Sur ses rythmes profonds on se love comme des fruits. Oscar Emch, inaugure avec son premier ep, Portrait Craché, des rythmes précis et nonchalants, qui ressemblent au temps. Discussion.

Vous pouvez écouter ici Portrait Craché le premier ep d’Oscar Emch, paru le 28 août dernier.

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C’est un ep de 5 titres, comment on fait, quand on fait de la musique depuis longtemps, pour dire, c’est ces 5 là que je prends pour me présenter et me définir ? 

J’avoue que je n’ai pas eu l’embarras du choix. C’est moi qui fait tout, j’écris, je compose, donc ça me prend beaucoup de temps. Là j’arrive à peine et seulement à être prolifique. Ça ne fait pas si longtemps que je me sens à l’aise avec le fait de produire. Pour avoir un son qui me plaît, je peux en faire 5 ou 10 que je vais mettre à la poubelle. Donc ce premier ep, c’est plutôt les morceaux que j’ai réussi à finir tu vois. C’est pour ça que je n’étais pas dans une démarche de projet avec un fil directeur. Je pense que l’atmosphère globale est cohérente, mais c’est tout. 

Ah ! Je pensais que ça serait une difficulté, avec ton expérience, de délimiter une façon de te présenter. 

Là non ! Mais je pense que c’est plus souvent la cas sur des projets où les gens bossent en équipe. Et moi c’est un peu vers là que j’ai envie d’aller maintenant. Je me rends compte des limites du travail en solitaire. J’aurai préféré avoir ce problème d’abondance de morceau par exemple. Mais là ce n’était pas le cas. 

On l’a dit tu bosses beaucoup avec d’autres, Enchantée Julia qu’est-ce que tu trouves dans les collabs, ça te nourrit ?

Beaucoup ! En vrai avec Julia, c’était hyper cool. Elle n’est pas compositrice ou productrice. Mais par contre elle a une véritable direction artistique. Donc elle sait précisément ce qu’elle veut. Ça m’a beaucoup aidé. Parce que comme je travaille tout seul dans ma chambre, je pars dans tous les sens. Elle, elle a direct des références, elle vient et elle te dit ce qu’elle veut. Et tout est très vite cohérent. Avec elle, j’ai appris à structurer ma manière de faire. À faire des choses plus drastiques. J’ai gagné beaucoup sur mode opératoire. 

Avec Bolides, c’est encore autre chose. Ce sont des amis, on se connaît quand-même depuis 5-6 ans, on se voit souvent, on partage plein de trucs. C’est comme parce qu’on peut produire ensemble. Donc je peux confronter ce que j’apprends. Notamment sur la composition et le matériel. On est un peu des geeks, on se parle des plugins et des logiciels. 

À quel moment tu as senti que c’était le moment pour toi de passer à l’interprétation ? 

J’y suis arrivé doucement. J’ai commencé avec un groupe qui s’appelait La Recette. J’écrivais tout, c’était de la musique très instrumentale. Après j’ai découvert Thundercat. Lui, c’était un jazzman comme moi à la base, mais avec un projet où il faisait des chansons. Je me suis rendu compte après que c’était très référencé George Duke et Stanley Clarke, Herbie Hancock. Vu que lui il avait ce bagage jazz, mais qu’il faisait des chansons, je me suis dit que j’avais le droit de faire pareil. Alors j’ai commencé à faire des chansons en anglais. Et je chantais même pas moi-même. C’était Théo, mon batteur qui chantait. Moi je n’aimais pas ma voix. C’était une galère pour moi de faire ça. Je me suis lancé petit à petit. 

Tout ça découle d’un cheminement.

Chanter, ça n’a jamais été un prétexte pour proposer surtout l’instrumental ? 

En vrai maintenant, j’adore le rôle de chanteur. Mais je ne peux pas me passer de celui de compositeur. Parce que j’ai du mal à me placer sur les productions des autres, même si je commence à le faire un peu. Je suis un peu tatillon. Il faut dire aussi que je ne suis pas prolifique au niveau des textes, je mets longtemps à écrire. Je ne suis pas le mec qui arrive en studio et gratte un texte en une heure. Donc ça découle surtout d’un cheminement. Même le fait de chanter en français, c’est récent, ça fait deux ans. 

Photo : Aude Carleton

Portrait craché, c’est une photo de bouleversements, de tentatives ?

Oui. Les morceaux qui sont sur l’ep, datent de 2018. Donc c’est une photo de ce moment-là. Ce n’est pas tout à fait ce que je fais maintenant et ce que je veux proposer, mais c’était les bases. Je savais que je voulais faire du français, à mi chemin entre RnB et néo-soul tu vois. Avec parfois des instrus qui peuvent ressembler à du rap actuel ou même ce qu’on appelle de la “pop urbaine”. Je savais où je voulais aller, et maintenant j’affine au niveau du style. 

Qu’est-ce que tu inaugurais quand tu travaillais sur cet ep ? 

Le français oui. Et puis aussi le fait de produire mes morceaux moi-même. Pendant pas mal de temps, j’ai considéré l’outil informatique comme un moyen de faire des démos. Ce que je faisais avec mon ancien groupe, c’est que je faisais des brouillons, pour voir ce qu’on pouvait faire en live. Mais pour moi, c’était improbable qu’un mec tout seul sur son ordinateur puisse créer un projet et le sortir. Pour moi, c’était juste des travaux préliminaires. Mais c’est à ce moment-là que j’ai commencé à écouter pas mal de producteurs. 

Je pense que pour moi, les rôles n’étaient pas très bien déterminés, je crois que je ne savais pas vraiment ce que ça voulait dire producteur. Je pense que je confondais. 

Et le flou était sans doute entretenu par cette approche plus classique de la musique, toi qui vient du jazz. 

Oui, c’est ça, moi je ne connaissais le hip-hop, le rap et tout. J’en écoutais, mais je connaissais personne qui bossait dedans. Pour moi c’était obscur. À cette époque, l’album Bisous de Myth Syzer est sorti. J’avais déjà commencé à faire des morceaux, j’avais déjà Fais les danser et Contexte. Mais le jour où j’ai écouté Bisous, j’ai fait Antalgique. Je pense que je me suis inspiré ce jour-là. Il m’avait tellement plu que j’ai compris que c’est ce que je voulais faire. Parce que c’était en français, qu’il y avait de côté un peu jazz.Avec des accords un peu à la Taylor The Creator dans les prods. 

J’ai toujours eu la volonté de faire danser les gens. C’est ce que j’aime trouver quand je vais à un concert ou que j’écoute de la musique. 

À quel moment tu as compris que ça allait être aussi rythmé ? 

Ecoute, c’est drôle que tu me dises ça, dans mon entourage professionnel ils n’arrêtent pas de me dire qu’il faut que je fasses des morceaux plus dansants. 

Moi j’aime ces rythmes désabusés ! 

Ah nan mais ça me fait plaisir que tu me dises ça. J’ai toujours eu la volonté de faire danser les gens. C’est ce que j’aime trouver quand je vais à un concert ou que j’écoute de la musique. 

Photo : Aude Carleton

Qu’est-ce qui te manquait en 2018 ? 

Je pense en fait que je n’avais pas encore assez bossé tu vois. Je n’avais pas assez passé de temps à produire. Là ce qui est cool, c’est qu’avant de sortir mon premier projet, j’ai pu sortir deux morceaux que j’ai produit pour Enchantée Julia. Dont Le salon, qui est le premier morceau de ma vie est passée en radio, sur France Inter. C’était bien, ça a pu me donner un aperçu de comment ça fonctionnait aussi au niveau extra-musical. J’ai pris du temps pour faire des visuels aussi. C’est des trucs que je n’avais fait. 

Si ça se trouve si tu l’avais sorti plus tôt, tu serais moins content. 

Ça je pense que c’est normal, et que ça sera aussi le cas pour les projets suivants, mais quand j’écoute ce projet, Portrait Craché, comme je bosse dessus depuis longtemps, je suis parfois lassé. Comm je ne le trouve plus suffisamment percutant, j’essaye de faire un deuxième ep qui le soit. Je travaille beaucoup, je fais plein de sons. On en parlait au début, ça me permet d’expérimenter d’en d’avantage. C’est pas que j’ai voulu brûler les étapes, mais comme je suis dans la musique depuis longtemps, je pensais que j’avais les acquis suffisants. J’ai été présomptueux, parce que c’est deux métiers différents. Et plus je bosse sur mon ordi et plus je me rends compte qu’il me reste plein de choses à apprendre. Je continue de faire plein de sons et d’apprendre.

Est-ce que tu fais confiance à tes inspirations ou est-ce que tu retouches beaucoup ? Je pense autant au texte qu’à la prod.

Je ne suis pas du tout instinctif. Pour la compo, je le suis. Je fais les arrangements sur le moment. Par contre, pour la partie écriture, j’avoue que je retouche pas mal. Je pense que c’est aussi une histoire de pratique. Là aussi il faut encore que je passe du temps, que j’essaye des choses. Tu vois, pour moi, le plus important, c’est que ça sonne bien, que ça soit efficace. Parfois, je sacrifie le sens à l’efficacité. Je n’ai pas du tout de soucis avec ça. 

Je suis meilleur dans les entre-deux

Ils ressemblent à quoi les sons que tu jettes ? 

J’en ai fait pas mal qui était dans la vibe d’Hamza, j’écoutais beaucoup, pour son côté Dancehall, j’avais trop envie de faire ça. Mais au final je trouvais que je ne le faisais pas bien. J’ai gardé le côté dancehall, mais j’ai compris qu’il fallait que je l’adapte. J’ai aussi essayé de rapper, mais pareil, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. Je suis meilleur dans les entre-deux. Je pense aussi que c’est là que j’ai un truc à jouer. 

Mais du coup, même si tu ne poses pas, tu pourrais avoir envie de produire pour des rappeurs ? 

Grave ! En fait, j’en ai déjà fait un, avec Luidji. C’était sur le projet d’Enchantée Julia, le morceau s’appelle Cinéma. C’est le seul terminé et sorti pour le moment. Mais j’ai rencontré aussi Prince Waly, avec qui on avait commencé à faire un son. Ce qui est cool, c’est qu’avec Luidji et Julia, je rencontre des gens. J’ai fait des sessions de studio avec certains. Et j’oubliais, mais il y a le morceau avec Bolides et Edge. Le son s’appelle Bruh. pour le coup, c’est une prod que qu’on a fait ensemble avec Joseph de Bolides.

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

Moi je vois un arc-en-ciel. C’est assez facile. Ça m’évoque la rosée du matin. Ça ne m’évoque que des choses très poétiques.

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Vous pouvez retrouver Oscar Emch chez Klakson, chez Alter K, ou sur ses réseaux sociaux, sur Instagram, sur Facebook, sur YouTube.

Discussion : Arthur Guillaumot / Photo : Aude Carleton