Entre Octobre et le 6 Novembre, à gauche a bruissé dans ses couloirs. Un mouvement. Place Publique, il s’appelle. 

Il y a Raphaël Glucksmann, philosophe, qu’on entend le samedi sur France Inter à midi, qui vient de publier Les enfants du vide, qui balaye les penseurs de droite en librairie. Il y a Thomas Porcher, économiste qu’on ne présente plus à gauche, pour avoir notamment travaillé sur les programmes économiques de Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle de 2017. Il y a l’écologiste Claire Nouvian, fondatrice de l’ONG Bloom, qui vise à la conservation des fonds marins. Il y a Jo Spiegel, maire de Kingersheim, cité comme exemple dans Les Enfants du vide, par Raphaël Glucksmann, pour avoir répondu au fort vote Front National (désormais Rassemblement National) par la mise en place de la démocratie participative pour inclure les citoyens dans la vie de la cité. Il y a Diana Filippova, chef d’entreprise et auteur, et son économie collaborative. 

Il y a du beau monde, alors la gauche a bruissé. Elle s’est interrogée, s’est remuée. S’est offusquée parce que le bateau de la gauche est trop chargé et qu’il y a des tas des matelots qui se rêvent capitaine à bord. 

Mais vite, les membres de Place Publique se sont exprimés. Ils disent ne pas vouloir apporter encore plus de confusion à ce qu’est aujourd’hui l’échiquier politique.


Nous avons rencontré Raphaël Glucksmann en personne il y a trois semaines, alors qu’il était en déplacement en Nancy. Il venait tout juste d’officialiser le lancement de Place Publique. 

Il a 39 ans, des yeux pas encore aussi fatigués que ceux qu’il arbore aujourd’hui sur les plateaux télés où il présente le mouvement. Il est classe, il en impose, mais en douceur, c’est le prof de philo rêvé, qui raconte Aristote autour d’une bière. On comprend tout. Puis il parle des Enfants du vide, du constat dont part le livre : Un père de famille, ancien ouvrier en sidérurgie qui ne comprend pas le vote pour l’extrême droite de ses enfants. Un vote qu’il associe au désœuvrement, à la solitude et au vide. 

Une réponse au désœuvrement, à la solitude et au vide

Dès lors, il pense. Puis il écrit, Les Enfants du vide est la première réponse à l’ouvrier en sidérurigie. La deuxième réponse, c’est Place Publique, qu’il nous présente comme Une grande maison de la Gauche où tout le monde peut venir discuter. On aime bien l’idée, on lui demande comment on pensera à l’intérieur et comment tout va se structurer. Il répond comme il peut parce que tout n’est pas encore clair. Déjà quelques milliers d’adhérents. Tout va vite, c’est la preuve que les gens ont un appétit de réponse, nous dit-il, on ne sait pas encore à ce stade, on verra pour les européennes, on verra, pour le moment ce qu’il se passe c’est qu’on a déclenché quelque chose. 

Effectivement, quelque chose est déclenché. Il ne le sait pas encore, mais dans les jours qui suivent notre entretien, Place Publique fait salle comble partout. Place Publique s’installe dans le débat, en période de gilets jaunes. Le mouvement se démarque par son détachement du feu de l’action, et son coup d’avance sur les idées, au même titre que Génération.s, le parti de Benoit Hamon, que Raphaël Glucksmann connait bien. Place Publique propose, Place Publique parle pour créer des solutions, quand tout le monde hurle pour ne rien dire. 

Dans cette brasserie, Raphaël Glucksmann nous a parlé et on a senti une sincérité, vous savez la belle sincérité, celle qui précède le désœuvrement total si jamais ce qu’on propose avec sincérité ne fonctionne pas. Il reprend les mots d’horizons tragiques, qu’il fixe à 2030. Les années 2019, 2020, ou 2022, il n’en parle pas, ce dont il parle c’est de l’urgence climatique, des urgences sociales. Il sait que pas mal de ses nouveaux collègues en politique occupent cet espace, à gauche, alors il veut discuter, proposer, à ceux qui savent entendre.

Une aventure collective, consciente des horizons tragiques

Il veut créer une aventure collective, qui se détache des intérêts électoraux, qui ne fait pas de concessions économiques, écologiques ou sociales pour quelques votes. 

Alors il nous dit, et la sincérité de l’Homme-pas-providentiel est là, il sait qu’il va parfois se tromper, après tout, tout ça, c’est nouveau pour lui, il ne sait pas comment il va gérer. Il parle de la vertu du collectif à faire se corriger les uns les autres. Il évoque ce que les uns peuvent emprunter aux autres pour inventer une solution, dans la grande maison de la Gauche. Quelque chose de cette phrase de Saint-Exupéry qu’on aime bien : « Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser tu m’enrichis« .  

Raphaël Glucksmann nous paye nos bières. On se quitte devant la gare. On rentre, les mains dans les poches parce que c’est le début d’une nuit froide. C’est marrant, on traverse une place.


Josh et Arthur – Tribune


 

Références : 

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Le mouvement : 

https://place-publique.eu/