Espoir de la chanson, illuminé des poésies, cheveux en bataille à la ville, Arthur Ely met tout le monde d’accord partout où il passe. Chez lui sur les beats raps, chez lui sur les textes fredonnés. Petite discussion avec celui qui prétend faire l’amour à des tableaux, et qui confie avoir eu une crise existentielle ces derniers mois.

Arthur G : C’est évidemment en rapport avec le titre d’une de tes chansons, mais je me demandais, quand est-ce que tu te sens libre, toi ? 

Arthur Ely : Je sais pas si c’est un truc acquis. Je pense que c’est un état qu’on recherche en continu. Dans la musique, c’est de pouvoir faire ce que j’ai envie de faire. 

De quoi ça t’a émancipé, la musique ? 

Déjà, ça fait quelques mois que ça me permet de vivre. Et puis je travaille avec une matière première les émotions et je suis content de faire ça. Quand je réfléchis, je ne sais pas quel autre métier m’aurait intéressé. Le fait que mon boulot tourne autour de créer et de chercher des émotions. De travailler sur ce que je ressens, et comment le transmettre, je trouve que c’est beau. 

En plus maintenant il y a la main rassurante du Fair qui t’accompagne. 

C’est vrai que ça c’est cool. En plus c’est le plus vieux dispositif d’accompagnement. Pour les gens qui regardent de loin, ça rend le projet sérieux. Au Fair, ils sont très investis, il y a un vrai suivi. On échange, on discute. 

Le Fair, ça marche par promotion, je pense à un artiste comme Zed Yun Pavarotti, qui en est aussi, il y a de plus en plus de projets comme le tien, hybride, qui piochent dans plusieurs styles. 

ça me plaît beaucoup. C’est un des trucs cools de notre génération, parce que je crois qu’on est de la même. Le fait d’être très décomplexé avec les styles de musique. T’as plus besoin de t’habiller comme un punk pour faire du punk, ou urbain pour faire du rap. Le premier qui m’a marqué, même si ça fait longtemps que ça existe, c’est Tentation. Même si à la base tout le monde le décrit en rappeur un peu hadrcore, sur l’album tu as des ballades folks magnifiques, des trucs plus punks. C’est un truc de notre génération. Moi qui vient plutôt du rock, avec un phase jazz, enfin plutôt de l’instrumental. Je fais des prods seulement depuis quelques années, ça me parle quand je vois des gens décomplexés avec ça. Et c’est pareil pour le public. Je pense aussi à quelqu’un comme Silly Boy Blue avec qui je m’entends très bien. 

« Je trouve que je suis chanceux de faire un métier où j’ai les mains dans l’humain. » 

Dans ton processus de création, qu’est ce que tu essaies de renouveler à chaque fois ? 

Je fonctionne par phases. J’ai des obsessions. Parfois je cherche pendant un mois. L’année dernière j’apprenais, j’avais envie de me sentir légitime sur les beats rap. Ces derniers mois j’ai plutôt pas mal repris la guitare dans la manière dont je compose. L’idée c’était de réintégrer le côté rock que j’avais au début. J’intellectualise pas tellement que ça. Mais ces derniers mois je suis content il y a des sonorités vraiment nouvelles, des nouvelles rythmiques. 

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photo : Sabine Villiard

Tu fais de la musique pour qui, toi ? 

Avant tout pour moi. C’est un besoin. Je m’arrête jamais. Je ne sais pas ce que je cherche. Je pense que je le trouverai jamais. Comme la liberté. Le seul truc intéressant c’est de chercher. Mais ça rejoint ce qu’on disait juste avant. Je trouve que je suis chanceux de faire un métier où j’ai les mains dans l’humain. C’est après avec la scène, et avec la réaction des gens que je suis heureux. S’il y avait pas de réaction des gens, je ferai pas autre chose. Je continuerai.  

« Cette année, pour moi, c’est comme si Dieu était mort. »

Quand est-ce que tu t’es dit, “là je suis en train de devenir adulte” ? 

ça a pas été du jour au lendemain, mais presque. C’était sur l’année qui est passée. ça coïncidait avec les premiers projets que je sortais de la musique de façon professionnelle. L’impression de passage à l’âge adulte, c’était lié la musique. Jusque là j’avais fait que de la musique dans ma chambre et des concerts en guitare voix, je me disais “un jour je sortirai des trucs”. 

Le fait que ça devienne réel, ça a détruit la fiction. J’ai commencé à me poser des questions. 

J’ai eu l’impression que j’étais religieux et que soudain je ne croyais plus en Dieu. Cette année, Dieu est mort. Un truc me faisait avancer depuis l’adolescence, et maintenant je construis quelque chose de nouveau. 

Et puis il y a aussi des trucs personnels. Comment tu voyais ta famille et comment elle est vraiment. La réalité. 

Ils ont ressemblé à quoi tes moments de doutes ? 

Avant cette année, il n’y en a pas eu un. Après, cette année, comme je te dis, il y en a eu plein. Des doutes. “À quel point c’est intéressant ce que je raconte ?” “Qu’est-ce que j’ai vraiment envie de faire ?” Des questions qui se posent au bout d’un moment avec la création.

Mais depuis le bac, pendant 5 ans, j’avais pas un moment de doute. Je faisais que du son et je savais que j’allais faire ça. Je jouais partout où je pouvais, j’étais jamais frustré. Je te dis j’étais religieux. J’avais la foi. 

Crédit @2L2T - Arthur Ely Presse3 300DPI
photo : 2L2T

Qu’est ce que tu trouves transgressif ? 

C’est une bonne question… Il y a tellement de postures transgressives traditionnelles qui ont été récupérées par la pub, par tout, que c’est pas évident de dire ce qui est transgressif. C’est peut-être abstrait ce que je dis là. Je dis ça par rapport à ce que je vois dans les pubs de mode. Je trouve ça super stylé, mais ils réutilisent des trucs de punk qui étaient veners à l’époque. Et ces postures sont complètement bouffées par l’argent, par le système aujourd’hui. Très peu d’artistes sont transgressifs, ils font et disent ce qu’on attend d’eux globalement. 

Après personnellement, le truc le plus transgressif que je fais, et ça je vois encore un espace de transgression là-dedans, c’est que j’habite en squat à Paris. Tu vis dans des bâtiments vides. J’habite avec une dizaine de personnes. ça fait deux ans maintenant. On organise des événements, il y a toute une logique. Il y a une mauvaise image du squat. Mais sans le squat je n’aurai jamais pu me concentrer sur la musique. Je trouve que c’est encore une posture transgressive. Il y a des gens qui font des tas de choses. C’est un vrai modèle, avec des réunions tous les dimanches soirs pour programmer les événements de la semaine. Même la vie en communauté c’est presque de la transgression. 

Qu’est ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

La Première Pluie ? Un refresh, un reboot, un truc qui rafraîchit, qui enlève les toxines. Un truc qui fait aller mieux.  


  • Arthur Guillaumot, à La Vapeur, Dijon, le vendredi 24 janvier 2020, pour une soirée Fair Party en double affiche avec Pomme. Photo de couverture : Sabine Villiard.