Par les lumières du soir, ou celles du matin, qui se confondent, Edge arrive au moment où les effluves s’estompent et où les fragrances deviennent des estampes. Un sens précis des moment, capturés en douceur. Edge brillait par ses collaborations artistiques. Il envoie un premier projet, OFF, le 11 décembre.

Depuis cette discussion Edge a sorti un deuxième projet solo : OFFSHORE, le 26 novembre 2021. Vous pouvez l’écouter ici.

Alors, tu es dans quel état d’esprit, à quelques longueurs de la sortie de OFF ?

J’ai bossé quasiment deux ans sur ce projet, justement parce que c’était mon premier projet, mes premiers pas dans la musique, mes premières séances de studio. Il a vraiment une saveur particulière. 

Est-ce que tu es aussi débarrassé d’une forme de pression que tu te mettais ? 

Oui, je suis vraiment satisfait. Après, la musique, c’est un truc cyclique. Je suis très fier de ce projet, mais comme je te disais, il est déjà presque ancien, je l’ai terminé depuis un an. Entre temps, j’ai continué de faire de la musique. Donc voilà, j’ai aussi hâte de livrer ce projet là pour passer à la suite. 

Oui, un premier projet, c’est symbolique, tu peux complexer, mais pour la suite les chevaux seront lâchés, tu vas pouvoir enchaîner. 

C’est carrément ça. Donc ça me fait du bien de le sortir. 

Et puis ne plus être totalement satisfait d’un projet fait il y a un moment, ça veut dire que tout va bien dans le processus de renouvellement artistique non ? 

C’est ça. C’était une étape très importante, de bien prendre le temps de digérer les choses. 

“Moi je suis un bousillé de musique. J’adore en faire. Il y a un aspect thérapeutique, mais il y aussi un aspect euphorisant.”

Oui, en parlant de digestion, pour quelqu’un comme toi, qui est influencé par des sonorités très variées, avec ta curiosité, il faut prendre le temps de se poser pour fixer son identité. 

Mais oui carrément, surtout qu’encore une fois, je n’ai pas un long parcours, dans le sens où ça ne fait pas très longtemps que je suis passé de l’autre côté du micro. Forcément, je sais que j’ai encore plein de choses à explorer musicalement parlant. Pour pouvoir me chercher, mais aussi pour faire découvrir d’autres versants de ma personnalité musicale. Moi je suis un bousillé de musique. J’adore en faire. Il y a un aspect thérapeutique, mais il y aussi un aspect euphorisant. Dès que je peux faire du son avec quelqu’un, je le fais, je ne me pose pas mille questions. Je sais que musicalement, je peux encore explorer plein de choses, notamment vers le chant, ou sur des prods différentes, pas forcément rap. Quand je fais de la musique et que je kiffe, je suis bien. 

Oui, et tu as déjà commencé à mettre ça en pratique en collaborant avec Bolides et Oscar Emch cette année. 

Oui, voilà. Musicalement, ce que j’écoute c’est très varié. J’aime la musique, donc je me penche sur les univers qui me touchent. Avec Bolides, c’est ce qui s’est passé. Ils sont venus me voir après un concert, en me disant qu’ils avaient kiffé le morceau avec Bonnie (Banane, Pollen, sur le projet 220 de The Hop), et qu’ils pensaient à quelque chose. On a réussi à faire le morceau sans se poser de questions. Juste du kiff. 

Je n’étais pas prédestiné à faire de la musique.

Comment tu as vécu cette année, où tu as révélé de plus en plus de toi, avec de plus en plus de morceaux solos et collabs, jusqu’à la sortie de ton projet OFF, vendredi 11 décembre ?

Ah oui, ça fait de bien de le voir aboutir. L’année, je l’ai vécue dans le charbon. En préparant la suite. Pendant le premier confinement, je n’étais pas à Paris. Avec mon producteur, on était ensemble, on a pu établir un mood pour un projet futur. Ça m’a permis de ne pas rester bloqué sur OFF, en attendant de sortir les premiers clips. Paradoxalement, c’était l’année parfaite pour travailler de cette façon. Musicalement, moi, cette année, elle me fait du bien. 

Qu’est-ce que tu as voulu fixer de ton identité sur OFF ? 

Ce que je voulais, avec ce projet, c’est mettre mes démons en sourdine. Je voulais me laisser aller dans ce que j’aime, la musique. Je voulais réussir à ne pas me poser de questions. Moi, je suis quelqu’un de très réservé à la base. Je n’étais pas prédestiné à faire de la musique. C’est pour ça que c’est spécial, pour moi c’est vraiment thérapeutique. C’est égoïste, mais à la base, si je fais du son, c’est parce que j’avais besoin d’extérioriser. C’est ce que j’ai voulu retranscrire. 

Du coup, OFF, c’est le projet carnet de bord de cette thérapie ? 

C’est exactement ça la démarche. 

Je fonctionne aux émotions. La création chez moi, c’est une affaire de moments.

On le disait, t’as quand-même un parcours dans la musique, même ça ne fait pas longtemps que tu restes derrière le micro, alors qu’est-ce que tu tentais pour la première fois sur ce projet ?

On était en résidence en Picardie. Mon producteur, Johnny Ola est arrivé un peu plus tard que nous. Moi je grattais un texte. Je tentais des trucs. Quand il est arrivé, il n’avait pas posé ses valises qu’il a lancé autre chose. Moi j’ai sorti un autre flow sur ce que je venais de gratter. C’est le début de OFF. 

En fait, ça prend ou ça prend pas, chez toi il y a un côté instinctif. 

Oui, en musique, je fonctionne beaucoup sur la spontanéité. Je fonctionne aux émotions. Tous les morceaux que je fais sont fabriqués dans le mood où je suis. La création chez moi, c’est une affaire de moments. Je fonctionne beaucoup en toplines aussi. Quand j’entends une prod, il y a un déclic. Je m’éveille. J’arrive à mettre des émotions sur des mélodies, j’accorde les choses. Je fonctionne au premier jet, je reviens rarement sur mon travail. Je trouve ça important.  

Alors, qu’est-ce qui a demandé du temps, dans ton processus créatif ? 

Je suis quelqu’un de très réservé, comme je te le disais. Il a fallu que je digère le fait de vouloir faire du son. De me dire que j’avais quelque chose à explorer. 

Il y a eu un déclic, un événement, qui t’as permis de te rendre compte de cette nécessité ? 

Oui, il y a eu un événement un peu relou dans ma vie. Ça m’a aidé à me rendre compte que la vie est courte et qu’il ne faut pas avoir de limites. Qu’il fallait avancer. 

Et le meilleur espace, c’était la musique ? 

Voilà, c’est l’espace qui m’a été nécessaire. 

Tu vas chercher des choses, des inspirations, artistiquement, en dehors de la musique ?

Honnêtement, c’est que la musique. Je sais que ce n’est pas forcément bon, mais je fonctionne comme ça. De mon réveil au sommeil, c’est la musique. C’est malheureux, mais pour le moment, je ne prends pas le temps de faire autre chose. Parce que justement, il y a cette idée de la spontanéité. À un moment, c’est sûr que ça va s’essouffler. 

Mais oui, mais profite pour le moment, tu auras tout le temps de faire des randonnées plus tard. (rires)

Mais oui c’est ça. Et le but, c’est de m’épuiser, pour arriver au moment du repos, avant de me nourrir d’autres énergies et de repartir sur quelque chose de plus chaud encore. 

Comment tu l’as pensé ce projet ? 

Je l’ai pensé avec les étapes et les émotions que j’avais. 

Oui tu disais que c’était même chronologique. 

Oui ! 

Il faut le jouer dans l’ordre pour comprendre l’histoire alors ? 

C’est plutôt l’inverse. Il faut commencer par 5h54 et Off. C’est comme ça que je vois la façon de l’écouter. 

C’est intéressant ça ! Tiens si tu devais continuer cette méthodologie, tu associes quel moment de la journée à ce projet ? 

Tu te réveilles tôt, tu sors de chez toi, tu mets Obsolète, pour commencer la journée. Quand tu es fatigué dans les transports. Pour les insomniaques, on commence comme je disais avec 5h54 et Off, avant d’envoyer Obsolète. Ensuite les choses se mettent en place. 

Qu’est-ce que tu es satisfait d’avoir accompli avec ce projet ? 

Avoir fait un feat avec Esso. (Luxueux, ndlr) Parce qu’au delà du fait que ça soit un très bon pote à moi, c’est avant tout un rappeur dont je suis fan. Ça paraît con, parce que peu de choses de lui sont sorties. Mais en stud’, il y a tellement de maquettes qui traînent… À chaque fois que j’en écoute une, je me prend une gifle. 

Mince, mais tu vas encore renforcer l’attente autour de lui ! 

Ahaha, mais gros, c’est la vérité. Mais là, t’inquiète.

Il a vu que toi aussi tu y allais, il s’est décidé ? 

Mais carrément, peut-être bien que ça l’a un peu boosté. Mais voilà, ce feat, c’est ma fierté. Avant même de commencer la musique, j’étais fan de lui. Faire un morceau avec lui, sur une prod travaillée par Loubenski ? C’est magnifique. 

Justement, on ne va pas faire la rubrique people, mais être entouré d’artistes accomplis et inspirants, c’est plutôt rassurant, ou ça peut-être une pression ? 

C’est rassurant et bienveillant à la fois.

Est-ce que tu es apaisé ? 

Ah non, pas encore. Quand le projet sera sorti, je le serai un peu plus déjà. 

Ahhh, mais là c’est les jours de stress en plus. 

Mais oui. Tu sais comment je fais pour être serein ? Je fais encore de la musique. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

La première pluie, ça m’évoque la rosée du matin. Quelques lattes avant que l’aube se lève, mamen. 

Un truc entre les insomniaques de 5h54 et les ensommeillés dans le métro d’Obsolète alors !

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Discussion : Arthur Guillaumot