On était au théâtre de la Manufacture pour voir Histoire(s) de France, création d’Amine Adjina et la compagnie Le Double. La pièce déterre le roman national français pour que la jeunesse s’en empare. Une façon de confronter nos histoires et notre Histoire, par le jeu et le théâtre. Un projet nécessaire, réussi de bout en bout.

On suit sur scène 3 élèves de sixième : Arthur, Camille et Ibrahim. Leur prof leur demande 3 exposés mis en scène, sur 3 événements de l’Histoire française. On voyage alors de César contre Vercingétorix, à la Révolution Française et jusque la victoire de la France lors de la Coupe du Monde 1998.

Pour chacun de ces événements, les 3 jouent et mettent en scène leur propre représentation, comment ils s’imaginent le passé, ce que ça éprouve en eux. Ils créent sur scène leur exposé comme des réalisateurs en action. Ils apprennent à faire groupe, ils se confrontent, se testent. Et surtout, ils se réapproprient l’Histoire et la font vivre à leur propre sauce, allant à l’encontre des clichés et de l’imaginaire collectif.

Avec ces événements, Amine Adjina sème ses idées, il rebat les cartes de ce qu’on s’imagine de la France.

La Guerre des Gaules amène la question des identités, des origines et de la langue : le druide est arabe et Vercingétorix est une femme. La Révolution amène la question de la légitimité, de la démocratie et de la représentation : la classe devient le champ d’expérimentation d’un renversement de pouvoir des enfants sur les adultes. La victoire en Coupe du Monde amène la question du commun, de la nation et du rassemblement : on revit le match, celui se déroulant dans les tribunes et dans un pays tout entier qui vibre.

On remarque qu’évidemment, aucun de ces sujets n’a été choisi au hasard, à la fois par les personnages et par l’auteur. Ils ont quelque chose d’important à raconter sur les crispations actuelles de la société française. Par cette réappropriation du roman national, Amine Adjina apporte à la fois des questionnements et des clés de réponses.

On se trompe à imaginer les Gaulois comme un peuple rustre, limité intellectuellement et technologiquement face aux Romains. L’auteur fait dire par son personnage Ibrahim qu’aujourd’hui, ceux que l’on considère comme les « sauvages indisciplinés », ce sont les populations immigrées en France. C’est pour cela que le druide parle arabe dans leur exposé. Une manière de montrer que le racisme s’est déployé, qu’il n’est pas nouveau et qu’il n’arrête pas d’attaquer par ses préjugés les peuples vaincus, ou plutôt colonisés. Et l’Histoire, même la plus ancienne, fait encore sens aujourd’hui.

Si le sujet est très sérieux, c’est par la comédie que l’auteur amène ses idées et il ne nous fait pas oublier de rire pendant tout le spectacle. L’humour s’invite à chaque processus créatif, au fur et à mesure que les relations entre les 3 élèves évoluent.

Les idées scéniques d’Amine Adjina font toutes sens. Il utilise la vidéo pour augmenter son propos et amener à un questionnement collectif sur notre Histoire. On retrouve un micro-trottoir qui interroge des passants de tous âges sur leur vision du Gaulois. Et aussi une interview de quelques enfants parlant de la Révolution. La compagnie a aussi eu l’idée d’envoyer des cahiers de doléances aux classes des villes où la pièce se joue, et de rapporter sur scène les idées des élèves de façon brute, sans les moquer.

On comprend le besoin de reconnaissance et de revendication qu’ils ont par rapport aux adultes. Et ces enfants peuvent ici se faire entendre et se sentir entendus, pour ensuite peut-être changer des choses à leur échelle.

On ressort rafraîchis de ce spectacle, avec l’envie de croire toujours plus en la jeune génération. Amine Adjina montre que les enfants ont des idées, bien plus que ce que l’on voudrait croire, et qu’on gagnerait à les écouter et à leur faire confiance. Il montre aussi le besoin pour eux de s’approprier l’Histoire pour ne pas la subir, pour ne pas intégrer ses préjugés et pouvoir s’en émanciper.


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Avec Mathias Bentahar, Antoine Chicaud et Émilie Prévosteau
Texte et mise en scène : Amine Adjina
Compagnie Le Double (Centre-Val de Loire)
Avec la voix de Kader Kada
Collaboration artistique Émilie Prévosteau
Lumière Bruno Brinas et Azéline Cornut
Son Fabien Aléa Nicol
Scénographie Cécile Trémolières
Costumes Majan Pochard
Régie générale Azéline Cornut
Régie son Pierre Carré
Régie lumière Zoé Dada
Assistant à la mise en scène Julien Bréda
Vidéo Guillaume Mika
Construction décor Frédéric Fruchart
Habilleuse Manon Allégatière
Durée : 1h15min
À partir de 10 ans

Plus d’informations sur le spectacle ici.

Photos de Géraldine Aresteanu

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Josh