C’est un esthète. Entre l’artiste chercheur et le savant qui défriche, avec ses mélodies riches, il a su investir des sonorités, toiles sous le bras, pinceau dans le bec, couleurs sur les doigts, beauté sur les lèvres, bouzouki en bandoulière. Johan Papaconstantino raconte comme un grand poème, des espaces, des failles, des étendues. Artiste total, il revendique le temps long, et l’apprentissage éternel. On a discuté pendant le festival Nancy Jazz Pulsations.

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Bonjour Johan, il y a une tension particulière avec la reprise ? 

Bonjour Arthur, un peu oui. Il faut que les réflexes reviennent. Mais ça va. Ça fait plaisir. En ce moment je passe beaucoup de temps au studio. Ce n’est pas le même rapport à la musique, ça rend un peu fou. Je travaille sur le prochain album. J’essaye de faire un truc bien donc je me prends beaucoup la tête. Mais je pense que c’est pour le mieux. 

Et c’est compliqué de ne pas pouvoir tester des choses sur le public ? 

Oui c’est ça. Je ne peux rien tester en réalité. La reprise est brute, on a pu répéter ces deux derniers jours seulement. Mais il faut composer avec. 

Plus de repères, d’ailleurs, c’est quoi ton hygiène de travail ? 

Je pense que je suis un peu un geek. Donc j’essaye d’apprendre à tout faire moi-même. Geek dans le sens où j’adore apprendre à faire des choses techniques pour ensuite les utiliser dans mon travail. En ce moment j’apprends à mieux jouer de mes instruments. Bouzouki, guitare, batterie. J’ai envie de pouvoir faire de bons solos, pareil pour les rythmes, j’ai envie d’avoir des grooves particuliers parfois. 

Moi je me considère comme un étudiant en musique.

Et de pouvoir répondre toi-même à tes attentes pour y coller le plus près possible ? 

Oui c’est ça. En gros, tout ce qu’il y a dans l’album, c’est moi qui le fait. Je fais tout tout seul. C’était pareil dans le précédent mais à un moindre niveau, j’étais moins exigeant. Je n’avais même pas le temps d’être exigeant d’ailleurs.

Tu es en train de me dire que c’est un album de perfectionniste ? 

Un peu c’est vrai. Je dis ça, mais moi je trouve que les meilleurs sons sont souvent les plus simples. Parfois, faire du simple, c’est plus compliqué. Retrouver la simplicité. Digérer et assimiler tout ce que tu apprends. Là, j’ai fait des formations ingé-son depuis un moment. Je retouche tous les jours au studio. Je ne suis pas encore tout à fait content. Mais c’est parce que je suis persuadé que je pourrai l’être un jour. 

Photo : Lucie WDL pendant le festival Nancy Jazz Pulsations,

C’est arrivé par le passé que tu sois complètement satisfait, un moment de lumière où tu comprends que c’est parfait ? 

Oui, par le passé. J’ai eu des moments, même en peinture, où j’ai ressenti ça. Les dernières toiles que j’ai fait, j’ai passé énormément de temps dessus, genre 8, 9 mois. Au final, il y a un moment où j’ai compris que j’étais content. Pour moi le temps, c’est le truc le plus important. C’est le truc auquel je pense le plus. 

Le temps c’est une esthétique.

Tu t’accordes facilement le luxe du temps, aujourd’hui ? 

C’est un luxe mais c’est surtout primordial. Aujourd’hui tout va très vite. Mais le temps c’est une esthétique. Le temps que tu passes sur un projet fait partie de son esthétique. Si tout le monde passe le même temps sur ses musiques, ça va se ressembler. Moi j’ai fait des musiques en deux secondes que je trouve très bien. Je parle du temps d’assimiler des choses. Quand je galère sur des paroles, j’attends que quelque chose de bien me vienne. Je ne vais pas remplir une ligne pour remplir une ligne. Pour l’instant, avec mon projet un peu bizarre, je peux me permettre de prendre du temps. Je n’ai aucune pression, si ce n’est la légère attente du public. Donc je prends le temps d’être content. 

Et sur ce projet, il y a plein de choses encore que tu découvres et que tu fais pour la première fois, la découverte, ça prend du temps. 

Moi je me considère comme un étudiant en musique. J’étudie les instruments. Pour chaque instrument, j’ai des maîtres, des modèles. J’essaye de prendre ce qu’il y a de mieux partout pour en faire une synthèse. Même si je suis conscient que c’est un travail qui dure toute une vie. Je ne vais pas me réveiller un jour en étant arrivé au bout de cette quête. 

Et ça serait terrible d’ailleurs. 

Oui ! Mais j’ai toujours tendance à vouloir mettre en une pièce toutes mes influences, tout réunir. Souvent, c’est un peu un piège, même si ça peut être réussi. Je travaille. 

C’est compliqué, même pour toi, pour le moment de parler de ton album ? 

J’ai hâte d’en parler de cet album. Il faut que je le termine. Je suis bien avancé, j’approche plutôt de la fin. Les singles approchent. Ils arriveront sans doute avant la fin de l’année. Même si je continue de retoucher des trucs jusqu’à la veille de la sortie. C’est semi-maladif.

C’est un truc d’esthète ça justement. 

Oui, mais je change des détails hein ! Pourtant chaque détail me paraît hyper important. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

Ça m’évoque quelque chose de bon.

Tout de suite je pense à des rizières. 

Je vois la terre qui boit.

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Discussion : Arthur Guillaumot, à Nancy /

Photo de couverture : Jehane Mahmoud, en 2019. Retrouvez son travail sur Instagram /

Contre-jour, le premier ep de Johan Papaconstantino est sorti en 2019.