Pauline : Salut Kemmler ! Ton interview sur Première Pluie remonte à septembre 2018. C’était une des premières qu’on faisait, et depuis on suit ton travail avec fierté. Qu’est-ce qu’il s’est passé de beau depuis 2018 ?

Kemmler : Wow. Il s’est passé vraiment beaucoup de choses. A la sortie de Rose, mon album précédent, il y a eu vraiment beaucoup de trucs qui se sont passés pour moi. J’ai signé en maison de disque, j’ai écrit pour beaucoup d’artistes et j’ai commencé à me lancer dans l’écriture de mon deuxième album, dont la première partie est sortie le 22 mai dernier. Il y a eu une vraie évolution professionnelle et petit à petit, de plus en plus de gens m’écoutent.

© Kemmler (DR)

Comment on passe de « Rose » à « Gris » en deux ans ? Est-ce que la vie devient plus fade ?

Je ne crois pas qu’elle devienne plus fade. Par contre je pense que comme elle change – il y a beaucoup de trucs qui ont changé – il y a de nouvelles questions qui se posent et ces nouvelles questions sont peut-être plus sombres qu’elles ne l’étaient avant. C’était peut-être des questions un peu plus positives quand j’ai écrit Rose parce que du coup, il n’y avait pas du tout ce côté-là de début de notoriété comme pour Gris.

Les questions qui se posent sont vraiment différentes, là c’est plus : Est-ce que c’est vraiment ça que je veux ? Est-ce que ça vaut les sacrifices que je fais ?

C’est vrai que ça se sent : tu te poses beaucoup de questions. Et tu t’en posais déjà beaucoup sur Rose, on en avait parlé.

Oui, c’est important pour moi de se poser des questions, de savoir si oui ou non on fait les bonnes choses, les bons choix.

Il correspond à quel moment de ta vie, cet album ?

Cet album correspond vraiment au moment présent, à ce que je suis en train de vivre : ces débuts de notoriété, ces changements, ces éloignements avec ma famille, avec mes amis.

Tu sais, tu te rapproches plus des gens avec qui tu travailles, parce que vous vous comprenez. Il y a beaucoup de changements de ce côté là.

De quoi cet album est-t-il la première fois pour toi ?

C’est le premier album sous contrat, c’est le premier album évolutif. Le premier album, il y avait 15 titres, alors que là, c’est un album évolutif. C’est la première fois qu’on fait ça, c’est une des premières fois que ça se passe dans le rap. On essaie d’innover.

Tu avais besoin d’échapper au cadre et de pouvoir compléter l’album avec le temps ?

Tu vois, on est dans une période super originale.

Je ne me voyais pas sortir un album fixe et qui ne soit pas original comme l’est la période.

Il y a des gens qui peuvent sortir, d’autres pas. C’est un peu spécial. Je me suis dit que ça pourrait être quelque chose de vraiment cool d’innover dans ce truc là. Et cette idée d’album évolutif est née assez tard, c’était pas quelque chose de prévu à la base mais on l’a fait !

© Kemmler (DR)

Le confinement, on dirait que c’est le moment qui a marqué un trait entre le avant et le après, l’ancien rap et le nouveau rap.

Oui, j’ai vraiment l’impression que tout le monde essaie de tenter des trucs. Les temps changent et c’est le moment de faire évoluer la musique aussi.

Dans « Dis-moi tout », tu te livres, il y a beaucoup de mélancolie et ça nous touche parce tout le monde ressent cette nostalgie et ce sentiment d’être perdu. Tu dis : « De toute façon, je dors plus. Je suis sur le balcon, je regarde tomber la pluie ». A ce moment-là, posé dehors à regarder ailleurs, tu penses à quoi ?

Tu sais, j’habite dans un immeuble à Marseille et je suis au dernier étage. Et ça m’arrive très souvent, étant donné que je dors vraiment peu, de me poser à mon balcon. Le soir où j’avais écrit cette chanson, j’avais vraiment pas dormi de la nuit. Et je sais pas, je réfléchis, je réfléchis.

C’est un peu de là que découlent mes sons, parce que je me retrouve sur le balcon, je suis là, je regarde dans le vide et je me dis : C’est quoi la suite ? Est-ce que c’est vraiment ce que je veux ? Est-ce que je fais les bons choix ?

Et après ça se retrouve dans mes textes. Pour Gris, la pluie a été le début de mon inspiration.

Tu as écrit une chanson pendant le confinement qui s’appelle « Confinez-moi avec elle ». Toi tu chantes la vraie vie, la vie simple. C’était important pour toi de parler de cette période, qui n’est d’ailleurs pas si révolue que ça, dans ton album ?

Oui c’est important. Et puis aussi, ça a été un vrai marqueur dans le temps.

Si on écoute ce morceau dans 10 ans, on se rappellera très bien de cette période.

Ce sera cool de se rappeler qu’on avait pas fait les bonnes choses pour que tout ça n’arrive pas.

D’un autre côté, ce que j’ai trouvé vraiment cool en mettant ce morceau dans l’album, c’est que je l’ai fait avec les mots des abonnés. Tu vois, le fait de pouvoir les mettre dans l’album, c’est un petit peu un remerciement du fait qu’ils soient là, qu’ils m’écoutent, qu’ils m’envoient des messages. Et puis, les mettre dans un son, c’était pas compliqué à faire alors ça m’a vraiment fait plaisir.

Toi d’ailleurs, comment tu l’as vécu le confinement ? On dirait que ça t’a inspiré.

Professionnellement, je l’ai pas mal vécu. Grâce à ça, j’ai beaucoup travaillé et j’ai appris de nouveaux trucs, par exemple m’enregistrer ou faire les choses seul au niveau de ma musique. Au niveau professionnel, le confinement a vraiment été instructif.

Après, comme tout le monde, au bout d’un moment tu ne vois pas tes parents pendant deux mois, il y a un manque qui se crée.

Tu fais de la musique pour qui, toi ?

Je fais de la musique pour moi, parce que c’est ma passion et que j’arriverais pas à vivre sans. Aujourd’hui, je me suis rendu compte que le fait d’avoir un petit public, ça a un prix vraiment inestimable. C’est à dire qu’aujourd’hui, je peux me permettre de faire de la musique pour les gens quoi, d’avoir de vrais retours, de vraies critiques, de me poser de vraies questions. C’est vraiment pas donné à tout le monde tout ça.

Aujourd’hui, je fais de la musique pour moi, et pour les gens.

Pendant dix ans, j’ai fait de la musique sans que personne n’écoute, donc forcément il n’y a que toi qui peut te remettre en questions à ce moment-là. Aujourd’hui, je lis les messages, les critiques des médias, j’écoute ce que l’on me dit en interview, et c’est ce qui fait évoluer ma musique.

© Fifou

Aujourd’hui, qu’est-ce que tu trouves de beau, dans la musique ou en général ? 

Dans la musique, ce que je trouve de beau c’est que ça peut être un exutoire. En tout cas, moi c’est comme ça que je le vis.

Je ne suis pas quelqu’un de très bavard dans la vie de tous les jours, et là au final, il y a des gens qui ne m’ont jamais vu de leur vie et qui vont peut-être pouvoir me connaître.

Je trouve ça tellement beau.

Au niveau de la vie, en ce moment, il est difficile de trouver un truc de beau si ce n’est la solidarité qu’il y a eu pendant ce confinement. C’était quand même beau à voir. Mais tu vois, dès que les gens se déconfinent.

Plus personne n’applaudit ou ne se rend compte de la situation.

Oui exactement. En fait, je pensais qu’il y avait des choses qui allaient changer et au final, on revient de plus en plus à la normale quoi. Je suis à moitié surpris, un peu dégoûté mais bon il faut faire avec. 

En 2018, à notre question préférée, tu avais répondu : “Première Pluie pour moi c’est inspirant. Ça pourrait même être un titre de morceau. On dit : “Je ne suis pas né de la dernière pluie”, et j’aime bien le côté inversé. » Alors on te repose la question presque deux ans après : La première pluie, ça t’évoque quoi ?

Deux ans après, je suis peut-être un peu plus terre-à-terre. La première pluie, elle va vraiment m’apporter la première pensée d’un son. Dans “Dis-moi tout”, je dis “Je suis au balcon, je regarde tomber la pluie”, parce que dès qu’il commence à pleuvoir, les idées commencent à venir. C’est vraiment le début de mon inspiration.

Merci Kemmler ! On reste en contact pour la suite de « Gris » !

Merci à toi, et bien sûr, on reste en contact comme depuis 2018 !

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Pauline Gauer