C’est marrant aujourd’hui sortent deux albums qu’on pourrait croire totalement différents. Celui de Gergio, XX5, qui nous parle à nous, qui claque et qui fait plaisir à notre conscience de rap. Et un album posthume, celui d’Alain Bashung, mort il y a presque 10 ans maintenant, que notre génération connaît un peu moins. Le disque s’appelle En Amont. C’est marrant parce que Bashung est l’une des grandes références de Georgio. Hasard de calendrier et vrai signe. Georgio est un Bashung moderne. Compliment ultime. 

On en voit passer ces temps-ci, des albums de personnalités décédées. Il y a Johnny, Maurane. Pour Bashung c’est différent, le temps est passé. Le manque, cruel. La source tarie, l’interprète qui se tait, le poète qui n’est plus là. Ces morceaux avaient été maquettés par Bashung, et faisaient partis d’un ensemble sur une période. Quelque chose d’un recueil de poésie posthume. De notes pour après. 10 ans plus tard. En Amont. 

En Amont, ce sont les morceaux qui ne figuraient pas sur le dernier album publié par Alain Bashung de son vivant, Bleu Pétrole, album mythique. Edith Fambuena qui a réalisé l’album est une proche de Bashung depuis ses plus grands albums, notamment Fantaisies Militaires en 1998. Elle savait où il voulait aller. Où devait aller les morceaux qui restaient là, après la mort de Bashung, comment ils devaient finalement venir à nos oreilles. 

Pourquoi s’en priver en plus ? L’interprétation est égale à elle-même. Sur des textes écrits par quelques uns des meilleurs paroliers de cette époque-là. 

Quelques extraits : 

5/11 Il dit « personne sur terre ne me connaît / Je ne parle pas et j’ai tout donné / Le monde est plein de ronces et ce que je cherchais / Je ne l’ai jamais trouvé ». Sur Les Salines, texte de Raphaël, interprétation de Bashung en mélopée foudroyante sur des guitares andalouses. 

6/11 J’ai mis du vent, j’ai mis du vent sous mon chapeau, / J’ai mis du tango sur ma peau. / J’ai mis du son, j’ai mis du silence et de l’eau / J’ai mis du sens à tous les mots. / Tu vois, ça fait longtemps que je me déguise, / Là-bas, j’ai laissé tomber mes valises / Y’avait des cerfs-volants qui flottaient sur la mer / Au sud de Montevido / Quelques milliers d’amants qui s’embrassaient par terre / Et j’ai failli tomber de haut. J’ai mis du temps pour oublier que je t’aimais trop / J’ai mis du temps à te faire la peau. sur Montevideo, pur poème signé Mickaël Furnon, leader du groupe Mickey 3D, avec une interprétation de Bashung qui donne envie de fuir un amour perdu et pourtant jamais connu. 

On pleure de chiens qui ne vivent pas assez vieux avec Seul le chien, signée Dominique A :   » Seul le chien se souvient, seul le chien vous attend / Dommage qu’il vive si peu de temps » (8/11) On récite la main sur le cœur un hymne de prostituée sur Ma peau va te plaire : « Je suis cette femme dont les hommes ont besoin. Je suis cette femme que le pavé a tuée. Je suis cette femme qui ne promet rien. Je suis cette femme qu’on ne prend pas par la main » (2/11)

Et puis l’album entier, finalement. 

Et voilà la chanson qui porte l’album, single sorti il y a quelques semaines pour dire le retour de Bashung : 

C’est la dernière fois que nous entendrons des inédits de Bashung. Moi je peux vous dire que ce disque me fait quelque chose. Mes parents écoutaient Bashung, alors j’ai piqué Bashung à mes parents, que j’écoute toujours dans ma voiture. Bleu Pétrole claque dans mes oreilles sur la route trop longues des allers-retours vers les soirs d’été. Je vous conseille Bashung. C’est noir, c’est moderne, c’est du spleen pur qui s’élève de cette grand voix. 

L’album En Amont est sorti aujourd’hui, vendredi 23 novembre.

AlainBashung-titres-exclus_1541414726_headline_img


Arthur Guillaumot – Culture Collective