Des risques et de la malice, c’est la recette. Comme toujours depuis le début, Nusky se balade dans les sonorités, se détaille dans les lignes secrètes et prend toujours un malin plaisir. Avec Nusky le clown, il dessine les contours d’une musique exigeante et en couleur. La transgression est une malice, et les révolutions sont des réinventions. Nusky interroge ce que l’intime a d’universel.

Vous pouvez écouter ici Nusky le clown paru le 22 octobre.

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Est-ce qu’il y a pas une part de défi, au moment de créer puis de diffuser un projet comme Nusky le clown, avec une part importante sur le personnage ? 

Oui, c’est juste, il y a une part de défi. Mais pour moi, à partir du moment où on fait de la musique, avec la démarche de la montrer à un public, c’est du défi. La prise de risque est musicale, le reste c’est du packaging. 

Justement, en parlant de risques, de quoi le projet Nusky le clown est-il la première fois ? 

C’est la première fois que je fais un album où il y a presque que du rap. Presque. Parce que d’habitude, j’étais un peu plus éclectique que ça. Je n’ai mis qu’un son pop dedans, le reste, à mon sens, c’est du rap. En revanche, je ne sais pas si les gens vont le voir comme ça. 

La prise de risque est musicale, le reste c’est du packaging. 

Ce qui est cool c’est que les choses évoluent, aujourd’hui, on se moque un peu plus des étiquettes non ? 

J’espère. Ça nous a bien niqué, ces histoires d’étiquettes. 

Surtout pour un mec comme toi qui évolue sur les crêtes, qui se balade. 

Ah ouais, j’aime bien ton idée, j’ai l’image, comme un loup. 

Ou même un contrebandier. Tiens, le contrebandier Nusky, il insinue quoi avec le personnage de Nusky le clown ? 

Oh, il insinue que tout ça c’est un grand cirque. Faire de la musique, faire de l’oseille avec son âme. Faire des concessions, des contrats, des accords, tout ça, c’est la même chose, c’est un cirque. (Rires) 

L’idée, c’est que si tout ça est un cirque, alors je suis un clown.

Et se maquiller, soi-même, grossièrement parfois ? 

Oui oui, tout à fait. L’idée, c’est que si tout ça est un cirque, alors je suis un clown. 

Depuis le début, je me dis que tu captes très bien l’usage des mots, mais pour toi, c’est un sens ou une science ? 

C’est une science de l’à peu près, une science du feeling. Ce n’est pas du tout une science, dans le sens où je ne suis pas du tout le genre de mec qui va avoir un cahier de rimes. Ne serait-ce qu’imaginer regarder un dictionnaire de synonymes quand j’écris, ça me donne des frissons. Mais par contre, je mets un point d’honneur à organiser les mots et les phrases comme je les entends dans ma tête. C’est comme je le ressens. Après, moi je travaille avec plein de gens, qui ont plein d’idées, donc je leur demande d’approfondir, je garde ce qui m’intéresse. Mon rôle c’est d’être le liant, et de l’exprimer comme mon cerveau a envie de l’exprimer. 

Là, c’est Nusky le clown, mais ça pourrait être Nusky le vampire.

D’ailleurs, collaborer, depuis le début, avec des gens qui viennent d’horizons très différents, c’est une façon de te nourrir ? 

Ah mais oui, je suis un peu un vampire. Là, c’est Nusky le clown, mais ça pourrait être Nusky le vampire. Je puise dans mes proches et mes collaborateurs, leur énergie, leur force. C’est clair que c’est comme si je buvais leur sang, même si les échanges sont équitables. 

En parlant d’inspiration, est-ce que tu es fidèle à ton inspi du début, ou alors est-ce que tu retouches beaucoup ? 

Ah, ça, c’est toujours la grande question, quand tu as fini un morceau, mais que six mois plus tard tu as l’impression de pouvoir faire mieux, avec une meilleure phase. Je suis de nature assez impatiente par rapport à la musique. J’ai tendance à avoir envie de passer à autre chose quand je viens de terminer un morceau. Les gens avec qui je travaille m’ont fait comprendre, à raison souvent, que je pouvais prendre un peu plus mon temps. Je me “force” à faire des maquettes, à écouter, à patienter. Avant, j’étais plus dans un délire de 1 nuit = 1 son et on avance, et on ne retouche pas. 

Je trouve toujours que mon meilleur son, c’est le dernier.

Pour avoir tout de suite le retour du public ? 

Oui, il y a de ça bien sûr. Après tu vois, moi, je trouve toujours que mon meilleur son, c’est le dernier. Le paradoxe. Les meilleurs, c’est les derniers, mais les anciens ont été les meilleurs à un moment, donc il fallait quand-même les sortir. 

D’ailleurs, tu as déjà eu envie “d’annuler” un son, en le retirant des plateformes, parce que tu ne l’assumais plus ? 

Hm, bonne question. Nan. Jamais. Il y a des sons à l’ancienne, que “je n’assume pas” parce que je ne suis pas fier de mon texte. Mais je m’en bats les steacks, parce que ça fait partie de mon histoire. Je ne suis pas du genre à enlever les trucs, pour moi, ça raconte juste un grand panel. Si ça se trouve, un mec fou préfère ce son là. 

Pour moi, à partir du moment où un morceau est dans la nature, il n’appartient plus à personne. 

C’est ce que j’allais dire, ça peut être violent de retirer aux auditeurs un son qu’ils aiment encore. 

Je trouve. Quand j’écoute un artiste et que je vois qu’il supprime ses sons, je trouve ça naze et je me demande ce que ça veut dire. Ou alors c’est la légalité ? Je ne sais pas mais c’est triste. Tu écoutes un son pendant des années, tu as des souvenirs dessus, tu as pleuré sur le son, tu as joui sur le son, et trois ans après, tu veux l’écouter pour te remémorer des souvenirs et avancer, et bam, tu le retrouves plus. Pour moi, à partir du moment où un morceau est dans la nature, il n’appartient plus à personne. 

Et toi, les histoires que tu mets sur tes sons, tu considères qu’elles t’appartiennent plus ou moins, une fois qu’elles sont fixées ? 

Bah, ça m’appartient parce que ça fait partie de ma vie, que c’est des histoires vécues ou imaginées. Mais c’est pas une propriété. En plus, je ne suis pas très attaché à la propriété en règle générale. Un morceau sert au monde entier, pas comme une maison, ou une voiture. Et il n’a pas un usage unique. Quand tu es artiste, et que tu parles d’une histoire très personnelle, tu avances en la partageant. Et quand tu fais un film, une chanson, un texte, etc, tu fais comme une thérapie, qui sert ensuite à d’autres. 

J’ai besoin de m’amuser, il y a de la malice, c’est presque de l’onanisme.

J’ai l’impression qu’il faut toujours que tu sois excité par le projet, que tu t’amuses, que tu cherches la malice. 

Oui, j’ai besoin de m’amuser. Oui, il y a de la malice. Il y a même de l’égoïsme dans chacun de mes projets. Dans un premier temps, je ne fais ça que pour me faire kiffer moi. C’est presque de l’onanisme. 

Qu’est ce que tu cherche encore à atteindre, ou à réussir, un truc qui t’échappe ? 

Euh, le succès commercial ? (Rires)

Non, déjà je vais dire ce que j’ai réussi dans la musique : j’arrive à prendre mes vibes, j’arrive à kiffer, prendre un peu d’oseille et vivre. Pour moi, c’est le monde d’être arrivé là, c’est un truc de malade. Après c’est pas une fin en soi. Tu me demandes ce qui me manque ? Un grammy, un hot d’or, un oscar… 

Je suis sur ma voie, c’est à dire que je dois manger et kiffer.

Après, dans ce grand cirque, ce grand onanisme, si t’as capté comment te faire jouir tout seul c’est déjà beau.

Ahhh, t’es en train de me proposer de ne pas viser trop haut ? (Rires)

Ah non, moi si tu as un grammy, je suis content, l’interview et ton numéro de téléphone prennent de la valeur. (rires)

Je vois ce que tu dis en plus. Mais je ne suis pas dans cette démarche, quand-même. Sinon, pas besoin d’enregistrer la musique. La musique pourrait rester dans mon salon. Je ne suis pas dans une démarche extrême, qu’elle soit commerciale ou confidentielle. Je suis sur ma voie, c’est à dire que je dois manger et kiffer. J’essaye de bien manger sans m’ennuyer. 

En plus tu as l’air de manger des bonnes choses, je m’inquiète pas. 

T’as vu, ça avait l’air bon ? Je cuisine toutes les sortes de riz. 

Je pars toujours du principe que plus je suis moi-même, plus les gens seront touchés.

Est-ce qu’il t’a fallu du temps pour trouver cette voie, cet équilibre, ou alors c’était naturel dès le début ? 

Non, ça prend du temps quand même. Moi j’ai commencé à faire les choses sérieusement fin 2012, début 2013. J’ai commencé à manger un petit peu en 2017. Depuis deux ans je suis “en sécurité”, entre guillemets. Ça met du temps, il faut être sûr, il faut se poser les bonnes questions. Il faut se laisser le temps et ne pas douter qu’on a sa place là-dedans. C’est mon conseil à quelqu’un qui veut se lancer : chacun a une place où qu’il veuille aller, si c’est ton adn, tu as le droit. 

Justement, est-ce que tu pensais qu’il y aurait un public ? C’est pas vertigineux ? 

Non, tu espères. Tu essayes d’être sûr. Je ne fais le présomptueux, mais j’essaye depuis toujours de faire un délire qui me ressemble. Je pars toujours du principe que plus je suis moi-même, plus les gens seront touchés. Ce n’est ni logique, ni scientifique, mais pour moi c’est un fait. Je ne doute jamais de ça. Un artiste qui y va sincèrement, va forcément toucher quelqu’un. J’ai toujours été dans cette démarche. Au début, j’étais même trop prétentieux, j’étais sûr que ça allait marcher. Alors j’ai travaillé dur. 

Qu’est-ce que tu trouves transgressif ? 

Il reste deux-trois trucs quand-même. Le graffiti vandale. Il reste certains musiciens, certains labels. Je pense à PC music. Pour moi c’est ce qu’il y a de plus punk. Il reste aussi les zads, il y en a encore quelques unes en France. Zad partout frère. Il reste Julius aussi. 

Dernière question, Nusky, qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

Ça m’évoque la première fois. On parle de sexe là. Disons que c’est la première fois qu’on se masturbe. On se découvre, on découvre à quel point c’est bon et à quel point c’est triste.

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Discussion : Arthur Guillaumot