C’est le moment où je saute tout habillé au milieu du lac, au moment où le soleil se couche. Le moment où je dois rester en apnée le plus longtemps possible. J’ai le temps de me sentir libre. En remontant, je me fracasse la tête. Gros choc, mais pendant que mon corps retombe sous l’eau, je me dis quand-même que même cette douleur, participe d’un sentiment global et définitif de liberté. 2020, malgré les chocs en remontant, restera pour moi une année de liberté, de sensations, et d’audace. 

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Top album 

Cette année était une année de mutation. Les grands carnassiers n’étaient pas là, trop peur de rater les corniches, en des temps sombres où la musique était empêchée. Alors planait dans l’air un excitant sentiment de révolte. Quand je regarde un peu mon top, je vois des projets hybrides, qui ont profité de cette année pour assumer leur mutation. Cette année bizarre semblait taillée pour elles et eux. C’est ce que j’ai voulu consacrer ici.

1 – Beauseigne – Zed Yun Pavarotti 

Clairement l’album que j’ai le plus attendu et le plus aimé cette année. Il a commencé à se dévoiler au début de l’année, au temps des confinements. À cette époque-là, j’étais loin d’être le plus grand défenseur du stéphanois, dont on détectait des ardeurs sur French Cash (2019), mais qui peinait à garder les caps et les lumières. C’est chose faite sur Beauseigne, son premier album, un geste radical et sanglant, où les brûlures sont des Illuminations, où le bandit et le poète fuient ensemble par les collines. Quand j’écoute cet album, je ne sais pas où je suis mais je sais que nous existons. Lalaland a gribouillé mes couchers de soleil et les autres chansons sont parfaites pour ce temps de chien où on a tous envie d’être anglais et de porter des anoraks en se battant près d’un pavillon. 

2 – Trinity – Laylow 

Il faut voir les gueules qu’on avait, les sappes qu’on portait. J’ai l’impression d’être ce vieux mec, qui va te raconter ce que c’était et ce qui n’est plus. Mais ce n’est pas le cas. J’ai écouté tous les types qui se parent d’or aujourd’hui comme des chevaliers du Zodiaque. Leurs trébuchements magnifiques sont devenus des empoignades du cœur. Cette année devait devenir celle de Laylow. Et c’est mérité, il a trouvé, Perceval, et est revenu raconter sa quête du croisement entre le corps et le cœur dans un album concept et sensationnel.

3 – Gore – Lous And The Yakuza 

La grande hype de l’année. Et il fallait tenir le coup. Assurer. Avoir fait un grand album. Parce que tout le monde attendait de pied ferme. Et maintenant, on sait, on saigne, on se fait tirer la chiale par ce premier album superbe et brut. Gore. Gifle picturale d’un sens, caresse coupante de l’autre. Lous And The Yakuza, avec ses rythmes, avec ses tripes a décroché la couronne de cette année de folie magnifique.

4 – Sexy Planet – Bonnie Banane 

Sous les beaux manteaux, il y a de beaux secrets, qu’on se passe, entre initié.e.s. Sous les plus belles étoffes se baladaient la nouvelle : le premier album de Bonnie Banane arriverait pour la fin de l’année. Comme l’hiver. Comme la mélancolie. Sexy Planet est une ballade superbe, dans un val où les chevaliers se transforment en diamant et où les fleurs savent des langues inconnues. On parle souvent d’univers artistiques, nianiania. Il faudrait ajouter que Bonnie Banane sait le mieux peindre les vertiges et les visions.

5 – Pour de vrai –  Ichon 

Encore un premier album de papillon. Un de ceux qui a marqué l’année, et surtout la rentrée. Pour de vrai, est devenue une de mes expression favorites. Cet album a la force sereine d’être un état d’âme, et d’esprit, et du monde et de la vie et de tout. Ça fleure la réalité pure du nouveau Ichon, enfin le vrai Ichon, vous me suivez ? Il a eu envie de faire des pianos-voix ? Il en a fait. Régler des comptes avec son coeur, boxer les années, taper dans le bide de ses 30 premières années de vies terrestre. Un album qui a les contours solides du diamant, avec le coeur fondant.

6 – Gong ! – Catastrophe 

Mon plus grand regret de l’année reste de ne pas avoir pris le temps de livrer le grand article sur Gong ! sur lequel je travaille depuis la sortie. Je suis depuis le début fasciné par la force de conviction, de couleurs, d’âme, du groupe. Une année empêchée, pour ces magicien.nnes de la scène, qui savent dompter toutes les météos. Je sais qu’en 2021, avec la balafre du manque qui glisse, ils sauront courir aussi vite que les icebergs. Et ils pourront encore mettre de la couleur et de la vie partout.

7 – Scuba – Eden Dillinger 

Requin d’audace, Eden Dillinger a sorti son premier album, Scuba, en mars dernier. Il a fait un truc rare, avec son complice Piège : ils se sont donnés le temps. Le temps des doutes, le temps de la mutation, le temps de comprendre leur musique intérieure, pour laisser rugir les notes sincères. Un geste radical aujourd’hui, qui a donné naissance à un album hybride, où chaque note irrigue une idée, où chaque mot a des airs de révolution en cours. Exercice brillant.

8 – Dévorantes – Aloïse Sauvage 

Toute ma tendresse va à Aloïse Sauvage pour les empêchements. Parce que je peux vous dire qu’elle serait bien plus haut partout si elle avait pu faire sa campagne de date, sa moissons de scènes. Son premier album, Dévorantes, paru en février dernier, renseigne sur les mouvements des muscles, sur les déplacements possibles des émotions. Et dans nos intérieurs obligés, Aloïse Sauvage a su livrer un premier tableau passionnant, avec de la musique pour tous les états.

9 – The New Abnormal – The Strokes 

Juste pour faire genre que j’aime encore bien quand ça piaille en anglais.

10 – Les Forces Contraires – Terrenoire

Dans le premier album des frères, il y a tout ce qui fait de nous des humains. Des tristesses et des joies, des rites et des fulgurances, des fragilités d’être, des difficulté d’avoir, des grâces, des questions. Terrenoire, c’est un paradis sombre, où la lumière est une promesse atteignable, elle existe. En mesurant la taille de leur âme, les deux frères ont fait un album qui fait du bien. Du miel de sens et de sensualité. Une musique cataplasme avec des cataclysmes sur des catastrophes.

11 – L’ère du Verseau – Yelle

Reine araignée, qui se déploie de toute son envergure, moderne et luisante, la pop caïde du duo Yelle s’est hissée à son meilleur niveau pour galoper sans limites entre les genres, les sons, les sentiments. Un album de grabuges intérieurs, qui fait du bien, qui se secoue, qui sent le mouvement et l’iode des grands départs.

Remarque 1 :
Comme souvent, les fins d’années sont chargées niveau sortie. Les gros vendeurs physiques se réveillent pour les fêtes. Donc on a pas le temps de faire vivre les albums avant les tops. Tant-pis. Oui j’adore la Don Dada Tape, Dinos est pas mal du tout, Kalash Krimi déchire, Kid Cudi j’en parle même pas et ça y est je me décoince sur Whole Lotta Red de Playboi Carti.
Remarque 2 :
Oui, j’ai sans doute oublié des albums que j’adore, car je suis un humain
et que par conséquent je suis plein de failles…

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Top boisson

Grosse année pour découvrir de nouvelles boissons (parce qu’on était tout le temps à la maison t’as capté). Voilà le top 3 qui rythme ma vie désormais.

1 – Le maté c’est vraiment ma révélation, j’adore, mon nouveau petit côté argentin.

2 – Pareil, les infusions d’Hibiscus, ou Bissap, que j’ai goûté avec Ichon, depuis j’en bois tout le temps.

3 – Et enfin le jus de citrons, le classique éternel depuis toujours, avant d’aller courir, histoire de vomir en chemin, mais putain ça fait du bien d’être en vie. Citronnade pour tout le monde.

4 – Bonus juste pour dire que j’adore boire des bières sous la douche.

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Top Livres

1 – Les carnets – Arthur Guiomo

Juste le boss. On l’attendait depuis longtemps, le petit prince des blagues a enfin tenu parole et signe un premier recueil de poésies. Des textes compilés entre 2015 et 2020, qui font du bien. Sans doute l’ouvrage majeur de ce début de siècle. On lui a proposé le Panthéon de son vivant. Mais un peu trop frais pour lui. En plus, c’est sorti au éditions Première Pluie, parce que ce mec est une start-up nation à lui tout seul. Bref, achetez-le ici tout de suite.

2 – La petite dernière – Fatima Daas

Je suis très touché par ce texte qui pourtant ne me concerne pas aux premiers abords. Ou alors si ? Si, justement ? Et si ce texte n’était pas celui qu’on a présenté partout. C’est ce que je me disais avant même de m’enfiler quelques grenadines et menthes à l’eau avec l’auteure. Un point humble et riche, qui bouleverse en profondeur. La petite dernière consacre les paradoxes, les doutes, l’envie de ne pas avoir à choisir, et les différences qui enrichissent. Pour de vrai. Et tout ça avec un style vif et intelligent, qui parle à une génération en fleurs. Notre prix de la Première Pluie.

3 – Les Corps Insurgés – Boris Bergmann 

Nage Libre, le précédent roman de Boris Bergmann était une réussite époustouflante. Est-ce qu’il a récidivé le coup de maître avec Les Corps Insurgés ? Oui. Nouvelle plongée intime. Un coup à l’italienne, de grâce, celle de l’étude patiente des êtres, des sens, des formes. Ce livre est une merveille, un bouquet de peau, qui connaît les recoins secrets de la vie. Et rien que pour ça, il faut étudier de près les mots de Bergmann, qui explore et continue d’apprendre, textes après textes. C’est passionnant et bouleversant d’humilité.

4 – Le consentement – Vanessa Springora 

Très heureux de vivre dans un payx où un livre peut provoquer le séisme provoqué par Le Consentement de Vanesse Springora. Un texte d’une poigne sans égard, qui fait les souffles courts, qui raidit les muscles. Une vérité profonde et infiniment sensible, qui ne peut pas se lire sans vagues internes. Un livre qui change les choses et qui a en plus l’audace d’être très bien écrit.

5 – Impossible – Erri De Luca 

Erri De Luca existe, il est vivant, il est là, et ça me rassure. Ce petit vieil est un bonheur de malice, un exemple d’humilité et de remise en question. Comme depuis toujours il n’a de cesse de se questionner. Un grand dialogue générationnel et sensible, qui redonne foi.

6 – Les impatientes – Djaïli Amadou Amal

Récit pur et poignant sur la vie des femmes au Cameroun, Les impatientes est un appel d’humanité, petite lumière forte, qui ne faiblit pas tout au long du texte. D’autres vies, d’autres vues que les nôtres, et c’est un ravage du coeur, qui nous parle d’avenir avec la poigne de son temps. (Mon prix Goncourt du coeur.)

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Top fierté personnelle :

1 – Les carnets, mon recueil de poésie

Mais je l’ai déjà dit plus haut, je crois, et un peu sur tous les toits oups. Il faut dire que c’est en totale indépendance. Financé avec l’argent gagné en faisant des crêpes et en louant des pédalos avec Romain cet été. 5 années de poésies d’errance, dans plein d’appartements, avec des tas de gens, des aventures et des vertiges compilées dans un petit livre qui coûte seulement 5 euros, comme ça tout le monde peut se l’acheter et l’emporter partout. <3

2 – L’irrésistible élection d’Aru Mogui

Enorme fierté, d’être devenu un faux candidat politique dans notre vraie ville. Le genre de blague qui ne fait rire que nous ? Et le journal local. Grosse fierté d’avoir fait ça en équipe, ça a donné ce film dont on ne parle pas assez, de Diego Zébina.

3 – Avoir tenu le rythme des averses, notre podcast, lancé pendant le premier confinement.

4 – Mettre Première Pluie sur France Inter

Ce petit coucou que vous pouvez réécouter ici.

5 – vous !!!!! merci pour la force. être soutenu comme je le suis ça n’a pas absolument pas de prix et ça mérite une place dans ce top, merci à toutes et à tous d’être là dans toutes mes galères et mes soleils.

2020, c’était l’échauffement, 2021, je vais tout faire en plus fort, plus vite, plus citronné.

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Top ep :

C’est impressionnant, ce qui va nous tomber dessus en 2021. Rien que pour ça, on peut se réjouir.

1 – Première fois – Jäde

La grande révélation de cette année, et je crois que ce n’est rien à côté de ce qu’on pourra dire d’elle en 2021. Jäde a un sens précis du foudroyant. Elle sait le chemin le plus court entre la grâce, le sensuel et le chic. Foudroyante j’ai dis.

2 – How Can I – Park Hye Jin

C’est un truc qui m’arrive rarement, mais j’ai lancé, pour la première fois cet ep parce que je suis fan de la cover. Alors, je connaissais le travail de Park Hye Jin, mais là, je suis tombé de ma chaise. Depuis ? Je suis fan, et je danse tout seul.

3 – Hayat – Yassine Stein

Là vous avez le droit d’avoir ma vérité la plus profonde et sincère : le premier ep du complice éternel de Lomepal est un secret très bien gardé, connu seulement des meilleurs amateurs de fleurs. Celles tout en haut de la montagne, qui se méritent, qui se dénichent. Flèche taillée dans un bois rare, cet ep de 5 titres est une plage d’or.

4 – Petite Blonde – Janie 

De la douceur et de la beauté, du piano, des fleurs séchées. Le premier ep de Janie est un recueillement sincère vers le merveilleux, qui gribouille les mots d’enfants et compile les peurs de grandes. Petite Blonde est un carnet secret, précieux, fragile et bon.

5 – CHIEN – AnNie .Adaa

Vrai cri, fragrance de Jack London ambiance Appel de la forêt, le nouvel ep de AnNie .Aada est une morsure au visage. On ressent du début à la fin un besoin de vérité, qui questionne le rapport animal aux choses. Vrai travail sur l’instinct. Et on peut dire que 2021 sera l’année du Garden Club.

6 – Fictions – Fils Cara

Fils Cara aura passé une belle année. Le peintre des moments a sorti deux eps et a clairement tout bouleversé avec Fictions où il trouve et révèle quelques formules magiques de la grâce. Presque toutes les chansons de cet ep sont des tsunamis du ventre, qui donnent envie de connaître mieux l’automne, avec des ballades par les rues. C’est trop fort. Vivement l’album.

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Envie de faire des tops de tout, mais vas-y, on va voir ça plus tard, là je vais boire un bissap.

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Juste un dernier mot pour dire que malgré le virus dont il parle à la télé, j’ai bien vécu et usé mes jours.

Arthur Guillaumot / Top lessgo 2021