Il faut aider les kurdes ou assumer une lâcheté totale, un parjure définitif. 

Arrêter de vendre des armes à un pays comme la Turquie, une démocratie illustre est en droit d’y songer longtemps avant qu’un pays comme la Turquie mette en oeuvre un plan de génocide établi depuis longtemps. Maintenant il faut faire plus. Peu importe que la Turquie soit un partenaire important. Regarder c’est valider, donc il faut engager un bras de fer avec la Turquie, quitte à prendre le chemin des muscles. Et il faut le faire vite. 

Depuis quand prend-on soin des relation avec un pays où le chef envoie les journalistes faire des directs définitifs du côté des prisons, où l’opposition passe pour une maladie qu’on se doit de condamner ? Où la différence est une offense aux grandeurs immodérées d’un leader qui prend les allures d’un dieu mais qui se baigne tous les jours un peu plus dans la mare de sang, de boue et de larmes qu’il crée. 

Dimanche dernier, un communiqué de la Maison Blanche annonce le retrait des troupes américaines dans le nord de la Syrie. Quelques tweets, menaces et quelques approximations plus tard – Trump aura le temps de faire entendre qu’il ne peut pas soutenir les kurdes puisqu’ils n’étaient en Normandie pendant la Seconde Guerre Mondiale – mercredi arrive et la Turquie frappe les positions kurdes. Nous sommes dimanche, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, 52 civils sont morts depuis le début des offensives, il y a des dizaines de blessés. Plus de 100 000 déplacés. Les médias turcs se félicitent des exécutions sommaires de civils, notamment celle de Hevrin Khalaf, femme politique kurde et de son chauffeur, au bord d’une route. 

L’opération turque s’appelle “Source de paix”, quel comble. Son but est de nettoyer la zone des kurdes pour y installer les réfugiés syriens qui ont gagné la Turquie pendant les guerres des dernières années. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan menace la communauté internationale de laisser les réfugiés se diriger vers l’Europe s’ils s’opposent à lui. Instrumentaliser des réfugiés qui ne souhaitent sans doute que rentrer chez eux après des années de violence, ultime classe.  

Les kurdes ont fait la guerre à daesh, soutenus par la coalition internationale, souvent esseulés au sol, entre les montagnes et les ruines. C’est au prix que l’on paye face à l’horreur qu’ils sont venus à bout des djihadistes. Et ce n’est pas une légende que la place des femmes dans cette victoire. Des milliers de femmes, rangées sous la bannière des Unités de Protection de la Femme, le YPJ. Elles terrorisaient les membres de daesh, qui craignaient de mourir tués par des femmes. 

Pendant leur lutte, les kurdes ont installé là où ils gagnent du terrain, un modèle de fonctionnement unique dans la région, basé sur l’égalité stricte de genre. 

Les positions djihadistes sont anéanties dans la zone syrienne du nord. Les kurdes soufflent après des années de guerre en première ligne. Et voilà que la Turquie entend reprendre ses projets centenaires de violences sur les kurdes. Le discours de son président, qui s’extrèmdroitise allait dans ce sens depuis 2018 et l’arrivée au parlement turc du parti kurde de Turquie. Aujourd’hui, il assume au grand jour une volonté morbide. Il faut une réaction internationale. D’autant que les frappes turques ont pour conséquence de voir s’évader les prisonniers djihadistes détenus par les kurdes. Sur toute la ligne, la Turquie se déshonore définitivement. 

 

Ceux qui sont tués par des tirs turcs aujourd’hui sont ceux qui ont survécu aux tirs de daesh. Et c’est une honte que de les laisser mourir.

 


Arthur Guillaumot

Photo : Delil Souleiman / AFP