« Boris Bergmann est un prodige. »

Voilà. Romancier prodige, jeune prodige, comme on dit. On dirait une phrase toute faite. Elle a été mâchée et dégueulée 400 fois cette phrase.

« Alors ça sert à rien de la resservir mec » 

Oui, mais en fait, elle a sûrement été inventée pour habiller le parcours de Boris Bergmann. Comme le prix de Flore des lycéens a été inventé pour récompenser son 1er roman Viens là que je te tue ma belle, il y a un peu plus de 10 ans.

Boris Bergmann a été un phénomène littéraire, du fait de son jeune âge, de son côté provocateur, et putain, de son talent. 

En 4 romans, et 10 ans, Boris Bergmann s’est toujours réinventé. Ceux qui avaient été hermétiques à la grâce rock et transpirante de vie de Viens là que je te tue ma belle, devraient lire ses romans suivants pour comprendre l’exercice de style. 

Il y aura eu 1000 mensonges, en 2010. L’histoire de Mytho, un fuyard en rédemption et en redécouverte, roman bourré de références. 

En 2016, Déserteur, un jeune hackeur qui cherche son camp en réinventant ne direct la guerre, comme un pantin désabusé, mais génial. 

Nage Libre 

Et puis Nage Libre. Il est paru en libraires le 3 janvier, je l’ai acheté aussitôt et lu dans la foulée, aussi vite que possible, c’est à dire en cours. 

Nage Libre est un sacré roman. L’histoire de 2 jeunes, Issa et Élie qui viennent de rater le bac dans une zone où les grattes ciel font des doigts d’honneur à la beauté architecturale. Perdus, au milieu des squares sans horizons et des tours dans reflets, ils se jettent à l’eau et leurs errance aquatique devient le violent flot de toutes les paroles pas dites. Nage libre est une eau claire, d’un bleu profond, qui prend parfois les allures de la tempête. 

Je vous le dis net, c’est le meilleur roman paru cette année que j’ai lu. C’est l’Ondine d’Aloysius Bertrand qui salue le vieil océan de Lautréamont, dans ce grand bassin qu’on appelle la vie. 

Voilà commence le livre, c’est immédiatement saisissant : 

« D’un regard il peut faire l’inventaire de sa vie : son lit défait et chétif, ses tee-shirts, son maillot du PSG, quelques livres déchirés qu’il a fallu acheter car ils étaient au programme, un ordinateur qui offre le monde, un portable pour s’en défaire, une lampe qui marche, une lampe qui ne marche pas, un déodorant siglé d’une marque de sport, des paquets de gâteaux en guise de présence alliées. C’est tout. Issa vit léger. De toute façon, il n’a pas la place pour plus, le peu déborde déjà. Issa vit à ras bord. »

Un autre extrait : 

« Issa n’a pas les mots. Il aimerait répondre à sa mère, contrer cette logique mortifère, ce choix imposé : violence de l’inadaptation ou adaptation à la violence. Mais il se sait démuni, désarmé. Il n’a pas les mots, encore moins les arguments. Tout ce qu’il possède – possession secrète, rien qu’à lui -, ce sont ses sensations. » page 109

Nage Libre de Boris Bergmann est paru le 3 janvier 2018 aux éditions Calmann Lévy et il vaut 18,90€


Vous pouvez également retrouver les nouvelles de Boris Bergmann dans Les Poètes Bodybuildés, 7 nouvelles en 7 éditions, un homme fidèle. On vous parlera de la prochaine publication des Poètes Bodybuildés. Il y aura Boris Bergmann. Vous pouvez vous procurer les précédents épisodes ici :

https://collectifpoule.bigcartel.com/product/fanzine-les-poetes-bodybuildes-7


Arthur Guillaumot – Culture Collective