Pour longtemps on se souviendra que c’est en 2018 qu’Angèle sortait son premier album, on se souviendra des émois d’Alice et moi, de la folle tournée de Juliette Armanet. Il y aura eu le Radiate, insolent et sans gène de nous éblouir de Jeanne Added. En 2018, Christine and the Queens aura fait son retour avec Chris, en se réinventant musicalement comme un spasme en couleurs électriques. Il y aura eu un surprenant En cas de tempête ce jardin sera fermé, signé Cœur de Pirate. Le trio de L.E.J se sera affranchi de son image pour sortir Poupées Russes, énorme. On aura dansé sur le HH d’Hyphen Hyphen. Il y aura eu le plus que réussi Loveless de Blondino. Claire Laffut nous aura promis des merveilles avec son ep Mojo

Liste non exhaustive, beaucoup m’échappent. 

Il y aura eu des filles partout, moi j’ai l’impression d’une superbe année. Goûtez-y si vous avez eu plus que votre dose de testostérone. 

Je vais vous parler de l’une d’elles en particulier. Figure, elle a tranché net dans le paysage pour faire sa place, avec sa voix si intrigante et parfumée, et sa personnalité archi-attachante. Elle nous rappelle qu’Angèle n’a pas été la première frange de l’année à bouleverser la chanson francophone, il y a eu elle : Clara Luciani. On la voyait venir avec son Monstre d’amour, ep paru l’année dernière. Souvenez-vous d’elle, c’est elle la voix féminine sur Avant tu riais sur le Cyborg de Nekfeu. Elle a traîné sa voix si singulière, si prenante, un temps dans l’aventure La Femme, puis dans le milieu, ouvrant pour Benjamin Biolay l’année dernière. 

11 titres sur Sainte Victoire. Un album, absolument fulgurant. Coloré, bariolé même comme plusieurs oiseaux venus de pays pas encore inventés pour satisfaire le goût d’aventure de ceux qui veulent bien se laisser prendre par la voix de Clara Luciani. 

On dirait un roman d’apprentissage, une héroïne attachante qui nous raconte sa découverte

Sainte Victoire est l’album d’une reconstruction, la suite du chagrin littéraire et physique qu’était son premier ep, Monstre d’amour.

Cet album, porte en lui quelque chose de fort, d’une féminité qu’on n’a malheureusement pas l’habitude de voir, comme on le voit dans ce témoignage qu’est Drôle d’époque, extrait n*3. 

Hé toi / Qu’est-ce que tu t’imagines? / Je suis aussi vorace / Aussi vivante que toi / Sais-tu / Que là sous ma poitrine / Une rage sommeille / Que tu ne soupçonnes pas? / Prends garde, sous mon sein la grenade Extrait de La Grenade, morceau devenu hymne, rien à dire de plus

Quand tout me lasse / Quand tout est dégueulasse / Quand rien ne vaut la peine / Pas même moi / Je pense aux fleurs / Qui sont parfaites / Qui n’ont pas d’autre rôle que de l’être Extrait de Les Fleurs, le genre de titre où la voix de Clara Luciani trouve tout l’espace qu’il lui faut pour exercer son attrait et nous attirer avec elle, dans une écriture qu’on aurait tort de trouver naïve parce qu’elle est d’une poésie millimétrée 

Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? / Tu marches même pas droit / Tu as l’allure de ton père / Les cheveux en arrière / T’as pas l’air, t’as pas l’air, t’as pas l’air d’une femme / D’une femme / Où sont passés tes seins / Ta cambrure de félins ? / Tantôt mère nourricière / Tantôt putain vulgaire / Conduis toi, conduis toi, conduis toi comme une femme / Comme une femme / Comme une femme Extrait de Drôle d’époque, chanson que je trouve particulièrement touchante et réussie qui interroge tous les prérequis que doit remplir une adolescente, toutes les attentes auxquelles elle doit répondre, selon un modèle strict et établi, et la douleur intime que ça implique de ne pas avoir le droit d’être soi.


Voilà quelques un de ses morceaux, issus de Sainte Victoire, son premier album, paru le 6 Avril 2018 chez Initial Artist Services

 

 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=E9XLDx4-GRg

 


Arthur Guillaumot – Culture Collective