En se mettant sans faire exprès du miel sur les doigts en préparant son thé, je me suis dit, qu’elle était là pour un moment, et que c’était sacrément chic. Parce qu’elle a des choses à dire, qu’elle écrit terriblement bien, parce que sur scène elle a de quoi conquérir le monde comme à la barre d’un navire pirate. Parce qu’elle habite la rue des images qui peuplent son imagination. Parce que ses chansons sont des nouvelles, des manifestes, des exercices de styles, des fleurs aux douces épines. Parce qu’elle a la grâce de la vérité.

Le premier ep de Joanna s’appelle Vénus, il est sorti en janvier 2020. Vous pouvez l’écouter ici.

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Joanna, tu vas monter sur scène dans quelques minutes, comment tu te sens ? 

Je ne suis pas très stressée, même si j’ai un peu la pression. Je ne sais pas comment ça va se passer, mais ça va ! 

Là, tu disais que le bruit du frigo t’inquiétait, tu ressens les choses plus fort là ? 

J’ai un peu tout mes sens en éveil oui. Je ne peux pas manger, j’ai la gorge serrée. C’est un peu horrible. Quand j’arrive sur scène, je tremble, et après ça passe. J’avoue que la première chanson, ce n’est pas celle que je savoure le plus. Mais après ça va. 

Tu es très habitée dans ton processus de création, comme sur scène d’ailleurs, qu’est-ce qui participe à cette énergie ? 

La mélancolie c’est un sentiment qui m’habite. Du coup, c’est un peu ma source d’inspiration. La solitude, la tristesse, ce sont un peu les basiques de mon processus de création. La pression, aussi, me booste. Sinon, les livres, les films, les histoires. 

La mélancolie c’est un sentiment qui m’habite. Du coup, c’est un peu ma source d’inspiration.

Oui j’ai reconnu le livre dans ton sac ! 

C’est Asphyxiante culture, de Jean Dubuffet. C’est un délire, je ne comprends pas tout, mais j’aime beaucoup, c’est ma lecture du moment. Sinon, pour revenir à ta question, je suis inspirée par les histoires de mes amies, des témoignages que je peux lire. N’importe quoi en fait. Les choses aussi qui me révoltent parfois. 

C’est des états dans lesquels tu cherches à te positionner ? 

Ça vient tout seul, je ne cherche pas forcément des états. 

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Dans ton travail, il y a deux termes qui dialoguent et se croisent, c’est la féminité et le féminisme. Je n’avais pas prévu d’en parler mais ce que tu dis est très intéressant, alors parlons-en. 

C’est un peu toute ma vie. Je suis une femme. J’ai un peu été éduquée en devant rester sage et discrète parce que je suis une fille. À l’adolescence, je me suis interrogée sur cette condition. J’ai été saoulée de ne pas pouvoir m’exprimer comme je l’entendais. Notamment dans le processus de création. J’ai parfois l’impression que quoi que fasse un mec, il y a des gens qui vont le trouver chaud. Alors qu’une fille, on en attend plus. On trouve ses paroles trop simples, ou je ne sais pas. Alors que ça peut juste être le délire qui veut ça. Bon, garçon ou fille, quoi que tu fasses on peut toujours trouver quelque chose, mais c’est plus flagrant quand tu es une femme. 

La musique m’a toujours rattrapée quand j’ai voulu faire autre chose.

Parce qu’il y a moins de femmes dans le milieu aussi. 

En vrai ouais ! Et même parmi les techniciens. Il n’y a que des mecs. C’est bien hein, mais le problème c’est quand tu arrives dans ce milieu en étant une femme, bah tu fermes un peu ta gueule. T’as l’impression d’être de trop. J’ai beaucoup ressenti ça. Je ne sais pas comment l’expliquer. C’est un peu de la révolte. J’ai parfois eu l’impression qu’on ne pouvait pas le faire. 

Il y a un son que tu n’as pas encore sorti à l’heure où on se parle, il s’appelle Pétasse, il m’a marqué, je te laisse en parler j’ai peur de l’abîmer. (Le morceau est désormais sorti, sur son premiep ep, ndlr)

Je me suis mis à la place d’un homme. Justement, j’étais saoulée par des représentations, des comportements. Alors pour mieux comprendre, je me suis transposée dans un personnage horrible. 

Tu participes beaucoup à la réalisation de tes visuels, pourquoi c’est important ? 

De base, je partais sur une carrière une carrière de l’image et du cinéma. Mais bon, la musique m’a toujours rattrapée quand j’ai voulu faire autre chose. Quand j’écris une chanson, j’ai plein d’images qui me passent dans la tête. Limites les images viennent avant la chanson. C’est un mélange. Donc pour le moment je n’imagine pas que quelqu’un d’autre fasse le clip, sans mettre les images que j’avais en tête. Et puis j’aime trop. Tout se complète. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ?

C’est super doux. J’imagine un truc doux. Un début de pluie au printemps. J’imagine de l’herbe, des fleurs et des gouttes d’eau qui tombent doucement. J’imagine une pluie au ralenti. Avec de la brume.

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Interview réalisée en février 2019, dans le cadre du festival Génériq.

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Arthur Guillaumot