors qu’il était secrétaire général de l’UMP. 

Jean-François Copé qui doit, dans l’anonymat qui est le sien aujourd’hui, se réjouir de la hauteur du débat. 

Bref, les racistes s’inquiètent, ils s’insurgent, ils parlent fort. 

Deuxièmement, on a la team “On ne peut plus rien dire”.

La team on ne peut plus rien dire est encore plus dangereuse que la première, car beaucoup moins bien définie, plus large. 

Des “on ne peut plus rien dire”, il y en a partout. Ils sont d’ailleurs quasiment une majorité car ils sont parfois au pouvoir, d’autres fois à la tête d’émissions diffusées par de grands médias, qui ont d’ailleurs d’autres “On ne peut plus rien dire” à leur tête.

Les “ONPPRD”, car c’est trop long à écrire, militent pour la liberté d’expression ultime. 

Ce qui pourrait paraître être une bonne idée, surtout après ce qu’a vécu la France en 2015 avec Charlie Hebdo. Le problème, c’est que ces gens, pour la plupart des blancs dans un pays de blanc, chrétiens dans un pays laico/chrétien ont été éduqué à pouvoir “tout dire” tandis que leurs compatriotes musulmans, femmes, homosexuels, ont été éduqués dans la peur de dire ce qu’ils pensent. 

Bref, nos bon vieux “ONPPRD” se sont insurgés également, sur le fait qu’un message aussi basique puisse nécessiter des excuses. Et on peut le comprendre, si on a pas tous les éléments de l’histoire. Ils en ont fait des tonnes, ceux qui ont une importance sur le pays ou un audience également, ce qui a donné la légitimité à un troisième acteur de se saisir de l’affaire, les médias. 

Le troisième acteur, ce sont les gros médias.


Publics ou privés, télévisés ou écrits. 

Ces médias, voyant qu’il se passait quelque chose d’étrange, qui faisait réagir Twitter et qui FERAIT beaucoup réagir (l’Islam fascine) leurs lecteurs, décident d’en faire des articles.

Selon l’orientation, ils ont un discours plus ou moins honteux, plus ou moins haineux. Mais comme vous le savez, aujourd’hui les médias sont orientés et devinez quoi ? Ils sont également dirigés et écrits par des humains, humains qui appartiennent parfois, voir souvent, aux deux premiers groupes décrits plus haut.  

Et voilà comment on arrive aujourd’hui à une polémique qui va nourrir aujourd’hui les discours haineux, islamophobes, et antiprogressistes. 

L’immense majorité des français n’a pas d’avis sur le sujet, s’en fiche ou n’en a pas connaissance. Cette immense majorité des français va se voir servir ce sujet par de grands médias, par TPMP, par Cnews, par le figaro etc… 

Ce que va entendre la majorité des gens, entre la vaisselle et les gosses, pourrait-être résumé par la phrase suivante : “Evian a mis un tweet sur de l’eau, et s’est excusé ensuite, par peur de l’Islam, ou par peur de cette cancel-culture qui nous ronge. Va-t-on nous empêcher de boire ? N’a-t-on plus le droit de dire qu’on a faim à 16h ?” 

Ces gens, à qui l’on va servir ces informations n’auront souvent qu’une seule réaction, une réaction légitime vis à vis de ce qu’on leur raconte : “Ouah, c’est chaud putain… Ca va trop loin.” 

J’ai bien écrit “légitime”, parce qu’EFFECTIVEMENT c’est ridicule de « cancel » pour ça. Les excuses d’Evian n’étaient pas nécessaires. 

Surtout quand on sait la vérité, ce qu’il s’est passé réellement pendant les 6 heures qui ont séparé ces deux tweets. 

SIX HEURES

Quelques minutes après le tweet. Deux trois comptes twitter influents décident de répondre ou de citer le tweet d’Evian. Notamment le tweet de @_Rapvibes par exemple. 

Deux trois autres gros comptes relaient le message, pour rire, pour troller. Et c’est donc une vague de jeunes twittos là pour se marrer qui mentionnent le compte d’Evian et crient à l’islamophobie. 

Ces quelques twittos, et ils le diront eux même par la suite, ne représentent pas la communauté musulmane ni ne parlent en son nom, certains ne sont même pas musulmans. 

Vous pensez qu’il n’y a aucun lien entre @_Rapvibes et Le Figaro* (l’un comme l’autre sont cités à titre d’exemple) ? 

Figurez-vous qu’ils fonctionnent pareil : la réaction. Réagir à tout. Le premier est un compte twitter, où le troll est la seule règle du jeu. Le second est l’un des plus gros journaux français, qui se doit de traiter d’un maximum de sujet, pour satisfaire son lectorat.

Les jeunes gens derrière les comptes comme Rapvibes admettent twitter “la main dans le caleçon”. Façon de dire qu’ils font ça pour rire, depuis leur lit. Ce qui prouve que quelque chose ne tourne pas rond, c’est que désormais, ils dictent l’horloge médiatique des seconds, sans même en être conscients. 

Et finalement, les journalistes sérieux et diplômés scrutent les faits et tweets des premiers, sans comprendre les codes, mais avec un objectif similaire : la réaction, le clic. Bref, des pyromanes en face d’un tas de paille. 

Ce qui frappe dans cette affaire et un nombre trop grand d’autres, c’est à quel point l’espace médiatique français s’empare de sujets insignifiants et qu’il ne maîtrise pas.

A ce moment là, trois hypothèses : 

  1. Ils n’y comprennent rien et sont complètement débiles, ne savent pas sourcer leurs informations ni faire un travail de journalisme un minimum correct. Possible. 
  2. Ils profitent de n’importe quel sujet qu’ils manipulent sans vergogne pour influencer et grossir la fracture sociale entre fachosphère et musulmans, entre vieux “ONPPRD” et jeunes progressistes pleins de rêves pour un avenir socialement meilleur
  3. Ils profitent de ce racisme latent, du buzz que peuvent créer les sujets sur les musulmans, pour faire des vues dans un souci de concurrence ou d’envie de thune. 

Ces affaires nées d’un rien sur Twitter, Instagram ou n’importe quel autre réseau social sont légion. De l’affaire Mila qui dure depuis des mois à celle-ci, on ne compte plus les différents scandales ou affaires que les médias instrumentalisent à leur guise. 

Ce que cette affaire prouve une fois de plus, c’est l’incompétence des ces médias, la débilité de ces élites et surtout, la puissance que nous avons entre les mains. 

En quelques tweets on peut faire peur à une marque, à des fachos ou aux élites de ce pays. Ils ont peur de ce qui arrive, et profitent de la puissance que leur apportent leurs postes,  de leur contrôle médiatique massif ou de leur argent pour repousser l’inévitable. 

Le monde change, et il ne voudra bientôt plus d’eux.