NARI

Épisode 1

À l’antenne.

JOURNALISTE formel. C’est avec stupeur que nous apprenons le décès du quarante-cinquième président des États-Unis, Donald J. Trump.

Un temps.

JOURNALISTE avec un ton de journaliste. Il a été retrouvé au croisement de la 57ème et de la 36ème rue sans vie. Son corps ne possède aucun hématome. Les scientifiques de la police procèdent d’ores et déjà à une autopsie même si, nous sommes déjà en mesure d’affirmer que c’est un meurtre. Comme en témoigne Jerry Cousteur, médecin légiste.

JERRY COUSTEUR neutre. Nous n’avons pas encore déterminé la cause de la mort de Donald J. Trump néanmoins, nous pensons effectivement que c’est un meurtre même si nous n’excluons pas la thèse de l’accident vasculaire. Selon ce que son corps indique, il a dû mourir dans la nuit, aux alentours de deux heures trente du matin.

JOURNALISTE SUR LE TERRAIN à Jerry Cousteur. Mais alors monsieur Cousteur, pourquoi serait-il mort au croisement de la 57ème et de la 36ème sans que personne ne soit au courant et surtout, qu’est-ce que ferait un président des États-Unis à deux heures trente du matin à ce croisement là ? Enfin, arrêtez-moi si je me trompe mais, il n’est pas censé avoir un service de sécurité ? Le FBI ne sert-il pas à ça ? Un temps. Les téléspectateurs veulent des réponses monsieur Cousteur.

JERRY COUSTEUR. Vous savez je ne suis que médecin légiste, je vais faire parler son corps sans vie, si tant est qu’il en ai l’envie parce-que là… il ne me dit pas grand chose ! Il sourit poliment.

JOURNALISTE SUR LE TERRAIN pressé. Très bien merci Jerry Cousteur. Un temps. Face caméra. Nous venons donc d’apprendre que le corps de Donald J. Trump a été retrouvé sans vie au croisement de la 57ème et de la 36ème et plusieurs questions restent sans réponses. Déjà, que faisait Donald J. Trump au croisement de la 57ème et de la 36ème seul, à deux heures trente du matin ? Puis, quelles sont les circonstances de son assassinat ?

JOURNALISTE formel. Je crois que, pour préciser, ça n’est pas encore officiellement un meurtre.

JOURNALISTE SUR LE TERRAIN agacé. Oh je vous en prie à d’autres. La thèse de l’arrêt cardiaque inopiné à deux heures trente du matin au croisement de la 57ème et de la 36ème ne tient pas debout. D’autant plus que c’est le quarante-cinquième président des États-Unis, l’homme le plus puissant du monde ! C’est forcément un meurtre ! Un temps. Bon, il est temps de vous céder l’antenne. À vous les studios. Il coupe.

JOURNALISTE. Bien. Retrouvons-nous après une courte page de publicité.

PUBLICITÉ. 40 ans d’existence sans jamais vous servir du savon JeSensBon© et vous vous posez des questions quant à votre célibat ? Il est temps de pécho ! Avec le savon JeSensBon© . JeSensBon©? Le savon, de tous les pos / la télévision s’éteint brutalement.

FILS à son père. Papa, t’en fais une drôle de tête !

PÈRE rassurant. Oui, je… je viens de manger une chips au piment. Il enchérit. Ça arrache !

Le fils rit.

FILS juvénile. T’es bête papa ! Un temps. Dis-moi il tire sur la manche de son père, tu pourras m’acheter un savon JeSensBon© ?

PÈRE surpris. Ah tiens, et pourquoi donc ?

FILS. Mais papa voyons t’écoutes rien ! Il bombe le torse. Pour pécho !

PÈRE surpris. Ah bon ? Mais pour pécho quoi ?

FILS. Behhhhhh d’la p’tite zouz en culotte courte eh ! Il crache par terre et sort deux cigarettes de sa poche. Il en tend une à son père. T’en veux une ?

PÈRE stupéfait. VOYONS HUGO. T’AS TROIS ANS QUE FAIS-TU AVEC ÇA ?

Hugo s’approche de son père. Il tire une fois sur sa cigarette avant de l’écraser sur le bras de son père.

Le père crie de douleur.

HUGO neutre. Il est cinq heures. Il est cinq heures. Il est cinq heures. Il est cinq heures.

PÈRE se réveillant. AAAAAAARGH. Il est essoufflé.

RADIO RÉVEIL DU PÈRE neutre. Il est cinq heures. Il est cinq heures. Il est cinq heures. Il est cinq heures.

PÈRE agacé. Mais tais-toi… Il tape sur son radio réveil.

RADIO RÉVEIL DU PÈRE. Vous êtes bien sur News Radio, il est cinq heures et deux minutes.

JOURNALISTE RADIO. Sans plus attendre ! Une nouvelle extraordinaire vient de tomber : Donald J. Trump, le quarante-cinquième président des États-Unis, a été retrouvé décédé à New-York, au croisement de la 57ème et de la 36ème rue !

Le père éteint immédiatement le radio réveil.

PÈRE à lui-même. Au diable ce maudit Donald Trump ! Lucide. Encore un coup de mon subconscient… Je dois encore dormir pour sûr. Un temps. Bon, si je dors, autant que j’aille fumer une clope avec mon fils de trois ans… Il se dirige dans la chambre de son fils. Il dort à poings fermés.

Le père est attendri. Soulagé, il se faufile auprès d’Hugo et s’endort à ses côtés.

Un peu plus tard.

RADIO RÉVEIL D’HUGO tonitruant. Il est sept heures ! Il est sept heures ! Il est sept heures !

Le père se réveil en sursaut. Il tape sur la tête de son fils.

HUGO. Flash info ! C’est une nouvelle extraordinaire qui vient de tomber : Donald J. Trump, le quarante-cinquième président des États-Unis, est retrouvé décédé à New-York au croisement de la 57ème et de la 36ème rue !

Un temps.

Quelque part dans le Midwest. Un téléphone sonne.

SYLVAIN P. Ici Sylvain P, j’écoute.

PERROQUET DE SYLVAIN P. Fort. SYYYYLVAAAIN Péééé ! J’ééééécOUte

Sylvain P jette son chausson droit sur son perroquet. Il s’envole, apeuré.

TÉLÉPHONE DE SYLVAIN P. Bonjour Sylvain P, ici le procureur Johnson.

SYLVAIN P. Tenez donc, le procureur Johnson… Il fume sur son cigare. Que me vaut le
plaisir ?

PROCUREUR JOHNSON. Formel. Vous n’êtes pas sans savoir que le quarante-cinquième président des États-Unis Donald J. Trump a été retrouvé mort assassiné cette nuit au croisement de la 57ème et de la 36ème rue ?

SYLVAIN P. La thèse du meurtre est donc confirmée.

PROCUREUR JOHNSON. Pas très étonnant, si vous voulez mon avis.

SYLVAIN P sec. Poursuivez.

PROCUREUR JOHNSON. Bien, donc effectivement l’autopsie réalisée à l’aube confirme la
thèse du meurtre. Le corps de la victime ne présente aucun hématome, aucune trace de lutte, rien. Tout porte à croire que l’âme de Donald J. Trump s’est simplement évaporée… Peut être fut-elle emprise d’un élan de liberté, si vous voulez mon avis.

SYLVAIN P sec. Poursuivez.

PROCUREUR JOHNSON. Effarés, nous étions sur le point de conclure notre premier
examen par le constat : mort naturelle.

Un temps.

PROCUREUR JOHNSON. Quand soudain…

SYLVAIN P agacé. Arrêtez le suspens Johnson. Nous ne sommes pas dans un cas de mort classique.

PROCUREUR JOHNSON. Vous marquez un point Sylvain P, nous n’avons pas conclu l’autopsie par : mort naturelle.

SYLVAIN P sec. Poursuivez.

PROCUREUR JOHNSON. Un élément, pendant la confirmation de l’autopsie a semé le doute. Il y a une tâche inexplicable dans le creux de l’aisselle de notre feu quarante-cinquième président des États-Unis.

SYLVAIN P. Forme ?

PROCUREUR JOHNSON. Un étrange signe : deux traits symétriques présentant un angle de type aigu en bas du gauche et au dessus du droit.

SYLVAIN P. Origine ?

PROCUREUR JOHNSON. Impossible à déterminer, nous savons seulement que la marque est survenue après la mort de la victime.

SYLVAIN P. Couleur ?

PROCUREUR JOHNSON. De la peau de Donald-J. Trump.

SYLVAIN P. Nature ?

PROCUREUR JOHNSON neutre. Indélébile.

SYLVAIN P. Vous dîtes ?

PROCUREUR JOHNSON. Rien.

SYLVAIN P. Moi non plus. Un temps. Reprenez.

PERROQUET DE SYLVAIN P fort. ReeeeeprEnE

Sylvain P envoie son deuxième chausson sur son perroquet. Il braille quelque chose d’inaudible avant de s’envoler brusquement.

PROCUREUR JOHNSON. Nous en étions où ? Il songe. Ah oui, je voulais vous engager sur
l’affaire.

SYLVAIN P. Ne pensez-vous pas que c’est plutôt culotté de m’appeler au moindre problème Johnson ? N’est-ce pas vous qui m’aviez poussé à prendre retraite dans le Midwest parce-que deux points je cite (d’une voix rauque) : vous en savez bien trop Sylvain P, vous serez bien plus en sécurité loin d’ici… C’est un simple conseil point final fin de la citation. Un temps. Allez crever.

PROCUREUR JOHNSON jovial. Je vous en prie Sylvain, ne me dîtes pas que vous m’en voulez encore pour ces piètres querelles datant d’au moins cinq longues années..?

SYLVAIN P. Il ne fallait pas s’en prendre à mon perroquet. Il tend son bras et fait signe au
perroquet qui vient rapidement s’installer sur le bras de Sylvain P.

PROCUREUR JOHNSON formel. Disons qu’il fallait que j’y mette les formes, vous n’auriez jamais quitté votre poste sinon.

SYLVAIN P. Était-il nécessaire de le soulager d’un oeil ?

PROCUREUR JOHNSON. Disons qu’il fallait être convaincant.

SYLVAIN P. Je vous en veux Procureur Johnson, je vous en veux personnellement. Il commence à gratouiller le bec de son perroquet. Hein mon petit Perroco ? Il s’emballe. Oh ouuuuui, ça c’est le petit Perroco à son papounet, oh oui oh oui oh ouuui.

PROCUREUR JOHNSON. Je vous en prie Sylvain P, mettez votre rancœur de côté et acceptez de collaborer avec nos services de police. Cette affaire dépasse de loin le cadre de notre sphère privé.

SYLVAIN P sec. Je refuse de travailler avec vous, si vous vous retirez de l’affaire peut-être considérerais-je l’offre. Il raccroche.

PROCUREUR JOHNSON agacé. Maudit Sylvain P.

Un temps.

Un long temps.

Le téléphone de Sylvain P sonne.

TÉLÉPHONE DE SYLVAIN P avec un accent slave. Monsieur P ?

SYLVAIN P. Lui-même, qui et que me voulez-vous ?

TÉLÉPHONE DE SYLVAIN P formel. Le procureur Johnson s’est vu dans l’obligation de transmettre l’affaire à plus compétent. Un temps. Moi, à l’occurrence : le procureur Sojhnon.

SYLVAIN P. Jamais entendu parler de vous.

PROCUREUR SOJHNON vexé. Si vous n’étiez pas autocentré Américains, peut-être auriez-vous pu entendre mon nom. Je suis considéré comme l’un des meilleurs au monde.

SYLVAIN P. Tenez donc.

PROCUREUR SOJHNON. Je suis venu vous demander de collaborer avec nous, votre présence dans cette affaire est capitale.

SYLVAIN P. Et pourquoi moi ? Des bons enquêteurs il y en a partout.

PROCUREUR SOJHNON. Oui, mais ils ne sont pas comme vous.

SYLVAIN P. Tenez donc, voilà qu’ils ne sont pas comme moi maintenant…

PROCUREUR SOJHNON. Je vous rappelle en fin d’après-midi. Un temps. Merci pour votre
attention.

Le procureur Sohjnon raccroche.

Sylvain P regarde son perroquet, fier de lui.

Il s’allume un cigare.

SYLVAIN P à son perroquet. Je crois qu’on est de retour mon petit Perroco… Il se vautre dans son fauteuil et savoure son cigare.

À suivre…

DANS LE PROCHAIN ÉPISODE impatient. L’enquête est sur le point de commencer. Sylvain P réussira-t-il à percer le mystère de l’assassinat du feu président des États-Unis ? Le Procureur Johnson restera-t-il de marbre face à l’insolence du brillant enquêteur ?

Un temps.

Tant de mystères, si peu d’indices…

Un temps.

À très vite, sur Première Pluie.


Sébastien Brogniart
Couverture : Anaïs