Illustration par Marvin Gomis

Chaque année passée sur cette planète semble nous crier aux oreilles une mise en garde que l’on ne veut pas entendre : la crise climatique est déjà là, la situation est critique et il faut agir maintenant, si l’on veut avoir une chance de pouvoir inverser la tendance. L’été dernier avait encore été le témoin d’une vague d’incendies particulièrement destructeurs sur toute la planète : L’Australie, la forêt Amazonienne, la forêt du bassin du Congo, la Sibérie… Ces événements sont saisonniers et sont censés arriver tous les ans, mais leur fréquence et leur ampleur ne cesse d’augmenter. Les écosystèmes ont du mal à se régénérer dans ces conditions qui rendent leur subsistance bien plus compliquée, ce qui ne devrait pas aller en s’arrangeant. Retour sur la situation actuelle en Sibérie, les conséquences directes de cette vague de chaleur et les prédictions que l’on peut faire sur l’avenir de ces calamités.

Après avoir déjà connu une vague de chaleur et des incendies sans précédents l’été dernier, la Sibérie vient de passer son hiver le plus doux : Une moyenne de température jusqu’à près de 8°C au dessus des normales de saison et certains pics jusqu’à 20°C de plus que celles-ci. Les sols et la végétation peuplant les lieux ont dû commencer une saison estivale aux températures record en étant particulièrement secs et facilitateurs des départs de feux. Près de 19 millions d’hectares partaient en fumée là bas l’année dernière, et cette année pourrait bien être record, ou du moins semblable : déjà 7,4 millions d’hectares y ont brûlé.

Le 22 juin dernier, 38°C ont été mesurés à Verkhoïansk, l’un des lieux les plus froids de la planète où il est censé faire proche des 20°C habituellement à cette période. Cet événement est tout à fait remarquable, le météorologue de CBS Jeff Berardelli rappelait dans un tweet très relayés que de telles températures là bas étaient prévues pour 2100, et qu’elles avaient donc 80 ans d’avance sur ces prédictions.

 

Si des pics de températures record sur une année et à un endroit donné n’expriment pas forcément une tendance, ils viennent dans ce cas présent s’ajouter à toute une foule d’irrégularités climatique. Elles nous montrent que la hausse des températures s’accélère, et ce phénomène sera porté à l’avenir par de nombreuses boucles rétroactives.

Ici, les boucles rétroactives dont nous parlons sont par exemple le fait que les températures en hausse vont faire fondre toujours plus vite le permafrost (ou pergélisol), sol gelé présent dans l’hémisphère nord. Il contient malheureusement d’énormes réserves de CO2 et de Méthane, et elles vont à leur tour accélérer la hausse des températures, qui va accélérer la fonte du permafrost, et ainsi de suite. Une boucle rétroactive est donc engagée, et elle n’est pas la seule à sévir du coté de nos pôles. La glace qui fond par la hausse des températures ne va plus pouvoir refléter les rayons du soleil, qui seront absorbés directement par l’eau dont la température grimpera plus vite, tout comme celle de l’atmosphère, ce qui fera fondre encore plus la glace et ainsi de suite.

Ce genre de scénarios dont nous avons connaissance ne nous alerte pas assez sur l’importance de prendre un vrai virage dans nos manière de vivre et de penser la croissance. De nouvelles problématiques naissent, de nouvelles contraintes touchent de nouvelles tranches de population. Certaines villes dans l’hémisphère nord sont petit à petit désertées : elles sont construites sur ce permafrost qui fond et change d’état, les habitations peuvent donc vite être détériorées par l’humidité et les effondrements sont de plus en plus nombreux, sur ces fondations instables.

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Bâtiments du patrimoine de Goldrush à Dawson City, Territoire du Yukon, Canada, avec des fondations sur la fonte du pergélisol qui en font des bâtiments inclinables / Shutterstock.com

Les virus encore inconnus par l’homme que ce permafrost contient depuis des millénaires sont eux aussi préoccupants. En 2016, le virus du Charbon (qui touche principalement les vaches ou ici les Rennes) a refait son apparition dans la péninsule du Yamal, dans le Grand Nord Russe. Après avoir disparu plus de 75 ans, c’est bien grâce au dégel du permafrost dans la région qu’il a pu faire son retour, il y était conservé.. Alors que certaines grandes multinationale se préparent à investir ces terres pour y implanter des forages de pétrole – car oui, le permafrost en contient aussi beaucoup -, on peut se demander si il ne serait pas mieux de faire une croix sur cette possibilité de se remplir les poches, et peut être éviter une nouvelle épidémie mondiale ?

En ce qui concerne la Sibérie, la Russie fait preuve d’une inaction regrettable vis à vis des incendies qui la ravagent l’été, notamment l’année dernière. Le pays est gigantesque mais la densité de population y est très faible. Les départs de feu ne sont donc pas toujours localisés rapidement et lorsqu’ils le sont par satellites dans des régions reculées, ils sont parfois ignorés. Les temps de trajet pour les atteindre rendent les actions pour les endiguer très coûteuses et compliquées à réaliser. Elles sont cela dit parfois obligatoires, quand les parcelles gigantesques de terres brûlées s’approchent des grandes villes et avec elles leurs nuages de fumée suffocants. Des habitations et certaines villes sont parfois laissées à l’abandon avant de partir en cendre, lorsque l’on ne peut rien faire. Pourtant malgré cela, la Russie entreprend ces dernières années une exploitation plus soutenue des forêts, et favorise donc plus encore les incendies qui lui donnent tant de problèmes sur son territoire.

Une augmentation de la température terrestre de 2°C, s’en est une de 4°C aux pôles, qui se révèlent être bien plus touchés par le réchauffement climatique.

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Anomalie de la température moyenne annuelle de l’air, en surface, par rapport à la normale de référence : température moyenne en France (l’indicateur est constitué de la moyenne des températures de 30 stations météorologiques. Le zéro correspond à la moyenne de l’indicateur sur la période 1961-1990, soit 11,8 °C).

On remarque ici une nette accélération de la hausse des températures depuis les années 90. Cette hausse se fait à hauteur de 0,17°C par décennie depuis 1970. Nous sommes encore loin de pouvoir prétendre à respecter les accords de la COP 21, qui donnaient pour objectif de limiter la hausse des températures à +2°C d’ici à 2100.

Ces données doivent nous alerter sur le caractère urgent de la situation. Cyclones, sécheresses, vagues de chaleur, chute des rendements agricoles, extinction d’espèces, montée du niveau des mers, migrations massives, guerres de l’eau, maladies… la fréquence et l’ampleur de ces calamités augmentera de manière exponentielle au fur et à mesure que les températures grimperont. Elles doivent nous rappeler qu’un changement doit être amorcé, un changement peut-être entrevu dimanche dernier d’ailleurs, alors que les Verts ont vécu une journée historique en s’imposant dans de nombreuses grandes villes Française. Une première. Le début du Monde d’Après ?

En attendant, la Sibérie est en proie aux flammes et il en sera de même pour les années à venir. On estime tout de même que près de 90% des départs d’incendies sont causés par l’homme involontairement ou non (débroussaillage d’herbes sèches…), mais les plus destructeurs restent ceux déclenchés loin de toute habitation, par cette végétation anormalement sèche sous ce soleil anormalement brûlant. Ces forêts de pins ou de boulots peuvent mettre jusqu’à 100 ans à se régénérer à ces latitudes.


Romain Bouvier

Illustration par Marvin Gomis