Les pages qu’il tourne, les portes qu’il ouvre. Kaky explore des continents inconnus, travaille sur des matières inédites. Sur son premier ep, Room 404, il tente, invente, raconte, avec une variété de flows et de sonorités. Page introuvable, page blanche ? Les bruits qu’il emploie, les mots qu’il enrôle. Premier projet, première page. Grande discussion.

Room 404, le premier ep de Kaky, est dispo ici.

Déjà, pour commencer, le projet est sorti depuis quelques semaines maintenant, qu’est-ce que ça fait ? 

Je suis bien content. C’est cool que ça soit sorti, ça faisait longtemps que c’était prêt. Sortir un premier projet, ça se fête, c’est cool. Là, on va pouvoir passer à autre chose. Le seul point négatif, c’est qu’il n’y a pas de scène. C’est un peu bizarre. Mais quand il y en aura à nouveau, ça sera un plaisir de tout défendre sur scène. 

Ce premier ep s’appelle room 404, quel message ça doit renvoyer aux auditeurs ? 

C’est assez personnel, donc il faut le savoir pour comprendre le message. J’ai composé tout l’ep dans ma chambre étudiante. Et c’était la chambre 404 au Crous, à Belleville, à Paris. Je n’avais pas de titre qui s’imposait, alors, le rattacher au lieu de sa création, je trouvais que c’était un petit clin d’œil. Et même avec la pochette. 

Ah, bah j’ai bien fait de te poser cette question, que je ne pose pas d’habitude, parce que moi j’y voyais l’erreur 404, qui s’affiche, quand on tente un truc qui n’aboutit pas.

C’est aussi l’idée, je voulais semer le doute, et tant mieux si ça prend. Mais oui, c’est l’idée que l’ep est riche en idées, en styles, en textes, je voulais un truc qui déboussole. Pourquoi il arrive comme ça avec ça ? C’était une invitation à passer la porte de la room 404. 

Je me suis un peu jeté dans le vide.

Qu’est-ce qu’il a fallu que tu oses faire, ou que tu t’avoues, pour aller au bout de cet ep ?

Il y a eu beaucoup d’étapes. C’est vrai que j’ai arrêté la fac il y a un an. C’est un challenge. Je me suis un peu jeté dans le vide. J’ai du rendre mon appartement, j’ai dû vivre chez des potes et chez ma copine. J’ai voulu y croire un max. Il y a eu plein de rebondissements, avec les confinements et tout ça, alors que j’étais en pleine phase de recherche de partenaires. Il y a eu plein de trucs. Mon entourage m’a beaucoup aidé à surmonter tout ça. Les clips, par exemple, ça me permet de me détacher de la musique, pour toucher à d’autres choses que j’aime aussi faire, et qui sont peut-être plus concrètes. La musique, au début, j’avais du mal avec l’idée de faire des titres et qu’ils puissent sortir dans un, ou deux ans. C’est toujours bizarre, parce qu’on écrit des chansons en rapport avec des moments précis. Alors quand ça sort longtemps après, il faut se le réapproprier. C’est un tout en fait. J’ai même dû m’habituer à recevoir de l’amour dans les retours que me font les gens. 

Tu portes à nouveau des vieux vêtements que tu aimais… C’est comme un point d’étape pour savoir qui tu étais à ce moment-là. 

Oui, c’est ça. Maintenant que les morceaux sont sortis, ils ont une autre couleur. Je vois les choses différemment. Je crois même qu’ils ne m’appartiennent plus une fois qu’ils sont sortis, parce que les gens se les approprient très bien. C’est peut-être sur scène, avec le contact, qu’on peut faire une communion. 

Tu vois, le titre Voyage de nuit, qui m’a bouleversé quand je l’ai fait. Je l’ai écouté des centaines de fois. Je l’ai fait en avril du premier confinement. À l’époque je l’écoutais en boucle, mais maintenant, il ne me fait plus le même effet. Mais, je sais qu’il y a des gens qui sont en train de le découvrir. 

Je me dis que ces morceaux font partie de moi. Faire des morceaux, c’est une façon de tourner des pages. D’ailleurs, il y a des choses qui prennent du sens maintenant, aussi. 

Faire des morceaux, c’est une façon de tourner des pages.

J’aime bien, la notion de page revient souvent chez toi. Entre la page qu’on tourne et la page introuvable sur le web. D’ailleurs, après un an, le résultat de la prise de risque, ça aurait pu être un gros erreur 404, retour à la case départ. 

Même moi, quand je faisais les sons, je ne pensais pas du tout que ça allait sortir comme ça. Mes premiers morceaux, c’était pour kiffer. Les lundis matins, la tête pleine… C’est la sincérité absolue. Je ne pensais pas que ça allait sortir dans d’aussi bonnes conditions, avec des clips, de la promo et du soutien. 

Surtout pour un premier projet.

Mais oui ! Surtout que c’est vraiment mes premiers sons. J’ai fait beaucoup de musique avant, mais sans créer. 

De quoi tu as eu besoin d’être sûr avant de sortir le projet, avant de commencer à créer donc ?

Très vite, je me suis dit “ok, c’est mon premier projet. J’ai fait des sons que j’ai trop aimé faire et qui sont trop importants pour moi, alors j’y vais.” Pour beaucoup de gens, la musique c’est un mirage, alors que moi, c’est ce qui me passionne. C’était important que les gens puissent comprendre ça. Si je revois toujours mon propos, au final je ne sors rien. Donc il a fallu que je trouve l’équilibre. C’est ce que j’essaie de transmettre dans des morceaux comme C’est pas la peine.

Les morceaux étaient définis par l’agencement de la saison 1 des Kakysounds. C’était prêt depuis un moment. Là, c’est cool, on ferme une page. Les gens attendaient les versions longues depuis des mois, alors je suis allé au bout des titres. Ça m’a pris du temps, je me suis donné du mal, mais je suis content. 

C’est ce qui est important quand on fait un premier projet. On se débarrasse des symboles. 

C’est exactement ça. 

Je ne voulais pas arriver, avec un premier projet, et qu’on me colle tout de suite une étiquette.

Qu’est-ce que tu avais à cœur de faire apparaître sur Room 404 ? Je pense aux textes, mais comme tu emploies les bruits, on peut aller de ce côté là-aussi. 

Déjà, je voulais composer tous les titres. L’harmonie musicale derrière, j’insiste vraiment là-dessus. À certains moments, j’aurais pu passer la main, mais j’ai réussi à me faire confiance. Parce que tout au long du travail d’un projet comme celui-là, tu rencontres des gens, dont certains sont très expérimentés. Il faut se faire confiance, c’est ça notre art, c’est de livrer ce qu’on ressent. C’était très important pour moi. 

Pour ce qui est des textes, je ne voulais pas écrire pour ne rien dire. Il fallait que je dise des choses utiles. Qu’on reparte avec quelque chose après l’écoute. L’idée, c’était d’employer des mots justes, pour arriver à la frontière du poème. 

Je sais que j’utilise beaucoup les notions de rêve et de cauchemar. La nature et la lumière, le sable et la mer. J’aime imager les choses par des sensations, des mots. C’est ma patte dans le texte. 

Et il en ressort une forte dualité, ne serait-ce qu’entre les symboliques du Lundi matin et du Voyage de nuit. Est-ce que tu as eu à concilier des identités en toi ? Parce qu’on sent que ta palette est large, dans les sonorités. 

Je n’ai même pas fait attention. Les titres sont sortis comme ça, parce que ça fait partie de moi. J’adore chanter. Je pense que je suis plus un chanteur qu’autre chose. Pour le prochain projet, ça se verra. Tu vois, le rap, j’ai découvert ça très tard. Je m’y suis attaché, parce que je découvrais qu’on pouvait dire des choses impactantes dans un texte. Je trouvais que ça avait du sens, avec le storytelling de Lundi matin, où je suis un type qui raconte son lundi matin dans le métro. Musicalement, je me suis senti à l’aise comme ça. Parce que c’est une partie de moi. Et puis, dans la vie, je ne suis pas quelqu’un de sombre, je veux qu’on ressente une multitude de facettes. Ne surtout pas me restreindre. Ce qui doit rendre le projet cohérent, c’est ma voix, la façon dont je raconte les choses, les structures, et même les prods. Mais je ne voulais pas arriver, avec un premier projet, et qu’on me pose une étiquette.

C’est vrai que ça peut déboussoler, mais moi ça m’a aidé à me comprendre musicalement. Je pense que ça ouvre des portes. 

Oui, et puis si dès le premier projet, tu rentres des mécaniques définitives, c’est triste, surtout pour toi. 

Oui c’est ça ! Et puis, nous, quand on compose, forcément, on rentre des recettes. Alors que là on ne se donne aucune règle. Pour moi c’est un mini album, même si c’est un ep parce que c’était plus intéressant de le présenter comme ça. J’aime trop le format album et toutes les possibilités qu’il permet d’envisager pour poser ce terme tout de suite. C’est une première passe, une première page, je fais un point sur mon potentiel, pour montrer ce que je sais faire, ce que je peux raconter. Je suis sûr qu’il y a des gens qui adorent Lundi matin et qui détestent Voyage de nuit. Si ça peut permettre de concilier des horizons différents, je suis ravi. 

La seconde partie de cette discussion sera disponible mercredi 21 avril sur le site. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

Pour moi, c’est le premier chagrin. C’est un peu triste. La première fois où tu tombes, et après tu te relèves. Tu vois la pluie qui tombe et tu comprends ce que c’est de perdre, d’avoir échoué. Ensuite la pluie s’arrête et tu recommences.

à suivre…

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Arthur Guillaumot

Photo de Une : Lara Chochon.

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