Miel de Montagne n’est ni tout à fait un ours ni tout à fait une abeille. Chez lui la mélancolie est une matière mélodique enivrante et la poésie un sport de gentleman skateur. Dompteur de foules, s’il rêve de faire un zénith, il semble à l’aise en toute situation, si le miel est local et que les catastrophes sont charmantes. On a discuté avec cet apiculteur sincère. 

Miel de Montagne, porter un nom poétique, c’est facile tous les jours ?

J’aime bien que les gens m’appellent Miel. J’ai vraiment choisi ce nom. Je me projetais déjà à long terme. Je savais que ça n’était pas une passade de deux ans. 

Tu vas faire ça jusqu’à quand du coup ?

Jusqu’à ma mort. Ça peut changer mais temps que ça ride je suis sur le skate. 

C’est ta façon de voir ta pratique, si ça glisse, si c’est spontané, on y va ?

Je le vis instinctivement. Quand je fais un morceau, c’est une photo d’un moment. C’est bien parce que mes albums ressemblent à des périodes et sont différents. Ma musique évolue en même temps que moi. Parce que je pense que je le fais spontanément. 

Tu prends conscience de qui tu étais, quand tu réécoutes des morceaux passés ? 

Même sur le moment, je peux avoir assez de recul. Je ne comprends pas forcément, mais ça m’aide à être plus observateur. Je sais quand j’ai besoin de faire de la musique. C’est des phases où je suis très observateur, et ça me fait du bien. 

“Faire un zénith, c’est mon life goal.”

Alors il y a un équilibre à trouver entre la spontanéité et la dimension studieuse de la démarche. 

Oui ! Justement, j’ai vu un documentaire sur Souchon là. Un mec parlait de cet état altéré, quand on fait de la musique, et c’est vrai que ça ressemble à un trip, un autre état de la vie. C’est ce que je préfère. Mais il y a un moment où il faut revenir, redescendre. Tu réécoutes ce que tu as fait. Le moment studieux est là. J’ai plus de mal avec ça. Parfois c’est compliqué de finir les morceaux. 

Tu sais reconnaître ces moments et comment les déclencher ? 

J’ai juste besoin d’avoir un piano sous les yeux et c’est parti. C’est comme quand tu joues aux jeux-vidéos. Ton cerveau se concentre. Si je peux comparer ça à quelque chose, ça ressemble au moment où tu fais vraiment l’amour avec quelqu’un. C’est exactement le même sentiment pour moi quand je fais de la musique tout seul dans un studio. Je me laisse embarquer. 

C’est dur de recréer cet état là sur scène ? 

Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas totalement. C’est comme quand tu as des idées dans la vie, ça ne sert à rien de forcer les choses. C’est sur qu’on fait des morceaux dans une émotion particulière, qui demande qu’on se remette dedans sur scène. J’ai ajouté le chant en dernier dans ma musique, donc je continue de découvrir ces enjeux là, de remettre de l’émotion dans la voix pour chanter correctement. J’ai découvert ça il y a 6 mois. 

Ça se matérialise comment d’ailleurs cette période où la voix arrive effectivement à ce point dans le projet ? 

Bah écoute, j’apprends tout simplement. J’écoute les conseils de mes amis chanteurs. J’ai longtemps pensé que la voix était un instrument. Mais non en fait la voix c’est la voix. Je viens d’ouvrir une porte avec des millions de chemins, une porte qui était close jusqu’à maintenant. C’est pour ça que je te disais que si je peux faire ça toute ma vie c’est cool parce que je viens d’ouvrir encore une nouvelle porte. Ça peut aller très loin. 

Est-ce que ce genre de phase, ça te remet dans un état de naïveté et de première fois, de découverte pure ?

C’est un renouvellement permanent. Même quand tu fixes tes morceaux sur disque, sur scène ils sont en perpétuelles évolutions. Avec les musiciens on joue tout le temps d’une façon différente et il y a une place pour l’improvisation. C’est ce que je préfère dans la musique. Donc oui, on repart tout le temps un peu à 0. Les sons varient parfois à des détails près. 

“J’ai prévu de vivre jusqu’à 100 ans.”

Peut-être que la voix et la façon de poser se démode plus rapidement que la musique en elle-même, non ?  

Sur le premier album, j’ai fait des lignes de chant qui me semblaient délicates au moment de leur création, mais qui me paraissent évidentes maintenant. Mais maintenant que j’y parviens facilement, je n’y aurai jamais pensé. C’est comme si j’avais anticipé le futur. J’ai la spontanéité longue durée. Ça tombe bien puisque j’ai prévu de vivre jusqu’à 100 ans. 

Qu’est-ce que tu essaies de créer quand tu commences à travailler sur une nouvelle chanson. 

Je pense toujours au live. En allant voir des concerts, en écoutant de la musique, j’essaie de reproduire des trucs, mais n’y arrive jamais. Ça donne ma musique. (rires) Souvent ça part d’une excitation. Comme dans la vie, quand on rencontre des gens et qu’on a envie de tout le temps les capter, ou qu’on a un nouvel habit cool. 

Qu’est-ce que tu n’as pas réussi à faire et qui t’obsède ? 

Faire un zénith. C’est mon life goal. Pour de vrai. C’est pourri parce que si jamais j’en fais un je pense que ça ne m’atteindra pas tellement que ça. Je serai en mode “cool”. Mais je serai pas plus heureux que tous les autres soirs de scène. Je penserai sans doute au stade de France. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

Je trouve ça bien et sain. Quand la terre brûle, c’est un nom rassurant. Je suis un enfant du soleil, donc la pluie n’est pas mon amie de base, à cause de mes pompes trouées du skate. Qui dit pluie dit malade, dit miel, dit concert annulé, dit tristesse. J’avoue que la pluie et le vent si je peux m’en passer… Donc je pense que je vais bien vivre la fin du monde du coup. Pour de vrai, les premières pluies d’automne mettent un vrai coup au moral, on ne se sent jamais aussi nostalgique que pour les premières pluies de septembre. Tu n’as jamais été aussi loin de l’été, alors que c’est encore un peu l’été. Le sentiment est déchirant mais très romantique. 

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Interview réalisée le 20 octobre 2022, aux Trinitaires à Metz par Arthur Guillaumot // Photos : Juliette Valero

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