Ce vendredi 18 janvier à minuit éclot un œuf, couvé sous l’un des popotins les plus prometteurs du rap français. Ce popotin c’est celui de Prince Waly, cet œuf c’est son tout nouveau projet : BO Y Z, sa deuxième entreprise solo, la quatrième si on compte les deux albums produits par le tandem Big Budha Cheez dont il fait partie.

« Avec le temps on se bonifie », c’est l’une des phases envoyées comme un boulet de canon et complètement taillée pour lui qu’on peut trouver sur Marsellus Wallace, premier son de cet EP de 9 titres. Prince Waly, c’est un nom qu’on connait bien quand on est initié, puisqu’en effet jusqu’ici le maire de Montreuil comme on le surnomme était moins grand public : effluves de nineties à plein régime, flow méga old school et storytelling efficace. 

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Sur ce projet ça reste à peu près la même copie mais on ne sait pourquoi, il y a un truc qui fait que ça va marcher fort. Premier gage de qualité : Un feat avec Alpha Wann, qui en un projet solo s’est positionné comme l’un des papas du rap français (le feat est lourd). Deuxième gage de qualité : Un feat avec Feu! Chatterton, mon associé vous en parle un peu plus bas dans cet article. Autre gage de qualité : Les rappeurs que vous écoutez qui ont relayé la sortie du projet en masse (Caba et JeanJass, Lomepal, Kendrick Lamar, etc).

Dans l’ensemble l’écriture est solide, le flow varié et atypique et les prods bien travaillées, l’EP complet a une vraie cohérence d’ensemble, on sent que c’est sincère, et qu’il y a du temps passé dessus. Dans Marsellus Wallace on est sur quelque chose d’assez sombre, ce qui est confirmé par le clip qui va avec, et qui par ailleurs est une perf de haute voltige, on vous le met juste là :

 

Voilà qui atteste de l’étalage cinématographique des tiroirs du Prince, entre références à Pulp Fiction ou encore à Paid in Full, le film préféré du rappeur, on a aussi des choix scénaristiques intéressants et audacieux.

On a d’autres sons qui à chaque fois abordent des thématiques différentes : BO Y Z avec Feu! Chatterton pour la mélancolie, Ma Chaussure pour son amour inconditionnel des chaussures, ou encore Girl (feat Enchantée Julia) pour la chanson d’amour <3. En parlant d’Enchantée Julia, je vous mets ici le clip issu de leur précédente collaboration : Il est très drôle pour son coté kitch bien maîtrisé en plus d’être beau, attestant de la capacité du Prince à toucher dans le mille.

 

Bref, un projet convaincant pour confirmer et avec lequel il devrait se faire plus connaitre du grand public, même si j’avoue pour Kendrick Lamar c’était pas tellement vrai, il n’en a pas parlé et ne le fera sûrement pas, dommage. 


Romain Bouvier

 

9/9 BO Y Z feat Feu! Chatterton

Le rap est un lieu de rencontre, un immense carrefour de toutes les cultures, de toutes les musiques. Et qu’il est beau, le rap, quand il se défait du crade effet de caste qu’il sait malheureusement parfois reproduire.

Ici, dans ce projet de Prince Waly je veux attirer votre attention sur la dernière piste, BO Y Z, en collaboration avec Feu! Chatterton. C’est la parfaite illustration de ce que je disais au début, le rap comme un mélange archi subtil, de doses justes. Ici, nous avons Prince Waly, rappeur, excellent, qui sait dédoubler son style comme le prouve ce projet, intitulé comme le titre dont nous allons parler ici, BO Y Z.

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Dans cette chanson, il est question d’ouverture, de réinvention, de liberté, de codes. Le rap, on le sait, a un temps de retard sur quelques sujets. Ici, écoutez l’intelligence et la justesse de Waly qui déclame ceci : « J’suis différent, sans virilité à la rue, j’ai jamais juré fidélité

« On devrait casser les codes et laisser nos gamins s’épanouir »

S’évanouir dans le monde comme se lancer dans le vide et ne pas mourir » et quelques phrases plus loin : « C’est jour de célébration, je suis dev’nu un homme et les garçons me plaisent ». C’est très fort, c’est beau.

Ici, Le Prince raconte aussi des plaies, une chanson comme pour livrer des trucs, des plaies, celles de milliers de gens, ou les siennes, tout se mêle :  « La nuit, je cours chez un dealer devenu ma nouvelle famille, maman se drogue / Papa est parti, sûrement acheter des clopes, son meilleur ami vend du crack / Et de sa drogue, allez croque, fuck / Surnommée « Blue » à cause de sa couleur, mon nom c’est Black, rose est la douleur »

Et Arthur Teboul, voix troublante comme toujours : « Ivre, j’y étais presque, j’ai remis mon courage à demain

Une nuit de plus à songer à être hors du commun (BO Y Z)

Dis-moi quand est-c’qu’on sera libre et s’arracher à soi-même »

Grande réussite, ode sublime, manifeste générationnel, l’air de rien, ce son est un peu tout ça, et c’est fort.

Un projet solide et éloquent

Un projet qui témoigne de la large palette du Prince, capable de sons qui m’interpellent beaucoup moins (YZ 2/9, Smoke 4/9), comme de vraies d’inventions (Ma chaussure 5/9, Doggy bag 7/9), d’exercices de styles (Plan 6/9, Girl 7/9) et de ce sublime manifeste (BO Y Z 9/9). S’il délaisse parfois le rap qui touche aux classiques des rythmes et du style, pour céder à des tendances à mon sens moins élégantes, et à des thèmes vus et revus, l’ensemble est très solide et très éloquent.

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Et surtout, il doit sûrement être lu avec deux grilles de compréhension :

BO Y Z est la suite de Junior, effectivement, Prince Waly ne fait clairement pas la même chose une deuxième fois. On peut trouver qu’il cède du terrain, on peut juger qu’il se réinvente, peut-être un peu des deux. Une chose est sure, l’homme Waly est grand, et prince, il créé le lieu de rencontre d’une clique d’invités pour ce projet, un cocktail qui mettra tout le monde d’accord, avec notamment Alpha Wann ou Arthur Teboul de Feu! Chatterton, ces deux derniers étant de vrais labels, rares en featuring.


Arthur Guillaumot