Prenez vos places pour écouter et voir Mélodie Lauret au Théâtre des Déchargeurs, mardi 10 mars, à 19h. 

Elle est l’une des sensations sur la jeune scène française. Sensations comme le poète de 17 ans, qui foule l’herbe menue pour découvrir. De sensations, de découvertes, il en est justement questions dans les réponses qu’elle donne. Elle écrit ses émotions, qu’elle chante ensuite. Ça semble très simple, mais ça prend les allure d’un raffinement certain chez elle. De jeunesse aussi, il faut parler, à son propos. La vraie jeunesse, celle qui s’empare et invente. Une vingtaine à peine et déjà des années de créations. Qui viennent se figer un peu, prendre la pose sur un ep. 23h28, son premier ep, sort aujourd’hui. Comme un rendez-vous tardif. Précis aussi. Précis il l’est, cet ep. À l’heure pour dire la vie. Les tumultes des émotions. Certaines mélangeront les chiffres. Mais elle est déjà là, habillée de ses envies de tout, de dire, de créer, de réinventer. Elle s’appelle Mélodie Lauret, et elle a les épaules pour dire son temps. 


Arthur : Comment tu te sens, dans quel état d’esprit tu es, au moment de la sortie de ton premier ep, 23h28 ?

Mélodie Lauret : J’avais hâte et en même temps peur. Ça fait très longtemps qu’il existe pour moi et pour mon équipe. C’est assez effrayant de se dire que ça va exister pour d’autres gens. Mais en même temps il y a une excitation folle et il y avait une impatience immense. J’ai envie que ça existe. 

Arthur : Qu’est ce qui te fait peur ? Qu’est ce qui pourrait mal se passer ? 

Mélodie Lauret : C’est des choses qui me sont tellement personnelles et tellement intimes… Il n’y a rien que je raconte que je n’ai pas vraiment vécu ou pensé ou aimé. C’est pas de la peur, plutôt de l’appréhension, par rapport à la réaction des gens. Comment ils vont ressentir, eux, des choses qui m’appartiennent à moi. Est-ce que ça va leur parler. Est-ce que c’est juste moi, dans mon délire. 

Et puis, j’ai envie que ça fonctionne tout simplement. J’ai envie que ça continue. C’est un métier où on dépend beaucoup de la réception des autres, alors j’espère que ça va bien se passer pour pouvoir continuer. 

Arthur : Qu’est ce qui t’ennuie ? J’ai l’impression que ton processus créatif il vient d’un besoin de renouvellement permanent. 

Mélodie Lauret : J’ai 1000 idées, 1000 choses que j’ai envie de faire. C’est assez naturellement que ça se passe comme ça. Tout se fait très spontanément. J’écris mes chansons très rapidement. Toujours au moment où ça se passe. Au moment où j’ai cette pensé, au moment où j’ai cette émotion. Elles existent à mon rythme. En ce moment j’ai une période assez calme au niveau de mes émotions. Donc je n’écris pas énormément. Mais j’ai des phases où je vais écrire 5 chansons par jour. Parce que c’est comme ça que je vais vivre cette journée là. 

Arthur : Alors comment tu as fait pour contenir toutes ces émotions dans les 5 chansons de l’ep ? Tu as dû faire des choix j’imagine. 

Mélodie Lauret : J’en ai 1000 autres qui existent. J’ai dû faire des choix oui. Ce que j’avais envie de montrer en premier. De quelle manière j’ai envie de me présenter. C’est un peu mes premiers pas dans ce monde. C’est la façon dont j’ai envie de me définir au début. 

C’est aussi des questions de moments, de rencontres, qui font qu’elles existent en premier. Evidemment il y a toujours une espèce de frustration. 

Arthur : Ça aussi ça fait peur ? De figer des moments ? 

Mélodie Lauret : Surtout à mon âge. Ça évolue tellement vite. Il y a des choses qui me paraissent déjà passées. Mais c’est aussi un travail de se réapproprier les chansons au fur et à mesure du temps. 23h28 c’est une chanson que j’ai écrite il y a deux ans. L’histoire de cette chanson, je me la suis réappropriée maintenant. Avec mes émotions, mes rencontres actuelles. J’ai appris à mettre mes chansons dans mon quotidien. 

Arthur : C’est ça une bonne chanson ? Une chanson qu’on peut défendre même deux ans après ?

Mélodie Lauret : Je ne sais pas si c’est une bonne chanson. Mais la façon que j’ai choisie pour être toujours sincère. C’est important pour moi d’être hyper sincère et brute. Même dans l’interprétation. J’ai pas envie d’essayer de retrouver ce qu’il se passait à ce moment-là. Je veux vivre mes chansons à l’heure actuelle. C’est important pour la scène. 

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Arthur : Je me demandais dans quelle mesure tu pouvais garder cette spontanéité qui a fait ta force – notamment dans tes vidéos passées – tout en figeant des chansons sur un ep. 

Mélodie Lauret : La spontanéité est toujours là malgré tout. J’ai du mal à retravailler des textes plus tard. Pour moi les choses existent à un moment. Si j’ai besoin de me lever à 3h du matin pour écrire, ça sera à ce moment là. Maintenant la seule différence c’est que j’accepte de retravailler des choses. On ne pouvait pas faire un ep avec mes notes de la nuit et ma voix au dictaphone en pyjama. Mais dans l’idée, les choses restent brutes et spontanées. Je touche assez peu aux mots. 

J’ai aussi accepté de travailler avec d’autres gens. Je travaille avec un auteur qui s’appelle Antoine Graugnard. J’étais très réticente à l’idée de travailler avec un auteur. J’avais tellement de choses à dire et j’avais tellement l’impression de m’être censurée pendant longtemps. Je voulais que ça soit mes mots à moi et que personne n’y touche. Et je me suis rendue compte que tout pouvait être à moi tout en travaillant avec quelqu’un. Avec Antoine ça a bousculé mes certitudes. On bossait en communiquant, ça a été un travail intime au delà de l’artistique. 

Arthur : De quel besoin, de quelle envie, ça vient cette façon que tu as de toucher à tout ? 

Mélodie Lauret : En fait, j’ai commencé l’art de manière générale en faisant du théâtre. J’ai commencé à 5 ans, j’ai grandi avec le théâtre. Très tôt j’ai voulu être comédienne, je voulais que ça soit ça ma vie. Mais au fur et à mesure j’ai eu le besoin et l’envie d’utiliser tous les moyens possibles pour parler de mes émotions. J’ai toujours été fasciné par les mots.

Quand j’étais au collège, je me présentais aux élections de déléguées juste pour pouvoir écrire un discours de 4 pages et mettre des rimes dedans. Après ça je suis allée vers des formes de prose, des poèmes. Au final, avec le temps, j’ai commencé à écrire des chansons, à écrire un spectacle de théâtre. J’ai écris mon concert des 18 & 19 décembre aux déchargeurs, j’ai pris du plaisir à intégrer des interludes théâtrale.

Tout ça ça vient d’une soif de toucher à tout mais aussi d’en besoin oui clairement. Mes émotions mes submergent. Si je ne fais pas ça, j’explose. Tout simplement. 

Arthur : Il y a des moments figés dans ce premier ep. Des moments qui sont parfois les peintures d’années entières j’imagine. Elles avaient 15 ans, c’est une chanson sur une époque de ta vie. C’est un âge. Minuit quelque part c’est quelque chose de ponctuel. 23h28 c’est un horaire carrément. Quand j’entends les gens c’est un moment de vie qui sert de constat. Tes cheveux c’est une chanson sur l’espace précis du corps. Souvent c’est galvaudé de dire qu’une chanson est un instantané. C’est les gens qui n’ont rien à dire qui dise ça. Mais là je suis embêté, c’est vraiment des instantanés. On peut le dire tu crois ? 

Mélodie Lauret : (Rires) Oui tu peux. C’est même très juste. 

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Arthur : De quoi 23h28, ton premier ep, est-il le début, la première fois ? 

Mélodie Lauret : C’est le début d’une aventure musicale j’espère. Le début d’autres chansons. Le début des concerts. Peut-être l’ouverture de portes vers le cinéma et le théâtre. 

Arthur : C’est une envie que tu as cultivé avec la chanson en parallèle ? 

Mélodie Lauret : Bien sûr ! Je cumule. Le théâtre j’y ai beaucoup touché, le cinéma j’attends encore. 

Arthur : Comment tu te situes dans notre génération ? Une génération de changement, de révoltes, de causes communes. 

Mélodie Lauret : En fait je suis contente parce que ma position me permet d’être porte-parole de choses. Je trouve que j’ai beaucoup de chance. J’ai l’âge que j’ai mais on va beaucoup plus m’écouter que des gens qui n’ont pas la parole. Alors j’essaye vraiment de prendre cette parole et de dire ce que j’ai envie de dire. 

Arthur : Qu’est ce que tu trouves transgressif ?

Mélodie Lauret : C’est compliqué comme question. C’est un terme que j’ai du mal à définir. 

Peut être que c’est ce qui sort de la norme ? Je crois que ce qui est transgressif c’est ce qui se revendique transgressif. Je pense qu’on peut faire des choses transgressives sans les revendiquer comme telles. C’est un peu une question de choix. 

Arthur : On va terminer cette interview par notre question rituelle : Ça t’évoque quoi la Première Pluie ?

Mélodie Lauret : La première pluie, c’est une première fois. Des premières larmes. Un premier émoi. Une première émotion.


23h28, le premier ep de Mélodie Lauret sort aujourd’hui vendredi 29 novembre, et il est trop tôt pour qu’on se quitte sans que vous l’ayez écouté. 

French Flair / Sony 

 


Interview : Arthur Guillaumot / Photos : Sarah Balhadere