NARI

ÉPISODE 9

 

DANS LE DERNIER ÉPISODE.

 

Le corps ensanglanté de l’ex cadre de la firme transnationale JeSensBon©️ est retrouvé à son domicile. Dans l’impasse, le Procureur Johnson donne une conférence de presse extraordinaire où il révèle au monde ces deux traits symétriques présentant un angle de type aigu en bas du gauche ainsi qu’au dessus du droit. Appelant les citoyens à témoigner, les commissariats sont débordés : trier le vrai du faux semble impossible, le travail est dantesque. 

Dos au mur, le Procureur Johnson soumet au Congrès une demande d’ ouverture de la procédure E-L.1312. C’est la troisième demande de ce type dans l’Histoire des États-Unis et n’ont jamais abouties. Contre toute attente, le Congrès émet un avis favorable à la requête du Procureur Johnson. 

Cher lecteur, bienvenue dans le neuvième épisode de Nari

Un temps.

Le soir du 4 juillet 1776 à Philadelphie.

THOMAS JEFFERSON fier, à l’ensemble de ses camarades. Maintenant que j’ai fini d’écrire cette fichue déclaration d’indépendance. Whisky ? 

BENJAMIN FRANKLIN neutre. Arf, you know Tommy… Les britanniques risquent de nous déclarer la guerre, mieux vaut que l’on se prépare dès maintenant. 

GEORGES WASHINGTON. Vous êtes bien perspicace my dear Benji, au travail. 

Les prédictions de « Benji » s’avèrent exactes. Les britanniques, au nom de la Couronne, déclarent la guerre aux États-Unis.

Un temps. 

1783.

GEORGES WASHINGTON fier, à un collaborateur. Bon, on aura finalement réussi à bien les baiser ces britanniques. Néanmoins, je pense qu’il faut que l’on se prépare au pire.

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. C’est-à-dire ? 

GEORGES WASHINGTON. Nous ne sommes pas à l’abri d’une Grande Bretagne qui nous laisse simplement du terrain pour mieux nous avoir par la suite. You know, comme lorsque nous jouions enfants à celui qui saute le plus loin dans le sable. 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON dubitatif. Je vous prie de m’en excuser mais… je ne vois absolument pas où est-ce que vous voulez en venir… 

GEORGES WASHINGTON. Wait une minute. Il tape dans ses mains, un esclave semblant fatigué arrive aussitôt. Prépare une grande étendue de sable dans le jardin. Il réfléchit. Une dizaine de mètres devrait suffir. Va ! L’esclave s’exécute aussitôt. 

Quelques dizaines de minutes plus tard. 

ESCLAVE DE GEORGES WASHINGTON exténué. Votre étendue de sable est prête sir Washington. 

Un temps. 

GEORGES WASHINGTON à son esclave. T’attends quoi là ? Georges Washington lui assène un coup de bâton. Allez, fiche moi le camp. 

L’esclave s’en va rapidement. 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON à Georges Washington. Les esclaves de nos jours…

GEORGES WASHINGTON. Bon. Dirigeons-nous vers notre étendue de sable, vous allez comprendre mon raisonnement.

Ils se dirigent vers l’étendue de sable. 

GEORGES WASHINGTON à son collaborateur. Placez-vous devant l’étendue de sable et essayez de sauter le plus loin possible à partir de votre position. 

Le Collaborateur de Washington se place devant l’étendue de sable et saute.  

GEORGES WASHINGTON. Bien. Un temps. Maintenant, positionnez-vous au même endroit, faites trois pas en arrière et immobilisez-vous. 

Le Collaborateur de Washington se positionne au même endroit, fait trois pas en arrière et s’immobilise. 

GEORGES WASHINGTON. Maintenant, avant de sauter, faites trois pas en avant. Vous sauterez directement au troisième pas. 

Le Collaborateur de Washington s’exécute. Il atterrit bien plus loin que lors de son premier saut.

GEORGES WASHINGTON. Venez à côté de moi, observez les marques que vous avez laissées sur le sable et décrivez-moi vos déductions concernant notre actualité géopolitique…

COLLABORATEUR DE WASHINGTON concentré. La marque que j’ai laissée lors du deuxième essai se trouve plus loin que la première… Il songe. La deuxième, plus loin que la première… Il rentre en pleine réflexion. 

Georges Washington le regarde avec un grand sourire de fierté. 

Il est tout content. 

GEORGES WASHINGTON ne tenant pas en place. Bon je vous laisse un indice ! Pensez au contexte, à la défaite de la Grande Bretagne… 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. La défaite de la Grande Bretagne… La deuxième marque sur le sable plus loin que la première… Il songe. Mais bien sûr ! Lorsque j’ai reculé de trois pas : le saut que j’ai effectué a atterrit plus loin ! 

GEORGES WASHINGTON fier. Conclusion..? 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. Cela veut dire que c’est peut-être une ruse de ces britanniques ! Perdre aujourd’hui pour mieux gagner plus tard ! Ai-je bon ? 

GEORGES WASHINGTON. Absolutly ! Il faut donc que l’on se prépare à cette éventualité dès maintenant. En croisant les bras. Dites-moi, ne suis-je pas l’Homme le plus brillant de cette Terre ? 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. Vous êtes indéniablement le plus grand génie de l’Histoire. Le plus grand des généraux, le plus grand des présidents des États-Unis ! 

Même si Georges Washington est le premier président des États-Unis et qu’il est donc, par la force des choses, le plus grand. Il prend les flatteries de son collaborateur avec le plus grand des plaisirs. 

GEORGES WASHINGTON reprenant son sérieux. Bon. Afin de contrecarrer les plans machiavéliques de ces satanés britanniques, je vais réunir les plus grands intellectuels et scientifiques de notre nation à partir de la semaine prochaine. Je vous laisse le soin de les convoquer. 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. C’est entendu. 

Un temps. 

À la fin du XVIIIe siècle, les plus grands scientifiques réussissent à partir de bouts de cadavres à créer de toutes pièces un être humain artificiel. Ils lui ont incorporé toutes les connaissances dont ils disposaient afin de créer ce qu’il semble être : l’arme ultime contre les britanniques. Ils leur donnent le nom Extrême-Lucide.1312. Le nombre 1312 étant un hommage à tous les contributeurs de cette sinistre invention. 

Un temps. 

Dans le laboratoire contenant l’expérience E-L.1312, la crème intellectuelle, scientifique et politique du pays se trouvent en cercle autour du sujet E-L.1312. 

Un temps.

Phase de test final. 

SCIENTIFIQUE 1. Bien. Nous allons entamer la phase finale de l’expérience en donnant la vie à l’omniscience même. Elle est plus intelligente qu’un million d’hommes bien qu’inoffensive physiquement. Quoi qu’il advienne, si jamais le test tourne mal, nous pourrons toujours le contenir et l’enfermer quelque part en attendant d’éventuelles révisions. 

GEORGES WASHINGTON. Parfait. Il se frotte les mains. 

Le Scientifique 1 injecte un étrange liquide au sein du sujet E-L.1312. 

Un temps. 

Un long temps. 

Rien ne se passe.

GEORGES WASHINGTON stressé. Est-ce là un échec ? 

SCIENTIFIQUE 1. Une petite seconde. Le Scientifique 1 s’approche d’E-L.1312, il tend son oreille au nez du sujet afin de voir si il respire. 

Un temps. 

SCIENTIFIQUE 1 neutre. Le sujet ne respire pas. 

Taulé dans la salle. Les scientifiques murmurent des choses inaudibles, Georges Washington semble énervé. 

GEORGES WASHINGTON furieux. Tant de temps et d’argent gaspillé ! C’est une honte ! M’entendez-vous ? Une honte ! Ce n’est pas le bout du monde quand même de / 

SUJET E-L.1312 émergent. / Où suis-je..? 

GEORGES WASHINGTON effrayé. HIIIIIIIIIIIIIIIIII ! Il saute dans les bras de son collaborateur.

Le Sujet E-L.1312 regarde avec attention son corps et son environnement. L’assemblée est stupéfaite.

SUJET E-L.1312 lucide. Oh, je vois… Scientifiques, votre expérience est réussie. Félicitations.

Georges Washington perd connaissance. 

Un temps. 

Le Sujet E-L.1312 suite à sa flagrante inoffensivité physique est mis, quelques jours après son éveil, en totale liberté. Le gouvernement américain avec l’appui de la communauté scientifique lui font entièrement confiance. 

Un temps. 

Quelques mois plus tard, au bureau de Georges Washington. 

GEORGES WASHINGTON furieux, à son collaborateur. Pouvez-vous m’expliquer ce qu’est ce ramassis de conneries ? Il lui montre un livre.

Le collaborateur du président reste muet. 

GEORGES WASHINGTON. Bon, j’observe que vous ne comprenez pas. Je vais vous lire l’intitulé de ce torchon. Il est écrit ceci, je cite : « Les Dérives d’un système voué à l’échec ». Je ne me ferai pas l’affront de vous énoncer le sous-titre. 

En contrebas du titre est inscrit en petites lettres : « Pourquoi est-il impératif de nous insurger avant qu’il soit trop tard ».

GEORGES WASHINGTON. J’ai lu cette abomination et savez-vous ce qu’il en résulte ? Il est question d’égalité raciale, des sexes et de tolérance. Il remet en cause ce qu’il appelle un, je cite encore une fois : « système dirigé par une classe blanche masculine privilégiant leurs intérêts au détriment du peuple ».  Bordel ! 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. Pourquoi vous mettre dans cet état ? Vous êtes considéré comme un héros. Les américains, s’ils savent lire, ne croirons guère cette infamie… 

GEORGES WASHINGTON. Justement ! Ce qui m’inquiète, ce sont les mouvements que cet écrit provoque. Une infime partie du peuple est en train de s’insurger, il faut extraire la gangrène de notre Amérique avant qu’elle ne se généralise. Les gens sont crédules savez-vous… 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. Qui est l’auteur de ce surprenant manifeste ? 

GEORGES WASHINGTON. L’ouvrage n’est pas directement signé. À la fin par contre, la mention « Enquêteur-Lucide.1312 » apparaît. Tout indique que c’est le Sujet E-L.1312 l’auteur de cet écrit. Il est temps de l’isoler, de le faire passer pour fou et de recommencer les tests. Transmettez cette information à l’armée et à nos scientifiques. 

COLLABORATEUR DE WASHINGTON. Bien. 

Un temps. 

Sous les ordres du président Georges Washington, le Sujet E-L.1312 est arrêté. Il est enfermé dans un laboratoire afin que les scientifiques procèdent à des tests supplémentaires. Physiquement inoffensif, E-L.1312 est contraint de se soumettre. La révolte soulevé par l’ouvrage qu’il a discrètement signé et rapidement enrayé par l’armée américaine. Un peu plus tard, les citoyens oublient, l’ouvrage disparaît. Dans l’espoir qu’un jour les scientifiques arrivent à trouver un juste dosage entre intelligence et soumission, ils gardent E-L.1312 enfermé. Une trace de son existence reste néanmoins, à travers le formulaire qui porte son nom, le formulaire :  E-L.1312. 

Le temps passe. 

Première moitié du XIXe siècle, les progrès techniques permettent aux scientifiques de réviser le Sujet E-L.1312. Enfin, E-L.1312 semble parfait et utilisable. 

Une première demande d’ouverture du formulaire E-L.1312 est déposée par Abraham Lincoln lors de la guerre de Sécession.

Elle est rejetée par le Congrès, déclarée trop risquée. Ils pensent, à raison, qu’ils peuvent s’en passer pour gagner la guerre.  

Une deuxième demande d’ouverture est effectuée par John Fitzgerald Kennedy courant 1962.

E-L.1312 semble de mise face à la crise des missiles de Cuba. Encore une fois, le Congrès rejette la demande, jugée trop périlleuse. 

Une troisième demande est établie en 2020 par le Procureur Johnson. 

Le monde est en branle suite à l’assassinat du président des États-Unis Donald J. Trump, du Brésil avec Jaïr Bolsonaro et de l’un des ex membres de la firme transnationale JeSensBon©️. Les commissariats du pays sont débordés par les informations des citoyens concernant le lien de ces trois crimes. 

E-L.1312 serait utile selon le Procureur Johnson pour faire le tri dans toutes les informations reçues. 

Contre toute attente, la demande est acceptée. 

À suivre…

DANS LE PROCHAIN ÉPISODE impatient. Le Procureur va faire une étrange confession. E-L.1312, pour la première fois depuis près de trois siècles, renouera avec le jour. 

Un temps. 

Tant de mystères, si peu d’indices… 

Un temps. 

À très vite, sur Première Pluie.


Pièce écrite par Sébastien Brogniart pour Première Pluie / Illustration par Anaïs Tazibt pour Première Pluie