On a beaucoup parlé ces derniers mois de la panthéonisation d’Arthur Rimbaud et Paul Verlaine. Le débat a été très animé, le Président de la République, qui décide des admissions, vient de trancher. Mais attendez, pause, pourquoi Arthur Rimbaud et Paul Verlaine au Panthéon, c’est une mauvaise idée ?

Dans une lettre datée du 13 janvier, le chef de l’Etat a rejeté la demande de panthéonisation des poètes. Arthur Rimbaud et Paul Verlaine ne passeront pas leur éternité ensemble. Et c’est une sage décision. Ne serait-ce que parce qu’elle respecte la volonté de la famille d’Arthur Rimbaud, aujourd’hui enterré à Charleville Mézières, sa ville natale, celle qui a marqué son œuvre au fer. 

L’idée initiale date de septembre dernier, un appel porté par le sociologue Frédéric Martel, sous forme de pétition, signée par tous les anciens et anciennes ministres de la Culture depuis Jack Lang et une petite cohorte de personnalités. Une idée que seule une élite politique et culturelle déconnectée des réalités sociales et littéraires pouvait avoir. Qui, parmi celles et ceux à l’origine de cette proposition, a VRAIMENT lu Rimbaud ? Verlaine ? On peut légitimement se le demander. 

Trouvez ici, un entretien de Kristin Ross et Denis Saint-Amand, paru dans Marianne en septembre dernier, réponses posées aux arguments de la pétition. Comme la totalité des spécialistes des deux auteurs, ils s’opposaient à la panthéonisation.

La proposition de panthéonisation des deux poètes est elle-même un élément de réponse. Derrière le symbole, certes intéressant, d’assembler les amants devant l’éternité, se cachent surtout des éléments qui contrent cette idée. Ne serait-ce que parce que sauf pour les déconnectés, le Panthéon est tout sauf une consécration.

Dans les textes, Verlaine anticipe même presque, en raillant l’entrée de Victor Hugo, dans le grand tombeau. Pour lui, « l‘auteur exquis de si jolies choses » a été « fourré dans une cave où il n’y a pas de vin » et « où on rit de tant de sottise solennelle« . (Mémoire d’un veuf, Panthéonades, Paul Verlaine)

Pour l’histoire politique des deux auteurs, entrer au Panthéon serait une vraie offense. L’un comme l’autre, ils méprisaient l’institution et l’académisme. S’ils auraient pu bien rire avec Victor Hugo, qui lui y a parfaitement sa place, ils auraient surtout eu froid au cul sur la pierre des grands humains. Son engagement dans la Commune de Paris (1871), marquera la vie de Verlaine, quand Rimbaud lui aussi célèbre l’évènement. 

Trouvez ici, un papier de 2011, paru dans L’Humanité, sur le sujet

C’est parce que nous sommes dans un pays de littérature qu’un débat autour d’une question aussi symbolique peut avoir lieu. L’argument qui voudrait consacrer la liaison de Rimbaud et Verlaine est pertinent, mais sans doute insuffisant face aux autres. C’est vrai, Jacqueline Teissier-Rimbaud n’est pas la plus délicate quand elle le rejette violemment. Mais, de toutes façons, dans la culture collective, les deux poètes sont déjà associés. Pas besoin du Panthéon, cette institution bourgeoise et en retard. 

Ce n’est pas un débat de moeurs, mais la confrontation des Assis, contre les Mobiles.

Confisquer les restes de Rimbaud à sa ville aurait été d’une rare violence, énième ridicule gifle autocentrée de la capitale, comme si le reste de la France lui devait ses gloire locales.

Que celles et ceux qui prétendent aimer tant Rimbaud, au point de le murer, aillent un peu le voir d’abord dans le cul du monde, comme il le disait lui-même. Pour ressentir l’origine de sa poésie. Et qu’en y allant, par le train, ils prennent le temps, pour de vrai, de le lire. Ils comprendront. C’est dans les Ardennes, cet espace initial que s’est forgée la poésie de l’homme aux semelles de vent, qui troquera le vert des collines contre le brun des dunes.

Paul Verlaine et Arthur Rimbaud sont des poètes maudits. Cassés, humiliés, refusés de leur vivant, le temps, et les poètes leur ont rendu ce que l’Histoire leur doit. Ils sont déjà honorés et connus et de toutes et de tous, à leur juste valeur. Proposer le Panthéon pour Verlaine et Rimbaud, dont la poésie et l’oeuvre de vie est encore aujourd’hui un modèle sauvage, c’est requérir une peine de prison contre la liberté dont Rimbe et Lélian jouissent encore dans l’imaginaire collectif. Et c’est tellement rare, de résister au temps.

En plus, il y a déjà la queue dans les toilettes des garçons, au Panthéon. S’il y a tellement de gens qui veulent élever la jauge de remplissage de l’Hôtel Panthéon, qu’ils aillent un peu réviser les noms des grandes Femmes que la patrie a oublié.

_____

Arthur Guillaumot / Pause